Il y a 50 ans, le 11 octobre 1962 s’ouvrait le concile Vatican II voulu par Jean XXIII comme un moyen d’aggiornamento (mise à jour) de l’église catholique. Pour Christine Pedotti, auteur d’un passionnant « la bataille du Vatican », ce concile connut un combat entre conservateurs et progressistes, analyse qui n’est pas partagée par tous et qui est probablement simpliste.
Les 576 pages du livre sont en tous les cas bien écrites et se lisent comme un roman. En choisissant de donner la parole aux différents acteurs du concile, l’auteur a su donner de la vie à ce qui se joue avant puis pendant le concile.
Le titre du livre rappelle qu’il y a eu de nombreux affrontements. Lors de la quatrième session, le pape Paul VI exigea de la majorité qu’elle cherche des compromis avec la minorité, ce que manifestement l’auteur regrette, notant dès son introduction que ces compromis « demeurent des points difficiles de la réception et de la mise en œuvre du concile. Après réflexion, je ne partage pas cette opinion, et je pense que le pape a su faire preuve de sagesse pour obtenir une approbation quasi unanime des textes votés
Cependant, un petit tour sur Wikipédia à la rubrique Concile Vatican II ne donne pas exactement le même son de cloche que le livre, que ce soit sur l’interprétation générale ou sur certains éléments factuels majeurs.
Monseigneur Marchetto, ancien chargé de la pastorale des migrants (et qui a se titre a tancé Nicolas Sarkozy pour son discours sur le Roms) affirme derrière Benoît XV que le concile ne fut pas une rupture comme le présentent à la fois les intégristes et les progressistes, mais effectivement un aggiornamento, comme l’avait voulu Jean XXIII.
Le futur pape Benoit XV, Joseph Ratzinger, est au moment du concile un tout jeune mais brillant théologien, qui est décrit par l’auteur de la bataille du Vatican comme l’un des conseillers du camp progressiste. On peut cependant imaginer qu’aujourd’hui, il veuille éviter les conflits au sein de l’Eglise, s’il le faut au prix de quelques compromis, comme il le fait avec les successeurs de Mgr Lefebvre.
Il est vrai que la position de la Curie, telle que la présente l’auteur, semble à mille lieux de ce à quoi des personnes qui ont vécu dans le monde de l’après Vatican 2 peuvent penser. Je retiens notamment une vision théologique basée sur une construction thomiste de l’existence de Dieu (qu’est-ce que Dieu ? Dieu est un pur esprit, m’apprenait-on au catéchisme) et non sur la Révélation et l’Évangile, et cette idée pour moi complétement délirante de vouloir reconnaître la mère du Christ comme co-rédemptrice !
Mais comme le précise l’auteur, il est difficile de juger la pensée des participants, pour la plupart nés entre 1880 et 1910, à l’aune des idées du 21ème siècle.
Cependant, même s’il a réalisé un profond changement dans l’Eglise catholique, le concile n’est pas tombé de nulle part.
On observe en effet des majorités écrasantes sur les votes des 16 textes, à l’exception de celui sur les moyens de communication sociale, qui a eu 1598 votes positifs et 503 négatifs. Si on prend les sujets dans l’ordre de présentation du livre, on obtient sur un nombre de votants constamment supérieur à 2000:
Sur la liturgie : 19 votes négatifs
Sur l’Eglise : 10 votes négatifs
Sur la Révélation : 27 votes négatifs
Sur la Pastorale : 251 votes négatifs
Sur l’œcuménisme : 64 votes négatifs
Sur la liberté religieuse : 249 votes négatifs
Sur les relations avec les les religions non chrétiennes : 25 votes négatifs
Sur la charge pastorale des évêques : 14 votes négatifs
Sur le ministère et la vie des prêtres : 11 votes négatifs
Sur la formation des prêtres : 15 votes négatifs
Sur la vie religieuse : 13 votes négatifs
Sur l’activité missionnaire : 18 votes négatifs
Sur l’apostolat des laïcs : 2 votes négatifs
Sur les églises orientales : 135 votes négatifs
Sur l’éducation chrétienne : 183 votes négatifs
10 textes sur 16 ont donc eu moins de 1.5% de votes négatifs. Et encore, il s’agit ici du vote sur la vue d’ensemble ; Lors du vote de promulgation (après les amendements si j’ai bien compris, les votes négatifs sont, 164 pour le texte sur la communication, puis pour les autres dans l’ordre précédent : 4, 5, 6, 75, 11, 70, 88, 2, 4, 3, 4, 5, 2, 14 et 35 !
A noter que le texte sur la liturgie qui remet en cause la messe de Pie V chère aux intégristes, n’a recueilli que 19 votes négatifs sur la vue d’ensemble et 4 sur la promulgation !
Pour qu’il y ait eu de telles majorités, il faut bien qu’il y ait eu des changements avant le concile lui même
J’en citerais trois qui me paraissent importants.
D’abord le développement de l’action catholique, avec notamment la fondation de la JOC au début des années 1920
Ensuite le renouveau liturgique, dont l’expérimentation est autorisée dès 1943 par Pie XII
Et enfin le travail exégétique mené à partir du 19ème siècle par les théologiens protestants puis catholiques. En 1949 parait la traduction en langue française de la Bible, appelée Bible de Jérusalem
Pour finir, parlons des deux papes qui ont fait vivre le concile et qui eux non plus, ne sont pas sortis de nulle part.
Avant d’être élu et de prendre le nom de Jean XXIII, le cardinal Roncalli fut longtemps nonce apostolique (ou légat du pape) dans divers pays dont la France.
Le cardinal Montini qui devint Paul VI fut l’un des deux secrétaires de Pie XII. Il aurait pu devenir pape dès la mort de ce dernier, mais il n’était pas encore cardinal.
Enfin, le cardinal Béa, responsable du secrétariat de l’unité des chrétiens et représentant du courant majoritaire était le confesseur de Pie XII.
J’espère aborder d’autres thèmes dans un ou plusieurs autres articles … si j’en ai le temps !
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