Les incidents qui ont mené à la mort d’un manifestant, tué par une arme offensive lancée par un gendarme, ont fait l’objet d’une enquête menée par le chef de l’inspection générale de la gendarmerie nationale, le général de corps d’armée Pierre Renault. Celle-ci a été présentée à l’Assemblée Nationale, à la commission des lois, le mardi 2 décembre 2014 après midi.
Comme tout rapport de l’inspection générale, celui-ci se pose d’abord la question de savoir si les régles qui régissent les interventions de la force publique, ici la gendarmerie, ont été respectées, et notamment si l’usage de la force a été proportionnée à la situation. Comme cela a été rapporté par la presse qui l’a traduite dans le fait qu’il n’y avait pas de faute, la réponse donnée par le rapport est positive.
Dans son intervention après la présentation du rapport à la commission des lois, le député EELV Noël Mamère ne remet pas en cause l’analyse faite par le rapporteur et se positionne sur d’autres points. Il est vrai que comme il le souligne, il ne disposait du rapport que depuis quelques heures. Mais je n’ai rien noté sur le sujet depuis.
Dans sa réponse aux questions des députés, le général Pierre Renault souligne que les régles à suivre ont encore fait l’objet de lois ces dernières années. Pour prendre un exemple dans l’actualité, il est clair que les règles imposées aux forces de l’ordre visent beaucoup plus à protéger les citoyens que ce que l’on peut constater outre-Atlantique. Ceux qui veulent critiquer les « violences policières » se trompent ou nous trompent.
L’une des questions qu’on peut légitimement poser concerne l’utilisation de grenades dites offensives. Le rapport montre que l’utilisation de celles-ci s’est faite dans une réponse proportionnée à la situation, et en conformité aux règles de la République. Ces dernières doivent-elles être modifiées sur ce sujet ? La mort d’un individu rend nécessaire de se poser la question mais n’induit pas forcément la réponse !
D’après les rapports émanant de différentes autorités, la grenade envoyée par la gendarmerie s’est coincé entre le dos et le sac à dos de Rémi Fraisse avant d’exploser. Tous ceux qui se sont penchés sur l’utilisation des explosifs (c’est mon cas, dans le cadre de mes responsabilités à la mine au début de ma carrière) savent qu’un explosif quel qu’il soit n’a pas du tout le même effet s’il explose dans l’air libre (il dégage simplement un effet de souffle) ou s’il est positionné au sein d’un corps solide (qui n’a pas la « flexibilité » de l’air). Pour les amateurs des aventures de Tintin, on trouve une illustration du phénomène dans « l’oreille cassée ».
Un explosif dangereux est ainsi devenu un explosif mortel, selon une configuration dont je n’ai pas compris qu’elle ait eu des précédents. Ceci dit, s’il est décidé d’abandonner ces grenades offensives, il faudra préciser ce qu’on fait à la place, quand les forces de l’ordre sont confrontés à des personnes qui se sont équipés pour en découdre.
Au delà de la description et de l’analyse très détaillée des événements, le rapport pointe quelques éléments qui aident à comprendre la situation dans laquelle se trouvaient les gendarmes, et je retiendrais les points suivants :
- La population locale est dans sa grande majorité, d’après le rapport, favorable à la construction du barrage (il y a d’ailleurs eu localement une manifestation en ce sens, organisée par le syndicat majoritaire parmi les agriculteurs, quoique honni des écologistes). Les forces de l’ordre avaient donc parmi leurs soucis celui d’éviter les affrontements entre « pro » et « anti »
- Les opposants au barrage (ou au moins les plus radicaux d’entre eux), s’opposent à toute prise de vue sur place qui ne soit pas contrôlée par eux, y compris de la part des journalistes et si besoin par la violence. On assiste ainsi à un cadenassage de l’information visuelle, comme aux plus beaux temps du stalinisme.
- Les éléments radicaux, évalués à environ 150 individus, utilisent des moyens de combat comme les cocktails Molotov, les bouteilles d’acides ou les jets à tirs tendus, et sont manifestement organisés et préparés de manière toute militaire, comme l’a encore souligné le rapporteur devant la commission des lois.
- Ces éléments radicaux particulièrement violents se « servent » des autres manifestants présents pour se protéger et échapper à des forces de l’ordre qui cherchent à éviter toute action disproportionnée
De la part des manifestants qui ne participent pas aux actions des radicaux, il y a une complicité de fait, dans la mesure où ces actions sont répétées et qu’ils ne les condamnent manifestement pas.
On remarquera d’ailleurs que Rémi Fraisse a été présenté systématiquement par son entourage comme un gentil garçon ne cherchant pas la violence. Cette présentation est probablement de bonne foi : pour prendre une comparaison extrême, les parents de jeunes mineurs partis en Syrie n’avaient pas cette image de leur enfant. Mais la présence de la victime en pleine nuit au sein d’une action très violente à l’écart de toute zone habitée n’est pas le fruit du hasard : il a bien décidé d’y aller, peut être sous un coup de tête ou l’influence d’amis ou de produits alcoolisés, mais pas par un simple hasard qui le faisait passer par là !
Quelques mots sur l’intervention de Noel Mamère au sein de la commission des lois le 2 décembre, que l’on peut écouter sur la vidéo. J’ai retenu deux éléments de discours qui m’ont choqué
D’abord l’affirmation qu’il faut modifier la manière dont sont conduites les enquêtes d’utilité publiques. Cette contestation ne portait pas sur des éléments de méthode défaillants que le député aurait pu mettre en avant, mais bien sur le résultat qu’il ne trouve pas satisfaisant car non conforme à ses convictions. On retrouve ici un travers assez fréquent chez les écologistes qui récusent la légitimité ou le caractère scientifique de ce qui ne va pas dans leur sens.
Deuxième point : le député EELV, en s’appuyant sur le passage qu’il a fait sur place quelques jours avant le drame, a insisté sur le fait que s’il y avait des tensions, elles ne venaient pas des manifestants mais du comportement des forces de l’ordre. Il a donné comme exemples les multiples contrôles d’identité et les destructions de matériel. Pas un mot par contre pour noter (et donc encore moins condamner) le comportement violent de certains (il a récusé le mot "d'éco terroristes" ) qui , comme la noté la gendarmerie, vont jusqu’à poser des pièges sur le terrain (un député a expliqué qu’un promeneur s’est ainsi retrouver à l’hôpital). Tout se passe comme si ce qu’il a appelé son combat (mot relevé par un autre député) avait par essence une légitimité suffisante pour justifier tous les comportements des manifestants, quels qu’ils soient, et invalider toute action des autorités. Curieuse conception de la démocratie !
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