La décision du gouvernement de revoir la fiscalité de certains produits d’épargne, bénéficiant d’avantages du fait de leur longue durée, donne une fois de plus le sentiment qu’il a une conception assez particulière de la notion de pause fiscale. Les réactions illustrent aussi une fois de plus la schizophrénie d’un discours politique qui encense les (petits) épargnants et n’a pas de mots assez durs pour les riches / capitalistes.
Les gouvernements successifs ont créés au fil du temps de nombreux supports financiers bâtis sur un même principe, celui d’une dispense fiscale en contrepartie du blocage des fonds pendant au moins 5 ou 8 ans selon les produits. En cause notamment les plans d’épargne logement, l’assurance vie et les plans d’épargne en action. Des plafonds existent, mais à des niveaux relativement importants : 132 000 € par personne pour un PEA par exemple, mais il n’y a pas de limite pour l’assurance vie, qui offre par ailleurs un régime fiscal très favorable pour les successions.
Une autre dispense fiscale est accordée à des placements liquides cette fois (donc sans contrainte de durée) mais dans la limite d’un plafond sensé faire la distinction entre les petites gens à protéger et les autres à taxer. En cause avant tout, le livret A mais aussi d’autres comptes du même type.
D’après l’INSEE, le patrimoine brut des ménages était en 2011 de 11.6 milliers de milliards d’euros, soit plus de 9 ans de leur revenu disponible et près de 6 fois le PIB du pays. Leur dette était de 1.3 milliers de milliards, composé à plus de 70% de crédit immobilier. Dans le patrimoine brut, les actifs non financiers (essentiellement de l’immobilier) pèsent pour plus de 7.6 milliers de milliards.
Les 3 962,1 milliards d’euros d’actifs financiers se décomposent en
· 1 169,7 milliards d’euros de numéraire et dépôts (dont les comptes courants et les livrets A),
· 882,4 milliards d’euros d’actions et titres d’OPCVM (dont la valeur fait des yoyos avec le cours de la Bourse)
· 1 517,3 milliards d’euros de provisions techniques d’assurance (l’assurance vie notamment). Leur part dans les actifs financiers détenus par les ménages est passée de 25 % en 1996 à 38 % en 2011
· 392,6 milliards d’euros d’autres actifs financiers
L’INSEE nous a donné en avril, page 9, la répartition du patrimoine des ménages en 2010, selon l’âge, la catégorie socio professionnelle de la personne de référence, le montant du patrimoine et les caractéristiques du ménage. L’INSEE donne aussi les parts du total pour les années 1998 et 2004. Sur l’ensemble des ménages, on trouvera ci-dessous la part possédant un type de patrimoine donné :
Livrets défiscalisés : 84.5 % (82.5% en 1998)
Livrets soumis à l’impôt : 06.2% (id. en 1998)
Épargne logement (PEL ou CEL) : 30.9% (40.9% en 1998)
Ensemble des valeurs mobilières : 18.9% (21.2% en 1998, 24.2% en 2004)
Assurance-vie, PEP, PERP, épargne retraite : 48.3% (45.8% en 1998)
Épargne Salariale : 14.8% (12.7% en 1998) :
Résidence Principale : 57.9% (53.3% en 1998)
Autres logements : 18.5% (18.1% en 1998)
On trouve le livret défiscalisé à des taux très élevés dans toutes les couches de population : le taux le plus bas concerne ceux qui ont un patrimoine brut inférieur à 3000 € brut (11.1% de la population) et il atteint malgré tout 57.8% ! Sans surprise, la possession de sa résidence principale augmente avec l’âge, mais elle atteint déjà 46.6% pour les 30-39 ans. On trouve même parmi ceux dont le patrimoine est inférieur à 3000 €, 2.3% de propriétaires de leur résidence principale : on se demande comment celle-ci est valorisée !
Les écarts les plus importants selon le niveau de richesse ou les catégories socio professionnelles concernent les livrets soumis à impôt, les valeurs mobilières et les autres logements.
Les PEL/ CEL sont plus partagés. Seuls les agriculteurs sont plus de 60% à en posséder un. On en trouve 19.4% chez les ouvriers non qualifiés, 21.1% dans les familles monoparentales et 11.9% chez les ménages dont le patrimoine est compris entre 3 000 et 7 500 €.
Mais l’assurance vie et ses équivalents sont encore plus partagés puisque les taux de possession dans les catégories précédentes sont respectivement de 31.5%, de 44.5% et 26.1%
On se dira bien entendu que ces comptes peuvent avoir des montants très différents selon les niveaux de revenus et de patrimoine. C’est certes vrai. Mais moins qu’on ne l’imagine. L’INSEE, bonne fille, nous a fourni (page 13) également la composition des revenus disponibles par déciles de niveau de vie. La part dans le total des revenus du patrimoine est particulièrement élevée (27.9%) au-dessus du dernier décile. Mais elle passe progressivement de 3% en dessous du premier à 10% entre le 8ème et le 9ème. Des écarts bien moins élevés que ce qu’on pourrait imaginer spontanément.
Autant dire que beaucoup de Français de tous milieux se sentent concernés quand on touche à la fiscalité des PEL, ou de l’assurance vie. On comprend la réaction des députés socialistes qui craignent déjà une Bérézina de leur parti lors des prochaines élections et qui ne souhaitent pas en rajouter !
Les commentaires récents