En préparation de la manifestation du 10 septembre contre la réforme des retraites à laquelle son syndicat appelle avec la CGT, Jean-Claude Mailly, de FO, s’exprime dans le Monde sous le titre « arrêtons de remettre en cause les droits sociaux lors du débat sur les retraites ! Un article révélateur des principes généraux de négociation de FO, mais aussi de la mauvaise foi de son secrétaire général.
La doctrine constante de FO, qu’illustre bien son point de vue sur la question des retraites, est qu’il n’est pas question d’admettre des reculs sociaux, qu’il ne doit y avoir que des avancées. Cette position de principe la différencie de la CFDT qui admet qu’on puisse échanger des reculs contre des avancées sur des sujets considérés comme plus importants. C’est fort de ce point de vue que dans certaines entreprises, au moment des lois Aubry, le syndicat FO refusait toute idée d’annualisation du temps de travail (même sous la forme de jours d’ARTT) et réclamait un passage à 35 heures en 5*7 heures. La différence sur ce point avec la CFDT s’explique probablement en partie parce que FO est surtout forte dans le public alors que la CFDT est plus forte dans le privé. Comme le montre assez nettement la tribune de son secrétaire général, FO ne se demande pas si ce qu’elle réclame est possible pour son partenaire dans la négociation.
FO est donc opposé à toutes les réformes réalisées sur les retraites depuis 1993 (FO réclame toujours le retour aux 37.5 ans de cotisations). Dans sa tribune, son secrétaire général met en avant des arguments pour le moins discutables.
Après un couplet sur les méchants financiers et la non moins méchante union européenne, il invoque la situation de « la moitié des salariés qui demandent la liquidation de leur retraite et qui ne sont pas en activité parce qu’ils sont en invalidité ou en inaptitude ».
Le numéro 1449 d’INSEE Première, paru le 7 juin et dont j’ai fait une analyse le 9 juin montre que cette prétendue moitié de salariés n’est qu’un fantasme et analyse en détail les cas des 34 % qui ont accédé indirectement à la retraite dans les dix années précédentes. On notera que c’est le cas de 20 % des salariés du public ce qui donne à penser que le licenciement n’est pas la seule raison. L’INSEE trouve 4 types de situation, depuis le chômage subi jusqu’au chômage choisi (notamment par ceux qui se portent volontaires pour un plan social quelques mois avant de pouvoir prendre leur retraite), en passant par les inaptes ou en longue maladie ou ceux qui arrêtent de travailler pour des raisons personnelles (par exemple pour soigner des parents malades).
Je n’en dirais pas plus ici : j’invite ceux qui le souhaitent à lire la note de l’INSE ou mon article. Qu’on retienne simplement que près de la moitié des 34 % d’accès indirect ont en fait choisi cette solution, et que le taux de 34 %(calculé sur 10 ans) est actuellement en forte diminution, du fait de la disparition de la DRE (on peut aussi lire mon article sur l’impact de cette suppression sur l’emploi à partir de la même note de l’INSEE).
Plus loin dans la tribune de JC Mailly, on trouve cet autre argument : « que dire à la génération 1974, compte tenu d’une entrée plus tardive sur le marché de l’emploi, qui avait déjà à 30 ans trois ans en moyenne de cotisations en moins que la génération 1950 au même âge ».
On sait qu’entre 1920 et 2000, l’âge de fin d’études a progressé de 6 ans pour les filles (soit un an par décennie) et 5 ans pour les garçons. La tendance relevée par JC Mailly n’est donc pas surprenante, même si le volume de 3 ans en 24 ans parait un peu élevé. La raison de ce résultat est que le secrétaire de FO n’a pas choisi sa date de départ au hasard, selon une méthode classique des gens qui ne cherchent pas à faire comprendre mais à tromper. En effet, il faut se rappeler que 1950 marque le passage générationnel à la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans (et non plus 14), ce qui explique que l’écart de cotisations à 30 ans soit de 4 ans pour les ouvriers !
Un dernier mot sur la fin de la tribune : JC Mailly veut nous faire croire qu’une politique de maîtrise des dépenses de retraite va à l’encontre de la croissance, en invoquant l’impact des dépenses sur celle-ci. Au-delà du fait qu’il s’agit d’une lecture simplificatrice et erronée de Keynes, il faut dire ici que la réalité est inverse : augmenter le nombre d’actifs (en repoussant l’âge effectif du passage à la retraite) augment aussi le nombre d’emplois et la richesse du pays. On en trouvera l’illustration dans l’article déjà cité et dans un autre beaucoup plus ancien.
Quelques chiffres pour illustrer mon propos : le taux d’activité des 55/64 ans était 32% en 1995 (35 % pour les hommes et 27% pour les femmes) et de 44.8% au troisième trimestre 2012 (avec une aigmentation rapide depuis la loi de 2010 : 3 points sur un an). Le taux d’activité des 55/64 ans a connu un miminmum à en dessous de 30 % en 1999. Le gain depuis 20 ans résultat des réformes contestées par JC Mailly correspond environ à 1.5 millions d’actifs en plus (et de retraités à payer en moins)
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