Accélérer et sécuriser les procédures de licenciements économiques, c’est une des mesures proposées par Louis Gallois dans son rapport. Il veut aussi « que le changement d’employeur ne soit plus perçu comme un traumatisme par le salarié ». L’un de ses objectifs est en contrepartie de diminuer l’appel à la précarité.
Dans un article récent, je notais que le discours médiatique se focalise sur les licenciements économiques, qui ne représentent pourtant qu’une très faible partie des sorties de l’entreprise : le licenciement économique est parmi les différentes causes de sorties, celle qui en explique le moins grand nombre !
La publication par la DARES le 24 octobre des résultats de son enquête sur les mouvements de main d’œuvre au deuxième trimestre est l’occasion de faire le point sur cette question.
Le graphique 3 montre que la part des CDD dans les embauches a beaucoup augmenté depuis 2001, avec un niveau qui dépasse aujourd’hui 80%, contre 57% il y a 11 ans. Mais il faut se méfier de ce graphique : l’examen des graphiques 2 et 1 montre que le taux d’embauche en CDI est aujourd’hui pratiquement au même niveau qu’en 1999. C’est le nombre d’embauches en CDD qui a augmenté, et avec lui le taux de rotation de la main d’œuvre, passé d’un niveau compris entre 9 et 10% (c’est à dire 9 à 10 embauches pour 100 salariés dans l’entreprise)par trimestre au début des années 2000, à plus de 12% cette année.
Toujours est-il que l’on peut noter, à côté d’un courant non négligeable d’entrées et de sorties en CDI, un flux d’entrées et de sorties dans l’emploi précaire beaucoup plus important. Dans les entreprises de plus de 10 salariés, il y a 4 entrées en CDD pour une entrée en CDI. Ce ratio est d’ailleurs très variable selon les secteurs : pour une entrée en CDI, il y en a 1.2 en CDD dans la construction, 2 dans l’industrie et près de 5 dans le tertiaire.
Mais il ne faut pas en tirer de conclusions fausses : c’est dans le tertiaire que le taux d’embauches en CDI est le plus élevé, avec 2.8 (pour 100 salariés) contre 1.3 dans l’industrie et 1.9 dans la construction ! Il faut dire que c’est aussi dans le tertiaire qu’il y a le plus de démissions : 1.6% contre 0.6% dans l’industrie et 1.0% dans la construction. On ne sait pas si ce plus grand nombre de démissions est du à de plus mauvaises conditions de travail et de salaires ou à la possibilité de trouver ailleurs : sans doute les deux, selon les entreprises et les branches !
Examinons le graphique 5, un peu touffu avec ses quatre courbes, pour suivre celle qui se situe presque toujours la plus basse, celle des licenciements économiques. On remarque un pic à la hausse en 2009, à près de 0.3% par trimestre (les démissions étaient encore au-dessus de 1% la même année. Mais si on regarde la tendance à long terme, on note une nette tendance à la baisse : au premier trimestre 2011, le taux est passé en dessous de 0.1% et il y est resté depuis. C’est la première fois depuis 12 ans. Ce taux était supérieur à 0.2% en 1999, une période de forte croissance en France.
La DARES nous fournit les chiffres précis sur le nombre de PSE notifiés chaque mois à l’administration et le nombre de licenciements économiques mensuels.
Depuis janvier 2000, le nombre de PSE notifiés se situe généralement au-dessus de 1000 sur 12 mois cumulés, sauf pendant trois périodes : jusqu’à fin 2001, en 2007/ 2008 et actuellement, depuis 2011 ! Si l’on examine maintenant le nombre de licenciés économiques sur 12 mois, il se situe en dessous de 200 000 pendant à peu près les mêmes périodes : jusqu’à mi 2001, en 2006/ 2008 et actuellement depuis avril 2011.
Ces résultats sont légèrement différents de ceux que donnent l’enquête sur les flux de main d’œuvre, celle-ci étant obtenue par voie statistique, donc moins fiable. Il faut cependant remarquer que si la valeur absolue du nombre de licenciements ne change pas, le ratio diminue un peu sur la durée puisque le nombre d’actifs (le dénominateur) a augmenté (mais ce changement est assez marginal).
Il est très probable que les nombres de PSE et de licenciements économiques soient en train d’augmenter. Sur le long terme, on peut cependant penser qu’effectivement les lois qui rendent compliqués les licenciements économiques participent à l’augmentation importante de la précarité. Et rejoindre Louis Gallois quand il veut réduire l’incertitude juridique et la durée de la procédure.
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