Pour « sauver le soldat Royal » qui, bien qu’arrivée en tête, risque fort d’être battue au second tour par le socialiste dissident, les leaders socialistes invoquent la « discipline républicaine » et « les lois de la gauche » pour éviter d’être "un candidat de gauche qui en bat un autre avec les voix de la droite ».
Comme souvent en politique, les discours moralisateurs cachent souvent des logiques d’intérêt bien compris. La « discipline républicaine », qui conduit le candidat de gauche le mieux placé à se désister pour celui ou celle qui l’a devancé, y compris quand tous les autres candidats sont éliminés, est de ceux-là.
On comprend facilement l’intérêt d’une alliance au second tour pour battre l’autre camp : il y en a de nombreux exemples à chaque élection. Mais pourquoi Patrick Braouzec (2ème de Seine St Denis), Jean Pierre Brard (7ème du même département) et Pierre Gosnat (10ème du Val de Marne, ancienne circonscription de Maurice Thorez, au main du PC depuis sa création en 1920 !), tous trois députés sortants communistes vont-ils se désister en faveur de leur adversaire socialiste arrivé avant eux, alors que tous les autres candidats, loin derrière, sont éliminés ?
La réponse est simple : ils n’ont aucune chance de refaire leur retard entre les deux tours, les électeurs des candidats éliminés choisissant le plus probablement soit de s’abstenir, soit de voter pour le PS. Alors, à quoi bon en remettre une couche sur leur défaite ? On peut très bien raisonner de même à droite : en 2002, à l’occasion d’une partielle dans le troisième des Yvelines, Christian Blanc, soutenu par l’UDF de François Bayrou avait dépassé au premier tour le candidat UMP, pourtant largement soutenu par Alain Juppé, alors patron de l’UMP. La gauche était éliminée. Alain Juppé avait sagement poussé son poulain à se retirer, les électeurs socialistes ne pouvant que venir renforcer l’avantage obtenu par le candidat arrivé en tête.
La situation est évidemment différente pour le PS, qui même arrivé derrière un candidat communiste, pourrait le battre avec les voix de droite. Mais là, c’est la logique d’intérêt au niveau national qui prime : le PS ne peut faire une telle mauvaise manière à son allié communiste, d’autant plus que le cas pourrait être assez fréquent là où le PC est en tête, dans des terres très à gauche. C’est le prix à payer pour un bon report de vote ailleurs : gagner éventuellement un siège contre le PC pour en perdre des dizaines contre la droite à cause de mauvais report de voix serait un bien mauvais calcul !
De tout cela, Olivier Falorni, l’adversaire de Ségolène Royal, n’en a évidemment cure. Son maintien ne menace pas la gauche puisque la droite est éliminée. Il ne menace pas non plus le PS dans les autres circonscriptions puisque aucun parti allié n’est concerné (et d’ailleurs, beaucoup de candidats PS dissidents contre EELV ont fait bien pire). Il risque de perdre des électeurs de gauche gênés de le voir en situation de gagner grâce à la droite. Mais s’il gagne, il sait que le pardon (du parti, pas celui de Mme Royal évidemment) arrivera un jour : en politique, on pardonne beaucoup aux vainqueurs des élections !
Les commentaires récents