Ou faut il parler plutôt de défaite attendue, tant le choix des électeurs de François Hollande a plus souvent été motivé par le rejet du président sortant que par l’adhésion à sa personnalité, même si celle ci a pu se développer aussi, notamment à l’occasion de la primaire socialiste ?
Pour comprendre le résultat de ce soir, il faut donc peut être se demander ce qui a suscité le rejet de suffisamment de gens pour transformer la nette victoire de 2007 (il est vrai contre une candidate très contre versée, y compris dans son propre parti) en une nette défaite cinq ans après.
Il y a d’abord une demande classique d’alternance, après deux quinquennats de droite successifs. Classique dans les pays démocratiques, cette demande est à cet égard saine et conduit le plus souvent à un tri de facto entre les réformes qui ne sont pas remises en cause par le nouveau pouvoir et les orientations qui le sont au contraire. En pratique, les réformes avalisées de fait sont plus nombreuses qu’on ne le croit, même quand elles ont été vigoureusement combattues par ceux qui accèdent au pouvoir.
L’université en est un exemple avec la loi LMD puis celle sur l’autonomie qui ont été très vivement et longuement combattues en interne et qui ne devraient pourtant pas être remises en cause. Mais les retraites illustrent aussi parfaitement cet adage, le candidat socialiste s’étant déclaré prêt à des modalités qui sont, dans les chiffres, plus exigeantes et, dans les orientations, dans la droite ligne de la loi Fillon de 2003 qui avait fait hurler toute la gauche et valu de nombreux départs à la CFDT, coupable d’avoir eu raison trop tôt.
L’alternance permet de faire avancer des dossiers que seul un camp peut de facto réaliser comme l’illustre la remarque d’un de mes proches concernant le statut de l’enseignant qui ne lui paraissait modifiable que par la gauche (on verra !).
La deuxième raison du rejet du président sortant tient bien sûr à la crise que nous traversons depuis plus de trois ans, avec ses conséquences sur le pouvoir d’achat ou le niveau du chômage. A elle seule, cette crise rendait la tâche du candidat sortant quasiment impossible, et à cet égard, on peut trouver son score pas si mauvais que cela.
La troisième raison tient au candidat lui même, à son style, à la fois provocateur et trop marqué par l’attirance pour l’argent roi, qui n’avait jamais été visible de cette manière chez ses prédécesseurs de droite, mais aussi à ses choix politiques. Encore que je suis malheureusement loin d’être sûr que la droitisation du discours, l’importance donnée à la sécurité et aux thèmes liés à l’immigration ou la pratique « un fait divers = une loi » lui aient fait perdre plus de voix chez les humanistes du centre droit qu’elles ne lui en ont fait gagner ailleurs.
La quatrième raison tient dans les réformes menées. Si de trop nombreux chantiers ouverts sont restés sans suite, de nombreuses actions ont été menées pour réorganiser la puissance publique ou pour tenter d’accroître la compétitivité du pays, comme le rappelaient dans le Monde des économistes. N’est ce pas Nicolas Sarkozy, que l’on présente parfois comme un apprenti dictateur, à qui F Hollande reprochait d’avoir nommé ses proches partout, n’est ce pas lui qui a introduit la QPC ou qui a fait nommer un socialiste à la tête de la Cour des Comptes ? Organiser le changement, c’est généralement faire des gagnants qui ne vous en seront pas forcément gré et des perdants qui vous en voudront longtemps. Après tout, le basculement à gauche du Sénat doit beaucoup à la réforme territoriale…
Les socialistes vont maintenant détenir beaucoup de pouvoirs. Les législatives diront s’ils devront ou non tenir compte de leurs alliés du Front de gauche et écologistes. Ils peuvent espérer que les triangulaires provoquées par le FN leur donnent une majorité à eux seuls mais évidemment, rien n’est joué.
F Hollande est élu pour cinq ans, qui ne seront certainement pas des années faciles. Dans une tribune publiée cette semaine par le Monde, P. Larrouturou prétendait qu’un hiérarque socialiste pronostiquait une belle défaite pour son camp en 2014, à cause de l’impopularité de la politique de rigueur qu’il faudra bien adopter d’ici là. Espérons que le nouvel élu saura tenir la barre et que la raison viendra très vite après l’inévitable période de fête !
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