Le résultat des élections municipales devrait déboucher sur des gains pour la droite en septembre. L’annonce par le nouveau premier ministre de la suppression des départements en 2021 n’arrange pas les affaires de la gauche. Il est pourtant difficile de faire des prévisions, en raison du poids des petites communes parmi les grands électeurs.
Le Sénat est maintenant renouvelé par moitié tous les trois ans (il l’était par tiers quand le mandat était de 9 ans). L’élection de 2011 qui avait fait basculer le Sénat à gauche avait donné à celle-ci près de 56% des sénateurs nouvellement élus ou réélus, ceux de la série 1. La gauche ne compte que 46% des 178 sénateurs soumis à renouvellement cette année, ceux de la série 2. Le recul pourrait donc être limité, alors qu’il pourrait plus rude en 2017.
C’est ainsi qu’EELV, qui compte 12 sénateurs, n’en renouvelle aucun cette année et ne peut donc que progresser, même si le parti écologistes ne recueille qu’un seul siège !
L’effet du mode de scrutin sénatorial
Lors des élections municipales, la gauche a perdu 160 des 943 villes de plus de 10 000 habitants. Si on appliquait la même proportion aux 178 sénateurs à renouveler, la gauche perdrait 30 sénateurs. Mais outre le fait qu’elle a moins de sortants dans cette série 2, il faut rappeler que la majorité des grands électeurs sont issus de villes de moins de 10 000 habitants.
Wikipédia nous signale ainsi que sur les 138 889 grands électeurs, 35 330 (soit un quart) représentent les villes de plus de 10 000 habitants. Le résultat des 943 plus grandes villes, s’il a une réelle signification politique, ne nous renseigne que partiellement sur les évolutions du corps électoral des sénateurs.
A cette réalité s’ajoute le fait que les maires de petites communes, généralement élus sans étiquette, peuvent voter pour des critères très variés. En 2011, les gains de la gauche ont été plus importants que prévu, à cause des projets du gouvernement de l’époque sur les regroupements de communes, qui ont pu inciter ces maires de petites communes à voter à gauche. Cette année, la décision de supprimer les départements pourrait inciter les maires de petites communes à voter à droite cette fois.
Par ailleurs le mode de scrutin complique l’analyse, puisqu’il se fait par département, la proportionnelle étant en usage dans les départements ayant au moins 3 sénateurs. Dans cette série 2, 9 départements ont un seul sénateur, 24 ont droit à 2 et 17 à 3, 4 départements ont 4 sénateurs et les 8 qui en ont au moins 5 en regroupent 49.
Analyse par département
On pourrait imaginer que les départements qui ont deux sénateurs en ont un de chaque camp et que ceux qui en ont trois les répartissent 2/1. C’est loin d’être automatique et les départements monocolores sont nombreux, qu’ils aient 2 ou 3 sénateurs. Il est même possible que le Haut Rhin et les Alpes Maritimes perdent en septembre le seul sénateur de gauche qu’ils comptent.
Les départements qui sont déjà à 100% à droite ne pourront donner un sénateur supplémentaire à la droite : il s’agit des Ardennes, du Calvados, de la Charente maritime, du Cher, des Deux Sèvres, de l’Eure et de l’Eure et Loir, de la Saône et Loire , de la Sarthe, de la Somme , de la Savoie, de l’Indre, de la Vendée, des Vosges, de la Vienne, de l’Yonne et de Saint Barthélémy. Le gain par la droite de Niort et d’Amiens ne se traduira pas par un sénateur supplémentaire !
Paris (qui n’est pas renouvelable en 2014) constitue doublement un cas particulier. D’abord parce que le scrutin municipal s’y tient par arrondissement, ensuite parce que Paris est la seule commune de son département. En 2011, l’UMP s’était divisé au moment de l’élection. Sur les 12 élus, la liste de gauche en avait obtenu 8 (5 PS, 2 EELV et 1 PCF), l’UMP 3 (dont 1 dissident) et le Nouveau Centre 1.
Le département des Bouches du Rhône qui compte 8 sénateurs dont 3 UMP pour 5 de gauche, a vu suffisamment de villes passer à droite pour que la Métropole de Marseille Aix puisse passer à droite. La droite gagne deux secteurs sur Marseille, Châteauneuf les Martigues, Aubagne et Salon de Provence, ce qui devrait lui assurer des gains aux sénatoriales.
Même chose en Gironde ou la communauté urbaine de Bordeaux devait passer à droite et où la droite a aujourd’hui la moitié des 6 sénateurs. Elle a pris à la gauche St Médard en Jalles, Pessac, mais aussi Coutras, Pauillac, Castelnau de Médoc, Sainte Foy la Grande, et Vendays Montalivet.
Le cas de l’Ain
Si on prend le premier département par ordre d’alphabétique, au nom prédestiné (Ain), on y trouve deux sénateurs socialistes et un UMP. C’est typiquement un département dont on peut se demander s’il verra un changement de camp ou non. Il faut noter que jusqu’au scrutin de 2008, le département ne comptait que deux sénateurs et qu’ils étaient tous les deux de droite depuis 1980 !
Le PS dirigeait la préfecture, Bourg en Bresse et une des 4 autres villes de plus de 10 000 habitants. Il ne conserve que la préfecture. Le Monde signale qu’il perd Montluel. Ailleurs, de nombreuses listes se présentent sans vraiment d’étiquette précise…
Avec un peu moins de 40 000 habitants la ville de Bourg en Bresse a 39 conseillers municipaux (30 élus sur la liste menée par le PS, 7 élus sur la liste de droite et 2 FN) et 39 électeurs. Les 4 autres villes ont entre 10 000 et 20 000 habitants, ce qui leur assure 33 conseillers municipaux et autant d’électeurs : on le comprend, les habitants de Bourg sont moins bien représentés. Sur ces 132 conseillers, la droite a obtenu 109 sièges sur les listes gagnantes (qui s’affichent toutes comme « divers droite ») et 3 sur une liste « divers droite » à Oyonnax. La gauche est dispersée avec 3 élus sur une liste menée par le PCF, 5 sur deux listes menées par le PS, 3 élus PRG, et 9 élus sur deux listes « divers gauche ».
Le grand nombre de divers, la présence de listes d’union ne permet guère à l’observateur extérieur de prévoir les votes. On peut seulement dire que la droite domine dans les villes principales, et encore plus que la fois précédente.
Mais il y a aussi 164 communes qui ont connu un scrutin de liste (et ont donc au moins 1000 habitants) et enverront entre 3 et 29 électeurs selon leur taille. Dans ces communes, il est possible d’avoir une idée de la composition politique, encore qu’on y compte beaucoup de listes « divers droite » ou « divers gauche », qui peuvent très bien comprendre des élus de l’autre « camp ». 259 communes étaient au scrutin pluri nominal et on ne connait pas les étiquettes politiques. Elles enverront 1 ou 3 délégués chacune, selon qu’elles ont moins ou plus de 500 habitants.
Sur les 20 premières communes de plus de 1000 habitants par ordre alphabétique, on compte 4 communes de moins de 1 500 habitants (qui auront donc 3 délégués chacune), 5 de 1 500 à 2 500 habitants (5 délégués), 4 de 2500 à 3500 habitants (7 délégués) et 4 comprises entre 5 000 et 9000 habitants (15 délégués chacune). La ville la plus importante de ces 20 communes, Belley a basculé à droite. On compte beaucoup de listes de droite élues mais aussi des listes « divers » sans plus de précision. Sur la base de ces 20 communes, on aurait en moyenne 7 délégués par commune de 1 000 à 10 000 habitants, soit un total de 1148 délégués qui vont « noyer » les 171 délégués des 5 plus grandes villes.
Au regard des résultats, la droite semble largement majoritaire, le PS devrait perdre un sénateur et même peut être les deux, du moins si on ne tient pas compte des implantations personnelles, toujours difficiles à saisir.
Et demain ?
La réforme des niveaux administratifs qui conduirait à la suppression des départements devrait logiquement s’accompagner du regroupement des communes dans les intercommunalités… et la suppression des communes, ce qui révolutionnerait le mode d’élection du Sénat ; Mais on n’en est pas encore là !
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