L’ancien premier ministre italien Silvio Berlusconi, menacé d’être condamné dans de nombreuses affaires veut revenir au pouvoir, ce qui a entraîné la démission de Mario Monti. En douze mois, celui-ci a réussi à sortir, au moins provisoirement de la menace d’uns situation à la grecque de taux d’intérêts insupportables.
La dette publique italienne représente un volume très important : 120% du PIB et plus de 2000 milliards d’euros aujourd’hui. Comme l’ensemble des pays de la zone euro, l’Italie a bénéficié de taux bas (nettement plus bas que ceux qu’elle payait auparavant) dans les années qui ont suivi la crise de l’euro. Mais une inflation supérieure à la moyenne de celle de la zone euro ont progressivement dégradé sa compétitivité et ses comptes : avec la crise financière puis celle de la Grèce, les marchés ont commencé à se méfier de la dette italienne.
En 2008/ 2009, les taux italiens à dix ans se situaient entre 4 et 5.5% (agrandir le graphique). Un taux de 5% signifie que pour un emprunt d’un milliard d’euros, il faut payer 50 millions d’euros d’intérêts par an. Un emprunt obligataire sur dix ans à 5%, remboursable in fine, c’est-à-dire au bout des 10 ans, nécessite donc de payer 10 fois 50 millions, donc au total 500 millions, en plus du milliard qu’il faut bien entendu rembourser à la fin.
Si les taux moyens se situent de manière stabilisée à 5%, un pays qui a une dette de 2 000 milliards comme l’Italie paye donc 100 milliards d’euros d’intérêts sur sa dette publique. Soit deux fois le montant de l’impôt sur le revenu en France. Si le taux est stabilisé à 4%, le coût des intérêts se situe 20 milliards plus bas. Soit pour un pays de 25 millions de ménages comme la France, 800 € par ménage et par an, ce qui n’est donc pas anecdotique.
Si l’Italie paye donc environ 4 à 5% de taux d’intérêt, ce n’est pas le cas de tous les pays de la zone euro. L’Allemagne est le pays qui bénéficie des meilleurs conditions financières (elle paye actuellement à dix ans environ 1.5% de taux d’intérêt, et sur les emprunts très courts, le taux a même été négatif récemment). Chaque pays surveille donc d’une part l’évolution générale des taux d’intérêts et d’autre part l’écart entre les taux qu’il paye et ceux payés par l’Allemagne. Dans les premières années de la zone euro, cet écart est devenu très faible pour tous les pays de la zone, ce qui leur était évidemment favorable.
En 2008, l’écart (le « spread ») entre les taux italiens et allemand se situait autour de 0.5%, ce qui signifie que s’il était stabilisé sur ce niveau en période longue, il coûtait environ 10 milliards d’euros à l’Italie. Pas vraiment négligeable mais faible à l’échelle d‘un pays d’environ 1600 milliards de PIB.
Début 2009, cet écart avait augmenté pour dépasser 1.5%, mais le mouvement était compensé par une baisse générale des taux. Début 2010, la situation est de nouveau favorable pour l’Italie : certes l’écart avec les taux allemands se situe autour de 0.7%/ 0.8%, mais le taux réellement payé sur les nouveaux emprunts se situe à 4% environ. En fin d’année, malgré une nouvelle hausse de l’écart, qui se situe de nouveau autour de 1.5%, le taux du 10 ans italien revient vers 3.5%.
Mais le répit offert par la baisse générale des taux va être de courte durée : l’année 2011 voit l’écart grimper fortement, et le niveau réel des taux avec lui : le 9 novembre 2011, alors que le premier ministre Silvio Berlusconi, abandonné par un patronat très inquiet, a dû démissionner en raison de la crise financière, le « spread » se situe à 5.7% sur le 10 ans et à 6.3% sur le 2 ans. Le taux du 10 ans est ce jour-là à 7.34%.
Cela ne signifie pas que l’Italie doive payer 7.34% sur l’ensemble de sa dette. D’abord parce qu’elle répartit ses emprunts sur des durées diverses (dont 2 et 10 ans). Ensuite parce que les emprunts émis un an auparavant induisent des intérêts à la hauteur des taux de l’époque, par exemple 4% seulement.
Mais tous les nouveaux emprunts devront se faire à un taux de marché qui risque fort de rester élevé, et qui pourrait bien aller au-delà) des 7.34% constatés le 9 novembre 2011. L’article publié avant que Mario Monti soit nommé premier ministre note que l’Italie devra trouver 193 milliards d’euros en 2012. L’article note qu’à cette date, le spread de la France a dépassé 1.5%, un montant historiquement très élevé : c’est l’ensemble de la zone euro qui est menacé d’entrer dans une spirale incontrôlable.
Certes la Banque centrale européenne(BCE) peut agir pour faire baisser la pression. Mais elle ne veut pas le faire tant que les gouvernements concernés n’auront pas pris des mesures sérieuses pour maîtriser leurs déficits. Le raisonnement est simple : si elle intervient sans cette assurance, elle ouvre la voie à l’accentuation des comportements irresponsables, jusque ce que même ses actions ne soient plus efficaces face à la débâcle.
Arrivé au pouvoir pour faire baisser la tension, Mario Monti a donc conduit une politique visant à réduire le déficit, en réduisant les dépenses et en augmentant les recettes (donc les impôts).
La France a fait de même, avec un mixte entre les deux types de mesures qui a varié entre Nicolas Sarkozy et François Hollande. Elle en a tiré devrais bénéfices, puisque son « spread » est revenu à des niveaux faibles, au point que les intérêts payés en 2012 se situent plusieurs milliards d’euros plus bas que prévu au budget. Sur l’ensemble de l’année, notre pays a emprunté à moins de 2%.
Il est vrai que rassurée par les actions des gouvernements, la BCE a fait son devoir et distribué des liquidités à un taux très faibles et en volume suffisant, malgré les froncements de sourcils des Allemands et de leurs alliés finlandais.
Les taux à 10 ans payés par l’Italie, à 7% en janvier, ont baissé sensiblement dès février, pour se situer vers 5% en mars. Ils sont remontés ensuite un peu au-delà de 6% en juillet, pour redescendre en fin d’année en dessous des 5% à 10 ans et à) environ 2% à 2 ans. Le 29 novembre, l’Italie a placé 3 milliards à 10 ans avec un taux de 4.45% contre 4.92% un mois avant et 3 autres milliards à 5 ans avec un taux de 3.23% contre 3.8% un mois avant. Sur les trois milliards à 10 ans, le taux obtenu en fin novembre représente une économie de 140 millions (sur la durée de l’emprunt) par rapport aux taux du mois d’avant, et de 870 millions par rapport aux taux observés un an auparavant ! Pour trois milliards, quand la dette cumulée en fait 2 000…
Contrairement à ce que prétend le Cavalière qui pointe l’austérité imposée aux italiens, l’obsession de Mario Monti pour le spread a coûté aujourd’hui des efforts à ses concitoyens mais leur en a épargné de bien plus importants demain ! Son bilan est très positif à terme
Les commentaires récents