Le Centre est éclaté et ses différentes familles ont obtenu des résultats décevants lors des présidentielles et des législatives. L’absence totale de femmes dans le groupe parmi les députés élus est révélatrice du manque de renouvellement qui affecte ce courant. Les individus passent toujours avant une organisation digne de ce nom.
En créant autour de lui un groupe parlementaire que les plus optimistes voient regrouper une trentaine de députés, Jean Louis Borloo a certes réussi un coup de maître et pris clairement le pas sur Hervé Morin pour le leadership du centre droit à l’Assemblée Nationale. Il reste cependant beaucoup à faire pour qu’on puisse parler d’une famille de nouveau rassemblée !
Le nom choisi pour le groupe (UDI, Union des démocrates et indépendants) est assez révélateur de l’histoire du centre droit comme de ses caractéristiques fortes depuis longtemps. Le terme de démocrate rappelle le sigle de l’ancienne Union pour la Démocratie Française, fondée par VGE, mais aussi les nombreux noms des partis successifs issus de la démocratie chrétienne et du MRP : Centre Démocrate (du temps lointain de J Lecanuet) puis Centre des démocrates sociaux, puis Force démocrate, puis Modem.
Le terme indépendants renvoie lui au vieux CNIP, qui fut le parti d’Antoine Pinay et celui de VGE, avant qu’il ne se transforme en Républicains Indépendants. Nul mention par contre qui évoque le parti radical valoisien, dont JL Borloo est pourtant le président, ce qui montre à la fois que ce dernier a su jouer modeste…mais que tous les radicaux, à l’instar de jean Leonetti resté à l’UMP, ne partage pas son choix autonomiste.
Mais le terme d’indépendant est aussi tout à fait caractéristique d’une famille où les carrières politiques sont plus souvent le résultat d’une histoire personnelle que de la représentation d’un parti très implanté nationalement et très organisé.
Jean Louis Borloo lui-même est tout à fait représentatif de cette caractéristique. Il a en effet commencé sa carrière comme avocat et fondé un cabinet dont la réussite a été d’après Wikipédia saluée par Forbes. En 1986, à 35 ans, il devient président de l’USVA, le club de foot professionnel de Valenciennes. En 1989, il se présente à la mairie sans étiquette politique, et l’emporte au second tour avec plus de 76% des voix.
Jean Christophe Fromantin, qui a lui aussi rejoint le groupe, a connu beaucoup plus récemment un parcours semblable : chef d’entreprise (service et conseil dans l’import-export), il a conquis en 2008 la mairie de Neuilly au nez et à la barbe de Jean Sarkozy puis gagné successivement le canton contre l’UMP puis la circonscription.
D’autres ont connu une carrière plus classique, comme Jean Christophe Lagarde qui a commencé à militer aux jeunesses centristes (comme Baudis en son temps) ou Damien Abbad, en charge des jeunes au Nouveau Centre, élu député pour la première fois cette année, dans une nouvelle circonscription avec l’étiquette UMP, qui ne semble pas devoir rejoindre le nouveau groupe.Il reste qu’ils ont su se tailler un fief : par exemple, J C Lagarde a conquis la mairie de Drancy puis la circonscription aux dépens d’un parti communiste hégémonique depuis plus d’un demi-siècle.
Dans ce monde de notables, Hervé Morin, pourtant bien implanté dans l’Eure, fait figure d’apparatchik. Diplômé de Sciences Po, il a en effet commencé sa carrière dans l’administration de l’Assemblée nationale avant de travailler comme conseiller technique dans le cabinet de François Léotard, puis comme chargé de mission auprès de ce dernier et d’hériter de la circonscription de Ladislas Poniatowski quand celui-ci est devenu sénateur. Ses qualités d’organisateur pourraient pourtant être utiles.
Le courant qui va du MRP au Modem, en passant par diverses étiquettes a pourtant été un parti de militants, mais le comportement très personnel de François Bayrou n’a pas permis de faire du Modem une force réellement organisée pour conquérir un autre pouvoir que le sien.
Car pour exister en tant que force politique qui compte, il faut organiser la présence locale un peu partout et conquérir des mandats locaux. Au point où en est le centre, et en admettant qu’il puisse s’unir sous la houlette de JL Borloo, il faudra de nombreuses années pour reconquérir une place que de toutes manières le système majoritaire ne lui ouvre guère. Ce sont donc les élections à la proportionnelle qu’il faut viser (régionales et européennes) et bien sûr les mandats locaux.
On ne voit guère comment le centre peut obtenir des élus en nombre suffisant dans ses élections proportionnelles s’il est représenté par deux courants antagonistes (l’alliance PRV et NC et le Modem) et s’il n’est pas capable de nouer des alliances au second tour ; Autrement dit, il faut que le Modem accepte de coopérer avec le centre droit au premier tour dans une seule liste et de fusionner au second avec celles de l’UMP. Ou que le Modem soit complétement marginalisé. Dans le cas contraire, chacun des deux courants centristes risque fort de se retrouver sous la barre des 5%.
Cela signifie un changement de stratégie pour le Modem : rien ne permet d’augurer qu’il est prêt à le faire, au moins dans l’immédiat. On saura rapidement si les deux députés élus acceptent ou non de rejoindre le groupe de Borloo ou préfèrent rester chez les non-inscrits (avec les élus d’extrême droite !). Les instances dirigeantes du Modem se réunissent le 30 juin.
Il semble que beaucoup des militants de l’UDF d’avant 2007 aient abandonné le Modem, soit pour le Nouveau centre, soit pour renoncer à la politique. Beaucoup des nouveaux militants attirés par la campagne de 2007 ont ensuite renoncé. C’est donc à partir d’une base rétrécie et vieillissante qu’il faudra reconstruire.
La droitisation de l’UMP offrait théoriquement un espace au centre. Selon que Fillon ou Copé l’emportent en novembre, cet espace peut être maintenu ou se refermer. De l’autre côté, le PS majoritaire à lui seul à l’Assemblée Nationale peut refuser de se faire déporter vers la gauche ou l’écologie sectaire par ses alliés.
L’avenir du centre dans les prochaines années n’est donc guère sous des auspices favorables à d’autres hypothèses que la marginalité.
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