Le gouvernement conservateur au pouvoir en Espagne a fini par se résoudre à appeler ses partenaires de l’union Européenne à l’aide pour faire face à la crise de ses banques minées par les mauvaises créances depuis l’éclatement de la bulle immobilière.
Dans son livre « le réveil des démons », Jean Pisani Ferry décrit au chapitre 6 les difficultés propres à l’Espagne dans une crise de l’euro qui conjugue en réalité de situations différentes. Pour notre voisin d’outre Pyrénées, l’arrivée de l’euro s’est traduite par une baisse très forte des taux d’intérêt (le taux à long terme était encore de plus de 11% en 1995, pour passer à moins de 5% avec l’euro !).
Avec une croissance rapide, et une inflation supérieure à celle de ses voisins, l’Espagne donne à ses habitants la possibilité de profiter du crédit avec l’idée de rembourser facilement, puisque la croissance des salaires est nettement supérieure aux taux d’intérêts ! De plus, les prix montent rapidement (ils tripleront entre 1998 et 2008), ce qui incite à ne pas tarder pour acheter et à espérer une plus-value à la revente. Le nombre de logements mis en chantier passe de 197 000 en 1993 et 302 000 en 1995 à 511 000 en 1999, 622 000 en 2003 et culmine à 760 000 en 2006. Dans le même temps, la France, avec une population supérieure de moitié, n’arrive pas à atteindre les 500 000 logements neufs annuels. En 2011, une fois la bulle éclatée, le nombre de mise en chantier n’est plus que de 87 000 !
Cette dynamique immobilière favorise l’emploi et la croissance des revenus. En 2007, le bâtiment emploie 13% de la population active contre 7% en France. Mais les autres secteurs souffrent : l’inflation est de 3.2% en moyenne sur 10 ans, contre 1.7% en Allemagne. La part de l’industrie dans l’emploi passe de 18 à 15%, le déficit extérieur (en partie compensé par les recettes du tourisme) de 4% à 10% du PIB.
Le gouvernement a essayé de compenser cette trop forte croissance, avec un excédent public qui diminue progressivement la dette publique : celle-ci est de 36.% du PIB en 2007. Elle devrait atteindre 84% en 2013, ce qui montre à quel point cette prudence antérieure était indispensable. Mais le gouvernement n’a pas osé s’aliéner des électeurs en agissant directement sur la bulle immobilière, ce qu’il aurait pu faire (par exemple en limitant les durées d’endettement acceptables).
Le résultat est que les banques se retrouvent avec des promoteurs ou des propriétaires immobiliers incapables de rembourser leurs dettes. A noter que l’économie sociale et solidaire n’a été un garant de sagesse, puisque les caisses d’épargne sont les premières victimes de la crise.
Un membre de ma famille qui habite Madrid a récemment acheté un logement. J’imaginais qu’il profiterait d’une forte baisse des prix. En réalité, ce n’est pas le cas : les logements excédentaires ont été construits dans des trous perdus et les logements bien placés restent chers !
Un ami vivant à Barcelone m’expliquait cette semaine que des entreprises se créent pour racheter les créances des banques (à prix cassés bien sûr) pour ensuite négocier avec les entreprises ou particuliers endettés, en accordant une remise que la banque ne peut pas afficher. Il notait aussi que les porteurs de projet, y compris de grande qualité ne trouvent pas de financement, en raison de la situation des banques : de nouveaux acteurs cherchent donc à se positionner sur ce créneau, mais la montée en charge prendra du temps. La recapitalisation des banques était donc indispendable pour ranimer une économie complétement asphyxiés par l’incapacité du secteur bancaire à apporter le minimum de crédit indispensable.
On verra dans les mois qui viennent si le plan de sauvetage des banques espagnoles aura été suffisant !
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