Le Monde s’en prenait ce week-end aux participants des « discrètes agapes » du club Quadrilatère, qui réunit régulièrement des DRH de grands groupes, des hauts fonctionnaires, des syndicalistes et même quelques journalistes (mais pas du Monde !). le dessin qui accompagne l’article comprend les mots de discrétions, secret, connivences.
D’après l’article, pas inintéressant au demeurant, ce sont des journalistes du groupe Liaisons sociales qui sont à l’origine il y a une vingtaine d’années de ces rendez-vous réguliers (tous les deux mois) d’experts du social comprenant quelques syndicalistes très haut placés, de la CGT, de la CFDT et de FO mais aussi quelques conseillers gouvernementaux également bien placés, à Matignon ou au ministère du travail.
L’article cite une avocate « qui roule sa bosse depuis des années auprès de syndicalistes » et qui « persifle » : c’est un lieu où se fabrique la connivence. Quelle honte en effet pour les partisans de la lutte des classes !
Peut-être parce que le Monde se veut malgré tout partisan de la démocratie, le journal insiste plutôt sur le manque de transparence de ces réunions, et montre à l’appui de cette thèse d’autres clubs dans lesquels « les acteurs dialoguent au grand jour ».
J’ai eu l’occasion de participer à des réunions d’un autre de ces clubs, ni secret ni même discret certes, mais suffisamment peu connu pour qu’on puisse s’y exprimer tranquillement. Le mien réunit consultants, DRH, syndicalistes et chercheurs. J’ai pu y entendre les négociateurs CGT et CFDT de la négociation sur la qualité de vie au travail faire un point de la négociation : un sujet qui n’intéresse pas (à tort) les grands médias.
Tout le monde ou presque s’affirme partisan du dialogue social : on ne peut pas vouloir un tel dialogue et s’offusquer que les différents acteurs se parlent, y compris sans être sous les feux des projecteurs. Il me semble qu’on voit assez bien l’impact sur la vie des stars de la visibilité permanente pour ne pas la souhaiter pour tout le monde, même à l’heure de Facebook et de Prism !
C’est justement une des difficultés du dialogue social dans l’entreprise : son côté officiel et très juridique. Certains élus font des réunions du comité d’entreprise un espace très officiel, notamment en enregistrant les débats et en faisant du procès-verbal des véritables minutes de la réunion. Outre que cela fait des comptes rendus illisibles pour les salariés car trop longs, cela fait du comité un véritable théâtre, où chacun est tenu de jouer son rôle, où les différents syndicats se surveillent mutuellement sans aucune de marge de manœuvre pour simplement une compréhension mutuelle. Comment peut-on par exemple trouver des solutions s’il n’y a aucun temps pour les hypothèses et l’imagination ?
Pour redonner un peu de souplesse à l’ensemble, certaines entreprises pratiquent les bilatérales (en ne recevant qu’un syndicat à la fois). Une autre solution consiste à mettre en place sur certains sujets et projets des groupes de concertation, dans lesquelles il y a échange d’informations et de point de vue, sans la contrainte du compte rendu officiel.
Si le Quadrilatère décrit par le Monde permet aux acteurs de s’écouter et de se comprendre, vive le Quadrilatère !
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