Dans mon gratuit ce matin, je trouve cette phrase en exergue d’un article de Jean Marie Colombani : le creusement des inégalités montre que l'Etat providence ne fonctionne plus. Comme si on était revenu aux inégalités des années 50 et la réduction des écarts était venu du seul Etat providence.
L’article insistait de fait plus sur les inégalités croissantes aux USA que chez nous, mais cette dernière dimension était également présente.
Qu’en est-il ? Si on s’en tient au rapport inter décile, le ratio D1 sur D 9, se situe de manière stable autour de 3.2/3.3 depuis 40 ans. Si on prend par compte le dernier centile, celui des plus riches, on voit qu’il s’éloigne de plus en plus du niveau moyen, ce qui est encore plus vrai du dernier millile, On parle ci de revenu, les écarts sont évidemment plus forts pour le patrimoine, sachant que la moitié de la population n’en a quasiment pas.
Ceci dit, il s’agit de différences de revenus qui ne prennent pas en compte d’autres éléments de l’Etat providence. Le fils d’une de mes nièces est né avec une malformation dans l’appareil digestif, diagnostiquée avant la naissance, et dont il a pu être opéré quelques semaines après celle-ci. Mon beau-frère me faisait remarquer à ce sujet que notre système social avait permis que l’opération ne coûte rien aux parents, ce qui est dans ce cas précis un facteur très fort d’égalité !
Cet exemple illustre le caractère assurantiel de notre système de protection sociale, bienvenu évidemment, mais de fait plus important que son caractère re distributif, réel cependant.
Il faut rappeler un fait peu connu, que je n’ai découvert que grâce à Louis Chauvel : au début des années 50, le rapport inter décile n’était pas d’un peu plus de 3, mais de 9 ! C’est la montée du salariat, la redistribution par les salaires des avantages économiques du taylorisme, ce qu’on a appelé le compromis fordien qui a produit cette réduction très importante des inégalités, pas vraiment l’Etat providence, qui a eu dans l’histoire un rôle d’appoint, plus ou moins important selon les pays. On ne peut d’ailleurs guère dire que la montée des inégalités aux USA est due à la régression de l’Etat providence, qui n’a jamais tenu là-bas un rôle aussi important qu’en Europe.
Ce qui je crois augmente les inégalités dans les pays développés, c’est d’une part la mondialisation et la mise en concurrence des travailleurs les moins qualifiés des pays développés avec ceux des autres pays, mais aussi la montée en puissance des secteurs dans lesquels le coût marginal est faible et donc dans lequel le premier du secteur et parfois un ou deux autres accumulent tous les bénéfices.
Je lisais ainsi dernièrement une étude sur le rapport entre les rémunérations des joueurs les mieux payés d’un sport donné, et le ratio entre le mieux payé et le suivant : dans le sport aux plus grands écarts (le tennis de mémoire), il suffit d’aller au 32 ème joueur mondial pour avoir un rapport de 1 à 10 avec le premier ! Ce qui existe dans le sport s’observe aussi dans de nombreux secteurs culturels et une partie du secteur informatique.
Au passage, notons que vue à l’échelle du monde, la mondialisation pourrait bien être un facteur de réduction des inégalités, le revenu des habitants de ceux qu’on appelait hier le tiers monde augmentant depuis plusieurs décennies plus vite que celui des pays développés. Mais ici aussi, les résultats ne sont pas les mêmes selon qu’on raisonne en centile ou en décile, ni selon les déciles.
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