La qualification de François Hollande et Nicolas Sarkozy pour le second tour de la présidentielle parait de plus en plus certaine. Il est donc possible de choisir pour qui voter au premier tour pour exprimer une opinion et non pour éviter la présence de tel ou telle au second tour. Ce qui ne veut pas dire qu’il a pléthore de candidats attrayants…
Le choix du vote au deuxième tour ne sera pas facile. Nicolas Sarkozy a géré l’économie à peu près correctement (il aurait pu réformer davantage, par exemple dans la ligne du rapport Attali, mais mon point de vue est ici celui d’un libéral, et je n’en vois guère parmi les candidats !). Mais son discours sécuritaire ou anti immigration est insupportable (et si les pratiques vont nettement moins loin que les discours, elles n’en sont pas moins insupportables elles aussi). Sans parler du comportement du candidat, attaquant les corps intermédiaires, élément indispensable de la démocratie, ou promettant la lune aux bas salaires quand la question de l’écrasement de la hiérarchie des salaires est un problème majeur.
A contrario, le discours économique de François Hollande est encore marqué par une insuffisante prise en compte de la réalité, celle qui peut demain nous emmener dans la situation de la Grèce. Le cas des retraites est à cet égard emblématique (et les retraites représentent plus des prélèvements obligatoires, on n’est pas dans un sujet anecdotique !). Et la position prise sur l’euthanasie me parait très dangereuse.
On peut penser que la pratique sera différente des discours, pour chacun des candidats. Dans Le Monde daté du mercredi 22 février, on pouvait lire dans un article en page 2 intitulé « les relais syndicaux de Jean Luc Mélenchon », la phrase suivante : Bernard Thibaut a rencontré François Hollande après lui avoir fait comprendre que la CGT ne ferait pas du non-retour à la retraite à 60 ans un « casus belli ».
Bien sûr, tout cela mériterait d’être un peu plus creusé, et il serait raisonnable de ma part de prendre le temps de le faire, mais pourquoi ne pas exprimer cette méfiance vis-à-vis de chacun des deux principaux candidats en ne votant pour aucun d’eux, dans la mesure où ils apparaissent sûrs d’être qualifiés ?
Parmi les autres candidats, j’écarte résolument tous ceux qui représentent le camp du « non » au référendum de 2005, ce qui m’évite d’expliquer pour chacun tout ce qui ne me convient pas. Restent donc François Bayrou et Eva Joly, ainsi que peut être Dominique de Villepin.
Je ne vois vraiment pas ce qu’on peut trouver de positif chez ce dernier, qui symbolise à mes yeux tout l’immobilisme des années Chirac, toute la suffisance d’une partie de la haute administration, toute la tragédie d’une partie de l’héritage culturel français qui privilégiait les belles lettres contre la science et à la technique, héritage qui fait tant de mal à nos anciennes colonies africaines.
On ne sera pas surpris que je n’envisage pas de voter pour Eva Joly, mais je voudrais m’en expliquer un peu ici. Après tout, je me retrouve assez bien dans l’idéologie libérale –libertaire de Daniel Cohn Bendit, qui ne joue pas dans la même cour que ses camarades écologistes. Et les Verts avaient été assez sincèrement pour le « oui », presque autant que l’UDF et plus que le PS ou l’UMP.
Au-delà de mes désaccords avec eux sur des sujets comme le nucléaire ou la politique de croissance, ce que je reproche aux écolos, c’est d’une part de penser que la question environnementale est la plus importante sinon la seule qui se pose à nous, d’autre part de faire croire que dans ce domaine, rien ne se fait aujourd’hui (sauf peut-être dans les municipalités qu’ils dirigent).
Illustrons. Après la déclaration de candidature de Nicolas Sarkozy, on a pu voir à la télévision la réaction d’Eva Joly, qui a commencé par dire que le discours du président ne contenait rien, ce qui reste du niveau classique de ce genre d’intervention. Mais elle a poursuivi en expliquant qu’il n’avait pas abordé les questions énergétiques ni les questions environnementales. Le rapprochement qui s’est fait dans ma tête entre les deux phrases successives en dit long pour moi sur l’enfermement d’EELV dans leur seul sujet, qui a ce stade devient obsessionnel. D’ailleurs, le titre du programme est « l’écologie la solution ».
Quand Eva JOLY a présenté son programme à Roubaix, j’ai eu la curiosité d’aller voir ce qu’il contenait, et ce qui m’a frappé, c’est qu’il donnait le sentiment qu’il ne se faisait pour l’instant absolument rien dans le domaine écologique.
Premier exemple, l’isolation de l’habitat. Tout le monde semble avoir oublié qu’après les chocs pétroliers de 1973 et de 1979, notre pays a imposé puis durci les normes d’isolation dans l’habitat neuf et subventionné (du moins avant le contrechoc de 1986) l’isolation dans la rénovation. Dans les années 80, grandes années de développement du chauffage électrique et de construction des centrales nucléaires, on présentait ce mode de chauffage comme réclamant une isolation plus poussée que le chauffage au gaz !
Aujourd’hui, les Verts rêvent d’imposer les systèmes dits de très grande qualité énergétiques, supposés consommer extrêmement peu d’énergie, voire moins qu’ils n’en produisent. Au-delà du fait qu’ils risquent fort d’envoyer du courant sur le réseau au moment où on n’en aura pas besoin, nul n’a vérifié que la réalité des consommations correspondait aux savants calculs des concepteurs :on peut faire les plus beaux systèmes du monde, si les occupants laissent les portes ou les fenêtres ouvertes… Pendant ce temps, le parc construit avant les années 70 mériterait de gros efforts d’amélioration…
Deuxième exemple, la pollution de l’air. J’avais noté que celle-ci était plutôt en diminution et rappelé les 4000 décès causés par le smog à Londres en décembre 1952. Le site CITEPA, que j’ai découvert grâce à Denys, donne des résultats depuis 50 ans. L’examen des courbes montre que la pollution a commencé à baisser pour de nombreux polluants dans les années 70, ce qui suppose que les techniques correspondantes ont été inventées plus tôt. Ce n’est pas en lisant les tracts écolos qu’on comprendra que dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, beaucoup à déjà été fait, de manière efficace. Le vrai débat n’est donc pas de savoir s’il faut rompre avec le système actuel supposé anti écologique pour basculer dans la transition écologique, mais de savoir s’il faut aller plus vite ou pas dans certaines des actions déjà menées.
Une fois écartés Dominique De Villepin, et Eva Joly, reste donc François Bayrou. Les positions du MODEM sont raisonnables sur de nombreux domaines, que ce soit l’économie ou les libertés. Sur l’euthanasie, par exemple, son candidat approuve la loi Leonetti, sensée se mettre à l’écart des deux dérives que sont l’acharnement thérapeutique et l’euthanasie. C’est donc un bon vote pour exprimer aux deux futurs candidats du second tour qu’on n’approuve pas leurs excès.
Je suis donc pour l’instant dans l’idée de voter pour François Bayrou (je peux encore changer d’avis…)…à condition qu’il reste loin dans les sondages. Je ne le vois en effet pas Président, alors qu’il serait susceptible de gagner au deuxième tour s’il y figurait. D’une part, cette configuration suppose des reclassements très aléatoires (sans doute plus si son adversaire est Hollande que s’il s’agit de Sarkozy), d’autre part, je trouve le candidat à la fois creux et imprévisible. Par exemple, curieux de savoir ce qu’il proposait pour réindustrialiser la France, j’ai parcouru le discours qu’il a tenu sur le sujet le 14 janvier, pour constater que malheureusement, il était vide de mesures sérieuses, sur un sujet où Christian Blanc, du temps où il était dans le même groupe parlementaire que Bayrou, avait produit un rapport d’une toute autre tenue !
A suivre !
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