Au mois de mars, les prix ont nettement augmenté en France sur un mois du fait de la fin des soldes, mais le résultat annuel montre au contraire une tendance à la baisse. La tendance en Europe est la même. Les ajustements dans les pays de l’Europe du Sud doivent permettre à ces derniers de rétablir leur compétitivité vis-à-vis de l’Allemagne.
Les prix à la consommation ont augmenté en mars de 0.8 % sur un mois et de 1.0 % sur un an. Le taux d’inflation se situe en France un peu au-dessous de celui observé dans la zone euro (autour de 1.5%). La forte augmentation observée en mars provient des produits manufacturés soldés le mois précédent (+12.2% pour l’habillement et les chaussures).
La faiblesse de la demande dans de nombreux pays de la zone euro tend bien sûr à faire baisser l’inflation. La question qui se pose actuellement est celle des écarts entre pays et de la manière dont ils corrigent ou aggravent les déséquilibres entre les pays de la zone.
Dans la concurrence que se font les entreprises de la zone euro, l’évolution relative des coûts de production selon les pays peut favoriser ou défavoriser tel ou tel pays. Les coûts de production dépendent des gains de productivité et de l’évolution des salaires et celle-ci a forcément un lien avec l’inflation, sans que ce lien soit mécanique.
Le mois dernier, à l’occasion de la publication de sa note de conjoncture, l’INSEE a publié une étude sur l’évolution de l’inflation dans les pays du Sud de la zone, principalement l’Italie et l’Espagne. Page 49, le graphique 2 montre les évolutions sur 15 ans de l’inflation dans les 4 plus grands pays de la zone. Celle de l’Allemagne est la plus faible, mais même en cumul sur 15 ans, la différence avec celle de la France ne doit pas excéder 3 %.
La différence avec l’Espagne et l’Italie est plus importante. Avec l’Italie, l’écart en faveur de l’Allemagne est supérieur à 1% par an jusqu’en 2003, puis se réduit à un demi pour cent environ, ce qui est faible mais en cumulé devient important. Avec l’Espagne, le différentiel d’inflation est de 2% par an jusqu’en 2007 et diminue ensuite.
En théorie, un pays comme l’Espagne peut être dans une situation de rattrapage se traduisant par des gains de productivité plus rapides que les pays plus développés : dans ce cas, l’écart d’inflation est compensé par les gains de productivité. Malheureusement pour l’Espagne, il ne semble pas que cela ait été le cas, ou pas suffisamment
Au-delà du différentiel d’inflation qui lui a été favorable comme on vient de le voir, l’Allemagne a bénéficié d’importants gains de coûts, d’une part en utilisant sa position géographique pour sous-traiter les activités les plus simples aux pays de l’Est, d’autre part en baissant de fait certains salaires et en faisant évoluer le partage de la valeur ajoutée dans un sens favorable aux entreprises : celles-ci ont répercutés dans les prix à la consommation l’augmentation de leurs mages, mais l’augmentation de leurs coûts a été plus faible que ne l’indique le taux d’inflation. L’INSEE explique que « pendant les années 2000, le coût salarial unitaire a diminué en Allemagne car la productivité augmentait fortement et les salaires nominaux progressaient peu ». L’Allemagne a vu sa croissance tirée par les exportations notamment vers le reste de la zone euro, alors que la demande des ménages était atone du fait de la faiblesse des gains salariaux : l’Allemagne a mené en Europe une politique mercantiliste, peu coopérative.
Les entreprises françaises ont connu une évolution inverse, avec le passage aux 35 heures qui équivaut à une baisse de la productivité puis avec une baisse du taux de marge des entreprises dans les dernières années.
Le tableau 4 donne les évolutions de l’inflation et des coûts salariaux unitaires avant et après la crise dans les 4 pays étudiés.
On voit que pour un écart d’inflation faible (0.3% par an), l’écart des coûts entre France et Allemagne a été de 2 % par an, ce qui donne plus de 20 % au bout d’une décennie ! Dans le cas de l’Italie, l’écart avec l’Allemagne est de 3 % par an. Il est de 4.2% pour l’Espagne. Il est vrai que l’Allemagne a abordé la période dans une situation défavorable qu’il lui fallait rattraper, mais de tels écarts sur une décennie étaient intenables.
L’INSEE, constatant que les pays du Sud mettent en place des politiques d’austérité vigoureuse, se demande pourquoi elles ne voient pas un recul de leur inflation.
Le même tableau 4 montre que les deux dernières années voient une évolution inverse à celle observée précédemment, favorisée par les hausses de salaire allemandes. La France regagne 0.3 % par an, en raison d’une évolution salariale qui reste assez élevée (l’étude pointe « En France, la productivité a ralenti depuis la crise mais les salaires continuent d’augmenter au même rythme que par le passé »). L’Italie ne gagne quasiment rien, parce que sa productivité ne progresse pas, au contraire de l’Espagne qui enregistre de forts gains de productivité (ce qui explique que dans une période de récession le chômage s’envole).
Pour l’avenir, l’Allemagne devrait enfin tirer la demande dans la zone euro par la hausse de ses salaires (ce qui va diminuer son excédent commercial, du moins avec la zone euro, sans augmenter les déficits publics, au contraire). La France aurait besoin d’une inflation plus faible qu’en Allemagne pour que ses coûts augmentent moins vite que chez ses voisins sans affecter le pouvoir d’achat : rien ne garantit que cela soit la tendance.
En Espagne, la dynamique des deux dernières années a fait baisser l’inflation, ce qui est positif pour l’avenir, mais le retard accumulé est très important. En Italie, le niveau de l’inflation est un élément défavorable puisqu’il conduit à augmenter les coûts pour les entreprises sans se traduire par une augmentation du pouvoir d’achat pour les ménages
Dans une zone euro où on ne peut plus dévaluer ou réévaluer, la désinflation est réellement compétitive !
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