Le ministère du travail a publié les résultats de mesure d’audience des syndicats qui, pour la première fois depuis la loi du 20 aout 2008, vont définir, branche par branche, quels sont les syndicats représentatifs et ceux qui ne le sont pas. Au niveau interprofessionnel, les cinq organisations présumées représentatives jusque-là le restent, y compris la CFTC qui progresse avec 9.30% des voix.
Jusqu’en 2008, cinq organisations syndicales (la CGT, la CFDT, FO, La CGC et la CFTC) étaient présumées représentatives partout. Il était difficile pour d’autres syndicats de s’installer dans une entreprise. Surtout, un accord était valable s’il était signé par un syndicat, quel que soit sa représentativité réelle.
La CFDT a poussé à remettre en cause ces pratiques qui avaient pour elles plusieurs inconvénients : permettre au patronat de s’appuyer sur un syndicat peu représentatif pour mettre en œuvre une politique sociale refusée par la grande majorité des salariés, permettre à des syndicats de ne pas chercher à aboutir à des accords ou de les critiquer tout en les laissant faire, permettre aux syndicats de rester dans le discours idéologique sans se préoccuper réellement de la situation des salariés. Au final, l’objectif est de changer les pratiques syndicales et de stopper la désaffection progressive des salariés pour le syndicalisme.
Un accord interprofessionnel (intitulé « position commune ») a donc été publié le 9 avril 2008 sur les règles de représentativité. Il n’a été signé que par la CFDT et la CGT, les autres syndicats craignant manifestement de perdre de l’influence dans l’opération, qui est considérée comme une main tendue à la CGT et en interne de celle-ci aux forces qui derrière Bernard Thibaut poussent la centrale vers le réformisme. C’est le contenu de ce texte qui a été intégré dans la loi du 20 août 2008.
Si le seuil des 8 % (10 % au sein d’une entreprise) a été fixé en deçà du score alors obtenu par la CGC et la CFTC dans les élections aux comités d’entreprise, une vraie menace pesait sur la CFTC (la CGC avait obtenu une logique catégorielle qui la mettait hors de danger). Contrairement à ce qui se racontait, la CFTC est assez nettement au-dessus du seuil requis, avec 9.30% des voix.
La DARES fait également une comparaison avec les scores obtenus en 2006 aux élections du CE, comparaison qui n’est pas exactement fidèle puisque le score de cette année inclut le vote des salariés des entreprises de moins de 11 salariés (vote organisé cet hiver, où seulement 10% des inscrits ont voté, et qui a été plutôt favorable à la CGT). On trouve dans le tableau suivant le score de 2006 et les résultats qui viennent d’être publiés :
|
CGT |
CFDT |
FO |
CGC |
CFTC |
UNSA |
Solidaires |
autres |
2006 |
29.60 % |
26.20 % |
16.40 % |
8.40 % |
8.80 % |
|
|
10.60 % |
2009/2012 |
26.77 % |
26.00 % |
15.94 % |
9.43 % |
9.30 % |
4.26 % |
3.47 % |
12.56 % |
évolution |
- 2.83 % |
- 0.20 % |
- 0.46 % |
+ 1.03 % |
+ 0.50 % |
|
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+1.96 % |
La publication de ces résultats arrive au moment où le Parlement va devoir se prononcer sur le projet de loi qui reprend l'accord national interprofessionnel du 11 janvier qui porte notamment sur l’emploi. Cet accord a été signé par trois organisations syndicales sur 5 (la CFDT, la CGC et la CFTC ont signé) mais est combattu par les deux autres (FO et la CGT) : il est donc majoritaire selon les critères qui avaient lieu jusqu’ici(le nombre de syndicats). Mais les contestataires prédisait qu’il ne le serait plus, notamment si la CFTC n’est plus représentative.
Pour qu’un accord soit valide, il faut que les signataires aient obtenu au moins 30% des voix et qu’il ne soit pas dénoncé par des centrales ayant réuni au total 50%. Si des voix se sont portées sur des organisations qui n’atteignent pas le seuil, les pourcentages sont calculés sur le total obtenu par celles qui l’ont atteint.
Le ministère publie donc le score obtenu par les organisations représentatives au niveau national avec ce nouveau calcul :
CGT |
CFDT |
FO |
CGC |
CFTC |
Total |
30.62 % |
29.74 % |
18.23 % |
10.78 % |
10.63 % |
100 % |
Les signataires de l’accord du 11 janvier réunissent donc 51.11% : la CGT et FO réunis ne peuvent dénoncer l’accord. Celui-ci prend donc avec ces résultats une forte légitimité, l’un des principaux arguments des contestataires tombant.
La CFDT obtient dans l’opération un rôle encore plus central qu’hier dans les négociations. En pratique on observe en effet que la CFTC et la CGC acceptent généralement de signer (la position commune de 2008 constituant une exception). Mais elles ne peuvent pas signer à elles deux (elles ne font pas 30% ensemble). La CGT se positionne généralement de manière contestataire. FO et la CFDT ont une position plus centrale, moins proche du patronat que les deux petites, mais moins opposées par principe que la CGT.
FO et la CFDT ont par contre des attentes et des analyses très différentes. Chacune des deux, dans les entreprises ou les branches où elles sont puissantes, va trouver un terrain d’entente avec le patronat. Mais elles ne seront pas sur la même longueur d’onde.
Or, si, au niveau interprofessionnel national, la FO signe un accord sans la CGT ni la CFDT, elle ne peut atteindre les 30 % que si elle est suivie par les deux petites centrales (alors que la CFDT n’a besoin que d’une seule pour cela). Surtout les négociateurs patronaux prendraient dans une telle configuration le risque d’une dénonciation conjointe de la CGT et de la CFDT, soit 60.36 % des voix représentatives !
On peut penser que la CGT aurait intérêt à ne pas se cantonner à une attitude purement contestataire, pour également faire valoir les sujets qui lui tiennent à cœur. Ce n’est pas impossible et dépendra des rapports de force internes. Mais après tout, elle obtient plus de 30 % seule et peut donc en théorie signer seule.
Il faut noter que si de nouvelles règles du jeu sont ainsi fixées pour 4 ans, des changements importants viennent d’avoir lieu (arrivée de Laurent Berger à la CFDT et de Thierry le Paon à la CGT) ou vont survenir (succession de Laurence Parisot) qui jettent aussi une incertitude sur l’avenir.
La situation sera évidemment différente dans les branches ou les entreprises, selon le poids de chaque organisation.
Le ministère du travail publie aussi les résultats par branche, ce qui permet d’identifier ce que sont les autres syndicats (une multitude, souvent très spécifiques et parfois d’un poids important dans une branche donnée). On ne peut qu’être effaré par le nombre considérable de branches, qui réunissent parfois moins de 1000 inscrits : encore une aberration du paritarisme à la française !
Dans ma branche, celle dite des bureaux d’études, la CFDT vient largement en tête avec plus de 30% des voix (ce qui signifie qu’elle peut signer seule), suivie de la CGC (18%) de la CGT (17% et de la CFTC (13%) et enfin de FO (10%).
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