La presse a interprété le discours du pape François sur les 15 maladies qui risquent d’atteindre toute communauté, en particulier si elle est repliée sur elle-même, comme une attaque en règle contre la Curie, dont les membres seraient à 90 % vent debout contre les actions qu’il veut mener pour la réformer, selon le « mandat » qu’il a reçu en ce sens du conclave qui l’a élu.
Outre que le pape ne peut être tenu par quelque mandat que ce soit, cette vision, si elle n’est pas complétement fausse, n’est à mon avis pas non plus complétement vraie. Et elle fait fi des spécificités des institutions ecclésiastiques, comme le montre l’exemple du concile Vatican II, qui vit lui aussi une lutte entre les représentants de la Curie et les évêques du monde entier.
La lecture du discours, publié en français par la Croix, montre que le pape s’est attaché à ne pas cibler la Curie spécifiquement, mais à parler systématiquement de « toute curie, communauté, congrégation, paroisse, mouvement ecclésial… ».On dira que c’est un effet de discours qui ne trompe personne ? C’est une interprétation, à mon avis illusoire, qui fait aussi fi de la capacité des chrétiens à se demander en quoi ils ont été pécheurs et à faire contrition, comme au début de chaque messe.
Au moment du concile Vatican II, le cardinal Alfredo Ottaviani, secrétaire du Saint Office (devenu la Congrégation pour la doctrine de la foi) a tout fait pour dans un premier temps verrouiller les débats puis dans un second temps empêcher toute remise en cause de ce qu’il considérait comme vérité indiscutable, bataillant pied à pied contre les propositions des évêques, un combat qu’il a perdu au final, les propositions qu’il combattait étant votées à une écrasante majorité. Son principal adjoint, le cardinal Guiseppe Siri était le candidat des « conservateurs » lors du conclave déclenché par le décès de Paul VI. Siri, et le candidat des « libéraux », le cardinal Giovanni Bellini, n’obtenant ni l’un ni l’autre de majorité suffisante, le conclave a choisi une personnalité différente avec jean Paul 1.
Or, malgré leur opposition marquée aux réformes de Vatican II, ces deux responsables de la Curie n’ont apparemment pas imaginé une seconde ne pas mettre en œuvre les décisions prises et ne pas obéir à leur Eglise, contrairement à ce que fera Monseigneur Lefebvre. La page de Wikipédia sur le Cardinal Siri dit « qu’il signa tous les documents du Concile et les mit en application avec rigueur dans son diocèse de Gênes » et que « cette position d'obéissance à la hiérarchie catholique telle qu'elle est tenait tellement à cœur au cardinal qu'il disait : « Il faut obéir à qui il faut obéir, pour ne pas obéir à qui il ne faut pas obéir » (c’est-à-dire en langage chrétien, le Malin)
Il me semble qu’aujourd’hui, on peut s’attendre à ce que les membres de la Curie défendent fermement le système existant mais qu’ils appliquent ensuite les décisions prises, dans ce que j’ai coutume d’appeler une logique de »bon soldat », en fait en fonction d’une posture légitimiste.
Le pape François s’est donné avec le groupe de 9 cardinaux qu’il a mis en place, le moyen d’avancer sans l’aide de la Curie, et il est probable qu’il aille assez loin dans la mise en œuvre de ce qu’attendent les évêques et cardinaux de terrain, ce qui n’est sans doute pas ce que veut la Curie, mais pas forcément non plus ce que les médias et les journaux spécialisés considèrent comme souhaitable. Comme lors de Vatican II, la question n’est pas celle du mariage des prêtres mais celle de la plus ou moins grande centralisation de l’Eglise et la place des laïcs.
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