La gauche accuse la droite de se rapprocher du Front national pour sauver quelques sièges et de préparer en réalité une alliance stratégique avec un parti xénophobe alors qu’il faudrait tout faire pour éviter que ce parti ait des élus. Dans cette affaire, aucun des deux camps n’est pourtant vraiment propre.
Sur le terrain on note quelques dérapages : des candidats de droite aimeraient que le FN incite ses électeurs à voter pour eux, tout le monde de toute manière cherche à récupérer les électeurs (soigneusement distingués du parti pour lequel ils ont voté. Dans l’Essonne, l’adversaire PS de NKM ne semblait pas vraiment dérangé que le FN et sa présidente appellent à voter pour lui, pour faire mordre la poussière à celle qui avait consacré un livre contre le FN.
Le Front National n’est arrivé en tête que dans 5 circonscriptions. Ce sont en fait les seuls endroits où il a une chance de passer. C’est là que se posent éventuellement la question du désistement du candidat arrivé troisième.. ;s’il n’est pas éliminé, et des consignes de vote dans tous les cas.
A Hénin, l’UMP avait soutenu le candidat Modem, lequel a toujours été clair pour faire barrage au FN. Dans la circonscription voisine de Liévin, la candidate FN ne doit sa première place qu’à la candidature dissidente du député sortant JP Kucheida, et n’a aucune chance de gagner.
A Marseille, Sylvie Andrieux ,la députée sortante PS avait perdu l’investiture au tout dernier moment, en raison de ses démêlés avec la justice. Elle est devancée de 7 voix par le candidat FN, et du coup, le PS la soutient pour le second tour. Le candidat UMP a été éliminé mais il faudrait que toutes les voix qu’il a rassemblées au premier tour se reportent sur le candidat FN pour obtenir la victoire de celui-ci.
A Carpentras, la petite fille de Jean Marie Le Pen a fait mieux que sa tante à la présidentielle et est largement en tête. La candidate PS arrivée en troisième position a refusé de se désister malgré les consignes de son parti, prenant ainsi le risque d’assurer la victoire de la candidate FN.
Dans le Gard, Gilbert Collard, l’avocat spécialiste des enveloppes surprises, a également fait nettement mieux que Marine Le Pen. Il est talonné par le PS dans une circonscription très marquée à droite. Le candidat UMP se maintient, après avoir envisagé de se retirer, selon la consigne nationale qui vise à « geler » les voix de droite et éviter qu’elles se reportent sur le candidat FN( ce qui est malgré tout une manière de prendre ses électeurs pour des cons).
Apparemment, le FN espère gagner même quand il n’est pas arrivé en tête, grâce à des reports de voix des électeurs UMP, contre Michel Vauzelle dans les Bouches du Rhône et contre Laurent Kalinowski dans la Moselle. Si c’était le cas, cela signifierait une nette évolution des électeurs de droite.
Il y aura donc peut être un ou deux députés FN à l’Assemblée Nationale. Faute de pouvoir constituer un groupe, ils n’auront guère de possibilités d’agir, comme a pu le constater Bayrou avec ses trois députés Modem : ce n’est pas un hasard si le PC demande de baisser le seuil pour avoir un groupe !
En 1986, la proportionnelle instituée par la gauche, avait donné 35 élus (et donc un groupe) à un FN qui n’était pourtant qu’à 9.65%. On ne se souvient pas que cela ait produit des problèmes particuliers. Il est vrai que la droite (RPR + UDF) disposait de la majorité absolue.
François Hollande a promis à ses alliées écologistes une dose de proportionnelle pour 2017, ce qui profitera immanquablement au FN. En quoi est-ce compatible avec le discours sur le barrage contre le FN ?
Si le PS n’est donc pas vraiment blanc sur le sujet, l’UMP ne l’est guère plus. On peut admettre qu’il mette sur le même pied le PC et le FN, mais pourquoi ne pas faire voter PS contre le FN ?
L’un des arguments de la gauche pour accuser la droite de collusion, est la montée progressive du vote FN. Cet argument mérite d’être confronté aux chiffres
D’abord celui des présidentielles :
- 1988 : 14.36%
- 1995 : 15%
- 2002 : 16.86% (et 2.34% pour Bruno Mégret) puis 17.79% au second tour
- 2007 : 10.44%
- 2012 : 17.90%
Puis celui des législatives :
- 1986 : 9.65%
- 1993 : 12.42%
- 1997 : 14.94% (1 élu, invalidé ensuite et battu en 1998)
- 2002 : 11.34%
- 2007 : 4.29%
- 2012 : 13.60%
Il y a des élus quand l’élection se fait à la proportionnelle :
Aux régionales (nombre d’élus en France)
- 1986 : 137
- 1992 : 239
- 1998 : 275
- 2004 : 156
- 2010 : 118
Au Parlement européen (nombre d’élus) (il y a eu en 2003 un changement de l’organisation électorale, défavorable aux petits partis):
- 1984 : 10
- 1989 : 10
- 1994 : 11
- 1999 : 5
- 2004 : 7
- 2009 : 3
Un journal comme le Monde sort régulièrement depuis trente ans des sondages et des articles pour dire que les idées du FN se banalisent. Ces sondages montrent que certaines des idées du FN dépassent le score qu’il obtient mais pas vraiment que cela évolue sur le long terme.
Ce qu’on voit surtout, c’est un retour du FN à un haut niveau après le recul de 2007, qui lui avait notamment coûté très cher financièrement, et les conséquences de la dissidence mégrétiste de la fin des années 90, qui lui avaient coûté cher en implantation locale.
Il parait logique de penser que la crise profite au FN. Pourtant, les suffrages obtenus en 2002 par les deux frères ennemis (au total 19.20%) succèdent à une forte baisse du chômage. Mais on peut noter que c’est il y a 28 ans, à l’occasion des européennes de 1984 (succédant aux 12.6% obtenus par JP Stirbois à Dreux en 1982) que le FN s’installe dans le paysage politique national.
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