Ce sont les exportations françaises d’électricité, en particulier nucléaire, qui ont permis à l’Allemagne de se passer des centrales nucléaires arrêtées sur son sol en 2011. Et ces exportations ont été permises par la douceur climatique de l’année 2011. C’est l’un des enseignements du rapport 2011 de RTE, qui en comporte bien d’autres.
RTE, l’entreprise qui gère le réseau de transport d’électricité français, a publié il y a quelques jours le bilan électrique pour l’année 2011. Ce bilan est bâti autour de quatre constats(on se passera ici du cinquième) :
• La consommation française d’électricité a baissé de 6,8 % en 2011
• Le développement du parc de production se poursuit, notamment dans le domaine des énergies renouvelables
• La disponibilité du nucléaire a permis de compenser le déficit hydraulique
• Le solde exportateur français des échanges a quasiment doublé par rapport à 2009 et 2011
La douceur de l’année 2011 (la plus douce depuis 1900) succédant à une année 2010 particulièrement froide a marqué la consommation : cet effet mis à part, la consommation a cru de 0.8%, ce qui traduit aussi la faiblesse de la croissance, RTE signalant une baisse au deuxième semestre.
Les investissements dans les énergies renouvelables ont été très importants :
• Dans l’éolien, la puissance installée augmente de 15%. Elle représente aujourd’hui 5% de la puissance de production d’électricité disponible. Elle a quadruplé en 5 ans et été multipliée par 70 en 10 ans !
• Dans le photovoltaïque, la puissance installée a plus que doublé. Elle représente aujourd’hui 1.8% de la puissance de production d’électricité disponible. Elle a été multipliée par 75 en 4 ans et n’existait tout simplement pas il y a 6 ans.
• D’autres investissements ont été réalisés dans le « parc thermique à combustible renouvelable », c’est-à-dire la biomasse, le bio gaz et les ordures ménagères, ces dernières représentants 50% du parc. Mais la progression n’est que de 3.9% pour un parc qui représente 1% de la puissance installée française.
Il y a une forte différence entre puissance installée et production réelle
D’abord pour des questions de choix de fonctionnement. Le nucléaire, qui représente 50% de la puissance installée a fourni 77% de l’électricité produite, grâce à une bonne disponibilité du parc de centrales. Le taux n’est pas indiqué dans le rapport, mais selon un calcul de comparaison avec celui de l’éolien (approximatif car on ne connait pas la moyenne de la puissance éolienne sur l’année), il se situerait autour de 85% !
Le thermique à combustible fossile qui compte pour environ 22 % de la puissance installée, n’a fourni que 9.5% de la production : il n’est fait appel à ce parc (qui est celui qui produit du CO2) que dans les périodes où le nucléaire ne suffit pas çà répondre à la demande.
L’hydraulique, 20% de la puissance installée, a fourni seulement 9.3% de la production. Il est vrai qu’il est fait appel à l’hydraulique pour ajuster la production, mais il y a eu aussi un déficit d’eau dans les barrages. On comprendra que même si RTE affiche que le bon fonctionnement nucléaire a compensé le déficit hydraulique, l’hydraulique est de fait un « concurrent du thermique classique : plus d’eau aurait permis une plus faible émission de CO2.
L’éolien et le solaire n’ont fourni respectivement que 2.2% et 0.3% de l’électricité produite, en raison d’une disponibilité faible : 21.3% pour l’éolien (nettement moins que ce qui est affiché pour les calculs de rentabilité) et 15.3% pour le solaire, une disponibilité qui plus est fortement aléatoire. « Le parc éolien a produit à plus de 40 % de sa capacité pendant 10 % de l’année mais à moins de 6 % de sa capacité pendant 10 autres pourcents du temps. »
Cette difficulté n’est évidemment pas propre à la France puisque le rapport note « De juillet à septembre 2011, la production éolienne a couvert en moyenne 2,4 % de la consommation en France et au maximum 10,4 % de cette dernière. Sur la même période en Allemagne, la production éolienne a couvert près de 8 % de la consommation en moyenne, avec un maximum à environ 30 %. En Espagne, le 6 novembre 2011 à 2h, la production éolienne a couvert 59,6 % de la consommation.
Après deux années pendant lesquelles le solde des échanges entre la France et ses voisins avaient nettement diminué (à moins de 6% de la production totale), les exportations ont assez nettement augmenté (de 13% à 75.4 TWh, soit 14% de la production totale) tandis que les importations baissaient fortement (de 49% à 19.7 TWh soit 3.7% de la production). Le rapport donne en page 21 une carte des échanges : la Suisse est le premier client suivi de l’Italie puis de l’Allemagne.
Le solde avec l’Allemagne, qui avait été positif de juin à août en 2010 l’a été cette fois de avril à septembre, les mois de mars et novembre étant quasiment équilibrés. La demande française a baissé toute l’année, à cause de la baisse de consommation due au climat, et la demande allemande a augmenté du fait de l’arrêt à partir de mars de 7 centrales nucléaires. Depuis mars, c’est entre 0.5 et 1.5 TWh de plus que l’année précédente que fournit la France à son voisin. Les 58 centrales du parc français fournissent en moyenne mensuelle un peu moins de 0.6 TWh. C’est donc l’équivalent de deux centrales nucléaires qui sont apportées en supplément à l’Allemagne par les centrales françaises.
Le rapport donne page 23 un tableau qui illustre que les échanges sur la frontière franco-allemande sont fortement impactés par le volume de la production éolienne et photovoltaïque en Allemagne, jour par jour et heures par heures.
Le développement d’énergies renouvelables dont la variabilité est forte et subie (la variabilité de l’hydraulique peut être forte, mais au choix de l’exploitant, du moins tant que les barrages ne sont pas vides) se traduit donc par un besoin d’augmenter les échanges à grande distance : la réalité de ces énergies, c’est le besoin d’un complément en thermique classique producteur de CO2 et de lignes de haute tension à grande distance…
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