Les deux indices du moral des ménages et du climat des affaires publiés par l’INSEE à cette fin décembre sont en hausse, à partir d’un niveau très bas. Cela peut indiquer un retournement comme être très provisoire, mais cela apporte une lueur d’espoir dans un contexte marqué par la hausse continue du chômage.
L’indice de confiance des ménages est passé de 84 en octobre et novembre à 86 en décembre, ce qui le laisse loin de son niveau moyen de 100, qu’il n’a plus atteint depuis septembre 2007. L’indicateur, dont les séries longues remontent à octobre 1972, a connu un point maximal à 129 en mai 1973(à l’époque, il était mesuré trimestriellement) et un point très haut à 125 en janvier 2001. Son point le plus bas se situe en juin et juillet 2008, à 79. Il était à 82 il y a douze mois et était remonté à 90 à la faveur de l’élection présidentielle en mai (il enregistre une hausse à chaque présidentielle, celle-ci suscitant provisoirement un espoir d’amélioration). Il a connu en 2011 deux périodes de remontées (en juillet et en octobre) qui se sont révélées non durables.
L’indicateur de climat des affaires date lui du début de l’année 1980. Il a connu un premier point bas en mars 1993 à 76.5, mais ce record a été enfoncé en mars 2009, avec un niveau de 69.6, avant une longue remontée au-delà de 109 en mars 2011. Il a connu une remontée très provisoire de trois points en mars 2012, à 95, avant de descendre à un point bas en octobre à 84 donc.
Les deux remontées constatées ne signifie pour l’instant pas grand-chose (d’où mon titre) le seul point remarquable étant que les deux indices augmentent en même temps.
La croissance est actuellement plombée par trois phénomènes :
- La part du capital dans la valeur ajoutée se situe à un niveau historiquement bas, environ 4 points en dessous de la moyenne constatée auparavant, ce qui se traduit d’une part par une augmentation des faillites, d’autre part par une difficulté à investir. L’INSEE note cependant que les entreprises ont à peu près maintenu leurs investissements, mais on sait que le niveau de ceux-ci est insuffisant en France depuis longtemps.
- Les politiques de réduction des déficits publics pèsent sur la demande. C’est vrai en France pour la demande intérieure, avec la conjonction des effets de la montée du chômage, de la maîtrise des salaires publics et privés et de l’augmentation des impôts. C’est aussi vrai pour la partie européenne de la demande externe. D’après une note récente de la Banque de France (voir graphique 2), plus de la moitié du commerce extérieur de kla France se fait avec le reste de la zone euro. Cependant, la demande dépend aussi de la proportion des ménages à épargner : celle-ci augmente en temps de crise, accentuant celle ci. Une diminution de l’épargne liée à une amélioration de la confiance des ménages profiterait à la demande.
- La situation compétitive de la France s’est dégradée significativement en dix ans vis à vis de son voisin allemand, son principal client et fournisseur. Elle s’est probablement améliorée vis à vis de l’Italie et de l’Espagne, mais ces pays sont en train de faire des efforts considérables pour diminuer leurs coûts. Sur ce terrain, la France a besoin de réduire encore la progression de ses prix et de ses salaires, et aussi que l’Allemagne au contraire accepte un peu plus d’inflation. Mais il faudra des années pour que ce mouvement fasse de l’effet.
Il est à noter qu’un transfert de charges sociales des entreprises vers les ménages (par exemple par une hausse de la TVA) aurait eu un effet bénéfique sur les points 1 et 3 et négatif sur le point 2, les effets bénéfiques étant à la fois plus tardifs et plus durables que les effets négatifs.
L’analyse des éléments contributifs de la croissance de la France en 2012 présente également des éléments positifs pour l’avenir, mais ils sont à prendre avec précaution, à cause d’Airbus.
Pour l’ensemble de l’année 2012, donc y compris avec une prévision pour le 4ème trimestre, l’INSEE prévoit une croissance du PIB limitée à 0.1% seulement. Celle-ci est le résultat d’une contribution de la demande intérieure pour 0.4, d’une contribution du commerce extérieur pour 0.6, le tout compensé pour 0.9 par une contraction des stocks.
On aurait donc une amélioration de la balance commerciale (devenue très déficitaire) et de la demande, masqués par la réduction des stocks. Comme ceux-ci ne peuvent pas diminuer indéfiniment, il y a dans les comptes des éléments de rebond pour l’année 2013.
Cet effet stock est loin d’être négligeable, puisqu’elle explique l’essentiel de la différence entre les années 2011 et 2012 :
Contributions à la croissance |
2011 |
2012 |
Demande intérieure |
0.9 |
0.4 |
Commerce extérieur |
0.0 |
0.6 |
Variation de stocks |
0.8 |
- 0.9 |
Total sans variation de stocks |
0.9 |
1.0 |
Total croissance |
1.7 |
0.1 |
Dans une note de début février 2012 qui faisait le point des résultats 2011 de la France, j’écrivais :
Le levier majeur a été celui de la variation des stocks, qui explique la moitié du résultat et surtout la totalité de la forte croissance du premier trimestre. Depuis trois ans, la variation des stocks est assez erratique : au plus fort de la crise, du 4ème trimestre 2008 au deuxième trimestre 2009, elle provoque un recul de 1.8% du PIB, qui recule de 2.6% sur la période ! Elle a ensuite contribué pour 0.9% à la croissance au 4ème trimestre de 2009, pour 1% au premier trimestre 2011 et donc pour -0.8% pour le dernier trimestre. Au total, la contribution positive de 2010 et 2011 compense exactement celle négative de 2009. On peut donc imaginer que le niveau actuel des stocks est à peu près normal.
On notera enfin que l’INSEE prévoit une évolution nulle ou quasiment nulle de chaque élément contributif pour chacun des deux prochains trimestres ; Il est très probable que l’évolution réelle sera plus accidentée. La prévision de l’INSEE montre surtout que ses économistes n’y voient actuellement pas clair avec les données dont ils disposent, situation assez caractéristique des périodes de retournement.
Il faut cependant noter qu’Airbus perturbe les mesures économiques, en particulier sur les deux points que je viens de mettre en valeur, à savoir le commerce extérieur et les stocks.
En effet, l’un des rôles les plus importants du site de Toulouse est qu’on y assemble les éléments fabriqués un peu partout, et en particulier à Hambourg. Un Airbus livré le 3 octobre, donc au quatrième trimestre, va se traduire par une augmentation des exportations et une diminution des stocks sur ce trimestre-là. Mais il se sera traduit par des importations et une augmentation des stocks le trimestre précédent. La valeur très importante d’un avion Airbus fait que les dates de livraison peuvent impacter les résultats trimestriels (un trimestre de PIB de la France, c’est 500 milliards, 0.1% de ce PIB, c’est 500 millions d’euros) de manière observable.
S’il n’y avait cette possibilité d’un effet Airbus, j’inclinerai à penser que les augmentations des deux indices de confiance évoqués plus haut et l’effet commerce extérieur + reconstitution des stocks se traduiront au premier semestre 2013 par une croissance positive, donc supérieure aux prévisions de l’INSEE. Cette situation positive serait le résultat de la reprise aux USA et dans les pays émergents, de la baisse de l’euro, de la faiblesse des taux dans la zone et de la sortie des périodes les plus dangereuses pour la Grèce et l’Italie. Pour une fois, la croissance dans la zone euro serait tirée par l’Allemagne.
Mais cette supposition est marquée par plusieurs incertitudes : les indices de confiance vont-ils continuer à augmenter ? L’investissement va-t-il se maintenir malgré les faibles marges des entreprises ? Le commerce international va-t-il continuer à se renforcer ?
On verra !
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