La confiance des Français dans leurs représentants politiques est faible, comme l’avaient souligné Yann Algan et Pierre Cahuc dans « la société de défiance » ? Le Cevipof a décidé depuis 2009 de suivre cette question. Sa dernière vague d’enquête sur le sujet montre que la confiance diminue encore, sans qu’on puisse en déduire une tendance structurelle ou un phénomène conjoncturel
Suivre dans la durée un sujet avec les mêmes questions posées à intervalle régulier est une bonne idée, car elle fait apparaitre l’évolution dans le temps de l’opinion, au-delà des biais qu’induit forcément la formulation d’une question, aussi neutre soit elle. La COFREMCA (devenue Sociovision) en a fait sa spécialité depuis les années 50, ce qui a permis à son fondateur Alain de Vulpian d’en tirer en 2004 un livre « à l’écoute des gens ordinaires » qui montrait comment en 50 ans les Français avaient changé en profondeur.
Le CEVIPOF n’en est pas là. La quatrième vague qui vient de paraitre, 3 ans après la première, montre certes des évolutions dans le point de vue des Français, mais le recul est très insuffisant pour distinguer ce qui est conjoncturel et ce qui est structurel dans ces évolutions, d’autant plus qu’on se trouve dans une période économique particulière.
On peut d’ailleurs observer que les courbes publiées pour illustrer les résultats des 4 vagues successives montrent des allers et retours dans les mouvements d’opinion, quand les graphiques qui ne reprennent que la première et la quatrième vague (sur des questions qui n’ont été posées que ces deux fois-là) donnent l’illusion d’une évolution linéaire.
Les résultats selon les fonctions politiques page 14 ou sur la démocratie page 17 ne donneraient absolument pas la même impression sans les résultats de la première vague.
Avant de regarder avec prudence les évolutions, les situations méritent d’être observées. On peut ainsi noter que la confiance générale envers les autres diminue avec l’éloignement : elle est plus forte pour la famille ou ceux que l’on connait personnellement (95% dans les deux cas) que pour les voisins (74%) ou surtout ceux que l’on rencontre pour la première fois (44%).
Sur la page 11 on découvre que 73 % des sondés sont d’accord avec l’affirmation « on n’est jamais assez prudent quand on a affaire aux autres » et seulement 16% avec l’idée que « on peut faire confiance à la plupart des gens ».
Sur une question quasi identique, Algan et Cahuc (page 20) notaient que seulement un peu plus de 20% des Français affirmaient que l’on peut faire confiance aux autres contre 35% des Allemands ou des Espagnols, 45% des Américains, 55% des Chinois et 65% des Norvégiens et des Suédois.
A cette aune, la confiance dans les élus, qui est inférieure à 50% sauf pour le maire, n’est pas si mauvaise que cela : après tout, environ 40% des Français font confiance à leur député ! Encore une fois, le livre de Cahuc et Algan nous donne page 12 une comparaison internationale : 45% des Français déclaraient n’avoir aucune confiance dans leur parlement, contre 85% des Mexicains, 55% des Grecs, 32% des Italiens et des Allemands, environ 25% des Suisses et des Espagnols, 12% des Suédois et 5% des Norvégiens.
Il faut dire que le mot qui est déclaré comme le sentiment que donne la politique est d’abord la méfiance (28%) puis le dégout (26%), très loin devant l’intérêt (13%), le respect (1%) ou l’enthousiasme (0% !).
Autre question qui recueille un avis majoritaire des Français : 52% d’entre eux affirment « je ne fais confiance ni à la droite ni à la gauche pour gouverner le pays ». Ils sont encore plus nombreux (68% lors de la dernière vague) à affirmer que « la notion de droite ou de gauche ne veut plus rien dire »
Enfin, les deux tiers des Français pensent que les jeunes ont moins de chance que leur parent de réussir » (ce que veut dire « réussir étant laissé à l’appréciation de chacun !).
Si on regarde maintenant les évolutions conjoncturelles, on note que le rejet de Marine le Pen diminue à 62%, que 20% des Français déclarent avoir perdu la confiance qu’ils avaient en François Hollande (contre 7% en octobre 2011).
Il était aussi demandé pour chacun des anciens présidents, si « dans la situation actuelle de crise », ils auraient fait mieux ou moins bien que François Hollande. Si on fait la différence entre les + et les -, Charles de Gaulle obtient le score canon de +37% (mais c’est à mon sens induit par le mot crise dans la formulation de la question), suivi par Pompidou (+12) et Sarkozy (+9), ce dernier étant celui qui recueille de loin le moins de « ni plus ni moins » (29%), sans doute parce qu’il était très clivant mais aussi parce que c’est le plus récent.
En tous les cas, on a le sentiment que si la présidentielle se déroulait maintenant, le battu d’il y a 8 mois serait vainqueur : les mauvais résultats économiques ont fait très mal à l’équipe en place, ce que l’on savait déjà par ailleurs.
Les commentaires récents