Il y a de moins en moins de salariés du secteur privé qui partent en retraite anticipée ou bénéficient d’un dispositif leur permettant de ne pas chercher un emploi : c’est le constat fait par la DARES qui compare les résultats de 2011 à ceux des années précédentes dans une publication parue la semaine dernière.
Le niveau élevé du chômage et la gestion des restructurations ont conduit il y a déjà longtemps à inventer plusieurs dispositifs de départs anticipés. La dispense de recherche d’emploi, le décret amiante ou le dispositif carrière longue se sont ajoutés ensuite à la liste. La tendance est aujourd’hui inverse : pour équilibrer les caisses de retraite, on cherche à augmenter le taux d’activité des seniors et donc à diminuer ou rendre plus contraints les dispositifs de cessation anticipée d’activité.
La note de la DARES commence donc par rappeler les dispositifs encore existants en 2011 :
- La dispense de recherche d’emploi, qui peut se cumuler au versement d’indemnités chômage (cela dépend des droits disponibles)
- La cessation d’activité pour carrière longue, crée en 2003 mais dont les critères ont été rendus plus contraignants en 2008
- Les divers dispositifs de pré retraite, financés par l’Etat ou les entreprises privés
L’ensemble de ces dispositifs ont comptabilisé 71 600 entrées en 2011, très loin des près de 300 000 enregistrés en 2004, ou même des 273 700 de 2007. De fait, la baisse a été spectaculaire : 236 500 en 2008, 109 300 en 2009, 109 800 en 2010. Rappelons qu’une cohorte représente environ 800 000 individus ; cela signifie qu’entre 2004 et 2008, les départs anticipés concernaient environ 35% d’une cohorte mais qu’n 2011, ce taux est passé sous les 10%. Le graphique 3 donne la proportion dans la population des 55/ 59 ans : plus de 12% il y a cinq ans, et moins de 5 aujourd’hui.
Si on raisonne stock et non flux, le graphique 2 nous montre que le nombre de personnes en situation de cessations anticipées (mais n’ayant pour la plupart pas atteint leurs 60 ans) a dépassé les 100 000 en 1976, a atteint les 400 000 en 1980 et dépassé les 800 000 en 1983, avant de re diminuer à un minima de plus de 400 000 en 1995, de remonter avec le dispositif carrière longue à près de 700 000 en 2006. Il est inférieur à 300 000 en fin 2011 et devrait encore diminuer.
Le graphique 4 donne la répartition de ceux qui sont en cessation d’activités, pour les années 2003, 2005, 2007, 2009 et 2011. Il apparait immédiatement que certains ont plus de 60 ans, mais que ce n’est pas le cas du plus grand nombre. En 2005, ceux qui sont en cessation d’activité représentent environ 2% de leur classe d’âge à 55 ans, plus de 5% à 56 ans, 13% à 57 ans, 19% à 58 ans, 23% à 59 ans, 5% à 60 ans, puis diminue tout doucement vers 3/ 4 % à 64 ans et quasiment plus rien à 65 ans. Les chutes à 60 et 65 ans s’expliquent bien entendu par les départs en retraite.
La comparaison entre les années 2007 et 2011 sur le graphique montre l’effet des politiques menées depuis 2007 pour diminuer les flux de départs : en quatre ans, les volumes sont divisés par dix environ à 56 ans , par 7 à 57 ans, par 4 à 58 ans, par 1.4 à 59 ans. A 60 ans et plus la diminution est également assez forte (à partir d’un volume faible) environ par 2. Le dispositif s’est fortement concentré sur les personnes âgées de 59 ans.
Le bilan 2011 se place à un moment clé : si la tendance de tous les dispositifs actuels est clairement à la baisse, l’un d’entre eux va trouver une nouvelle vigueur… mais dans des conditions très différentes. En effet, l’âge de départ normal à la retraite étant fixé à 62 ans, le départ anticipé se fera à 60 ans et sera ouvert à tous ceux qui ont commencé leur carrière avant 20 ans, à condition qu’ils aient suffisamment de trimestres cotisés. Cette condition ferme de fait la porte à beaucoup de femmes, si elles ont eu une carrière interrompue : la part des hommes parmi les sortants par ce dispositif était de 86% en 2006 et encore de 78% en 20111. Elle devrait logiquement continuer à baisser lentement les prochaines années : l’augmentation continue du taux d’activité féminin depuis 30 ans se traduit par une part de plus en plus grande de femmes qui ont une carrière complète.
La publication de la DARES consacre plusieurs pages et tableaux à la Dispense de Recherche d’Emploi (DRE). D’abord pour noter que sa suppression progressive s’est traduite mécaniquement par une hausse du nombre de chômeurs indemnisés parmi les 55/ 59 ans. Le graphique 5 montre que la somme des 55/ 59 ans indemnisés dans l’un ou l’autre dispositif est à peu près stable, les deux courbes se compensant à peu près.
Si on regarde de plus près le graphique, on observe que cette somme (des personnes de 55/59 ans, sans emploi et indemnisés) n’a cessé de croître entre 1999 et 2006, passant de moins de 500 000 à environ 650 00, indépendamment de la conjoncture économique et malgré le dispositif carrière longue qui aurait dû en théorie la faire baisser. Au contraire, en 2011, malgré la réduction des départs retraites longues et malgré la crise, le total diminue !
Une interprétation vient tout de suite à l’esprit : l’existence de la DRE favorisait la sortie vers le chômage de plus en plus de seniors, et, bien sûr, ne les amenait pas à revenir vers l’emploi (puisqu’ils étaient dispensés de recherche). Le tableau 2, en nous renseignant sur les motifs d’entrée en DRE, va nous confirmer cette intuition. Il montre en effet que les causes d’entrée à Pôle emploi sont assez différentes selon que les personnes sont indemnisées ou non : dans le premier cas, on note une prédominance forte des entrées suite à un licenciement auxquelles il faut ajouter les ruptures conventionnelles, qui représentent 16% des cas.
La statistique ne permet pas de savoir à quel point le licenciement est subi, ou se trouve, comme la rupture conventionnel, être volontaire. Beaucoup de licenciements économiques se faisant dans le cadre de plans de volontariat, on peut penser qu’une partie non négligeable des départs étaient volontaires, sans en connaitre la proportion. La DARES note que les entrées suite à licenciement sont en baisse suite à l’entrée en vigueur de la rupture conventionnelle et que celle-ci représente en fin 2011 17% des fins de CDI pour les plus de 55 ans, et seulement 9% pour les moins de 30 ans.
Concernant maintenant les départs en retraite pour carrière longue, on notera que ses bénéficiaires sortent directement de l’emploi beaucoup plus souvent que les autres : 93% des cas contre 45% ! Ils ont aussi un montant de retraite de base plus élevé que la moyenne : 9 579 euros annuels contre 7 168 pour les autres retraités, soit un écart de 34 %. L’écart est de 21 % pour les hommes (9 752 euros de pension de base) et de 42 % pour les femmes (9 045 euros). Ces écarts sont dus au fait que ceux qui ont eu une carrière longue ont de nombreux trimestres cotisés et un salaire de référence sur les 25 meilleures années également plus élevé.
Enfin, la DARES note enfin que les départs en préretraite sont aujourd’hui essentiellement réalisés dans le cadre du décret amiante, qui concerne 84% de ce type de sortie. Or les sorties dans ce cadre ne cessent de diminuer depuis le pic de 2002 (environ 9000 salariés) et ne concernent en 2011 que moins de 5000 personnes.
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