Pendant les trente glorieuses, les candidats aux élections ont pu multiplier les promesses et même les tenir une fois élus : il était possible d’augmenter la dépense publique grâce à la forte croissance. Aujourd’hui, il s’agit de faire « plus avec moins » et de faire accepter des sacrifices aux électeurs, ce qui n’est pas électoralement payant.
Dans les années 60 et le début des années 70, la dépense publique augmentait en part d’un PIB lui-même en forte croissance. Cela a permis de financer les constructions d’écoles et d’hôpitaux, l’amélioration du niveau des retraites et des dépenses de santé, l’augmentation du nombre de fonctionnaires de tous métiers.
Aujourd’hui, l’Etat est confronté à une croissance faible : les recettes augmentent naturellement moins vite que les dépenses. Le problème n’est plus de choisir quelle nouvelle dépense privilégier mais de faire comprendre aux citoyens qu’ils devront partir en retraite plus tard ou voir fermer l’hôpital le plus proche de chez eux.
Au tout début des années 90, Michel Rocard avait dit que la question des retraites empoisonnerait la vie des gouvernements pendant les 15 années suivantes. Il aurait du dire au moins 20 ans, et probablement plus encore.
On a bien vu sur ce sujet les résistances énormes des citoyens et les réticences très fortes des militants de gauche à accepter la remise en cause de ce qu’ils considéraient comme une conquête sociale de la gauche en 1981.
Si l’on examine la dépense publique, on trouve deux grandes dépenses qui pèsent chacune plus de 10% du PIB : les retraites et pensions d’une part, les dépenses de l’assurance maladie d’autre part. Il y a ensuite le paquet des dépenses de l’Etat, et en particulier celles liées à l’enseignement et à la recherche puis celui des dépenses des autres entités territoriales.
La santé, les retraites, l’enseignement, voilà trois groupes de dépenses dont le poids n’a cessé d’augmenter dans le PIB depuis 1945. A législation constante, elles augmentent toujours plus vite que le PIB
Qu’ont fait les gouvernements successifs depuis trente ans pour faire face à ces problèmes ?
La première véritable alerte s’est produite sous le gouvernement Mauroy : celui-ci a mis en place le plan de rigueur, qui a eu pour résultat de casser l’inflation et de rétablir un partage de la valeur ajoutée compatible avec la survie des entreprises. Il a fallu que J Delors et P Mauroy arrivent à convaincre le Président de la République et il est clair que la plupart des députés socialistes ont traîné les pieds…
La politique de rigueur a redonné de l’air aux gouvernements Chirac puis Rocard mais la crise est revenue et elle a coûté la victoire électorale à la gauche en 1993 et 1995 puis à la droite en 1997. La reprise des années Jospin a pu faire croire (en particulier à tous ceux qui avaient envie de le croire, et ils étaient nombreux) qu’on était revenu à la douce période des trente glorieuses, mais la réalité a repris le dessus, causant la défaite de Jospin en 2002 et de Sarkozy en 2012.
Reprenons les grandes catégories de dépenses pour comprendre ce qui a été fait pendant ces trente ans
On connaît bien le dossier des retraites et il est clair que seule la droite a eu le courage d’agir, avec Balladur en 1993, Fillon en 2003 et diverses mesures prises sous le gouvernement Fillon de 2007 à 2011 (y compris la fin de la dispense de recherche d’emploi par exemple). C’est seulement maintenant que le taux d’activité des 55/ 64 ans augmente vraiment : j’ai déjà longuement parlé de ces sujets sur ce blog.
Deuxième sujet, les dépenses de santé. Il y a eu quatre types d’actions avec les gouvernements successifs :
- Sur les dépenses hospitalières, c’est l’augmentation du budget global qui a d’abord été limitée, conduisant les établissements à raccourcir les durées de séjour (un accouchement, c’est aujourd’hui 3 ou 4 jours d’hospitalisation contre une semaine il y a trente ans). Les directions régionales ont également poussé au regroupement des cliniques privées et au partage des spécialités sur les territoires. La droite a mis en place en 2009 la tarification à l’activité avec la loi HSPT, fortement remise en cause par la gauche(ou au moins une partie) lorsqu’elle était dans l’opposition (mais le bon sens devrait conduire à une remise en cause à minima).
- Sur l’offre médicale, considérée par les études économiques comme un facteur d’augmentation de la dépense, la méthode partagée par tous les gouvernements a consisté à limiter le nombre de médecins avec le numerus clausus. Cette politique a trouvé ses limites avec le passage aux 35 heures.
- Il y a eu une action sur les médicaments, notamment en favorisant systématiquement l’utilisation des génériques.
- Enfin, face aux déficits successifs, les gouvernements ont joué à la fois sur la baisse des remboursements et sur la hausse des cotisations (ou l’invention de nouvelles recettes, la principale étant la CSG, très critiquée par la droite quand Rocard la met en place et augmentée ensuite par cette même droite). Dans ce domaine, la dernière décision en date est le jour de carence pour les fonctionnaires, mesure que la gauche n’a pas non plus supprimée.
Troisième sujet, les dépenses de fonctionnement de l’Etat. Le rapport Pébereau a insisté sur l’augmentation continue du nombre de fonctionnaires et pointé le manque de diminution de ceux qui sont en back office sur des taches administratives, à rebours de ce qui s’est passé dans la banque ou l’assurance. Le ministère des finances a fait de gros progrès de productivité, mais au prix de longues luttes avec les syndicats, qui ont notamment conduit à la démission du ministre socialiste Christian Sauter. La RGPP devait contribuer à continuer ces progrès : il faut bien reconnaître que le résultat est assez décevant.
Dernier sujet, les dépenses des collectivités locales, et celles des services décentralisés de l’Etat. Jusqu’il y a peu, ces collectivités locales ont continué à augmenté leurs dépenses comme avant, mais elles savent aujourd’hui que la hausse des impôts ne leur est en pratique plus ouverte et qu’il va falloir maintenant maîtriser les dépenses, dans un moment où l’Erat est tenté de diminuer ses transferts. Il va bien falloir revoir le mille-feuille administratif. Les tentatives timides du gouvernement Sarkozy sur le sujet ont coûté à la droite sa majorité au Sénat…
Au final, la principale action de la droite aura porté sur les retraites et celle de la gauche sur la partage de la valeur ajoutée des entreprises (en 1983/ 1985 et très probablement demain). Assez curieusement, c’est sous la présidence de Giscard puis de Sarkozy, tous les deux réputés proches des entreprises, qu’on a vu le partage de la valeur ajoutée devenir dangereusement défavorable à ces dernières. Il est vrai que dans les deux cas, une forte crise, pétrolière dans le premier cas et financière dans le second, est passée par là.
Le rapport Pébereau est paru en 2005 et le moins qu’on puisse dire est que depuis la lutte contre les déficits n’a pas été à la hauteur !
Que peut-on conclure ? Que face aux difficultés, les gouvernements finissent par agir, mais souvent très tard et pas assez fortement. Il semble qu’il faille que la situation soit vraiment grave pour qu’ils puissent imposer des mesures impopulaires aux citoyens…
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