L’Insee a annoncé jeudi que la dette publique au sens de Maastricht a baissé de 14 milliards au troisième trimestre mais que la dette nette a augmenté de 24 milliards. La manière dont les journaux relaient l’information est assez variable : les bons et les mauvais ne sont pas forcément où on les attendait.
J’avais consacré il y a trois mois un article à la différence entre dette publique nette et nette publique brute en alertant que le suivi de la dette au sens de Maastricht, qui réfère à la dette brute, pouvait aboutir à des contresens d’analyse importants : la manipulation de la trésorerie peut produire une diminution de la dette brute en trompe l’œil.
Mon article suivait un autre écrit quelques jours plus tôt et intitulé : « Hollande nous prend pour des idiots », qui faisait suite à une déclaration de ce dernier qui s’engageait à ce qu’il n’y ait pas « un euro de plus de dette à la fin de son quinquennat ». Mon article expliquant la différence entre dette brute et nette finissait par :
Il est possible de faire varier la dette au sens de Maastricht (c’est à dire la dette brute) de plusieurs points, simplement par des décisions de gestion de la trésorerie…
On comprend donc que la promesse de stabiliser la dette à un euro près sans préciser s’il s’agit de la dette brute ou nette, s’il s’agit de la dette de l’ensemble des APU ou seulement celle de l’Etat ne participe que du discours politicien… Ce n’est d’ailleurs pas à la gloire des journalistes de s’en contenter. On se demande finalement qui nous prend pour des idiots !
En fait, il suffisait d’attendre la prochaine livraison trimestrielle de l’INSEE sur la dette pour observer une illustration de mon article. Dans un contexte de taux extrêmement bas, la direction du trésor est très active sur la gestion de la trésorerie. Alors que celle-ci avait nettement augmenté au deuxième trimestre, elle a au contraire baissé de plus de 30 milliards au troisième. D’où la différence entre une dette nette qui augmente de 24 milliards (comme le trimestre précédent) et une dette brute qui diminue au contraire de 14 milliards.
La diminution de la dette publique au sens de Maastricht (c’est-à-dire de la dette brute) est donc purement technique. Elle n’informe évidemment en rien sur l’évolution des déficits. La note de l’INSEE permet de le comprendre si on la lit attentivement, pas si on se contente de n’en lire que le début.
La plupart des journaux se sont contentés de reproduire le communiqué de l’AFP qui résume fortement la note de l’INSEE (consultable sur un simple clic sur la page d’accueil de l’INSEE !). On lit donc dans leurs articles que la dette a baissé, et que c’est la conséquence du désendettement des administrations centrales. La plupart prennent en titre le fait que la dette publique a baissé, ce que fait aussi JM Sylvestre sur son blog. Ils nous prennent pour des idiots, mais c’est par paresse de leur part.
Certains journaux ou sites d’informations économiques font clairement apparaître la distinction entre dette brute et nette sans plus entrer dans le détail. Ce qu’on peut lire dans les commentaires montre que certains lecteurs savent très bien de quoi il s’agit …mais pas tous.
On arrive enfin aux deux publications qui vont un tout petit peu plus loin, l’Express et la Tribune.
L’Express reste très sobre, et on peut croire au début qu’il reprend comme tout le monde la dépêche de l’AFP. Mais il finit, après avoir noté l’évolution de la dette nette, par ce dernier paragraphe : L'Insee, qui publie ces chiffres, explique que l'écart de 38,4 milliards entre cette hausse de la dette nette et la baisse de la dette brute traduit notamment la forte diminution de la trésorerie de l'État et des administrations de sécurité sociale.
Bravo donc à l’Express qui, plutôt que de faire bêtement confiance à ses journalistes sur un sujet économique, est allé prudemment chercher un copyright au Cerclefinance.com.
La Tribune aurait sans doute mieux fait d’en faire autant, au lieu de démarrer son article par cette phrase mise en exergue : Alors que le gouvernement s'apprête à livrer les chiffres du chômage en novembre, l'annonce d'une baisse de la dette publique est une bonne nouvelle.
Evidemment, pas un mot dans l’article sur l’augmentation de la dette nette. Au contraire, après avoir repris les informations de l’AFP, le « journaliste » Nabel Bourassi développe ses commentaires sous le sous-titre « le bout du tunnel ? ». Pour un journal qui se prétend spécialisé dans l’économie, on peut parler de désinformation pure.
L’article est en fait militant. Les commentateurs ne s’y sont pas trompés qui se sont précipités en masse pour s’écharper sur les mérites respectifs des présidents Sarkozy et Hollande. Un ou deux commentateurs essaient de donner l’explication sur la différence entre dette nette et dette brute : peine perdue, ils sont noyés dans la masse.
Bon, ce n’est pas cela qui va me réconcilier avec les journalistes !
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