L’Express.fr affirme par la voix de son rédacteur en chef ne pas payer les blogueurs qu’il publie, et ouvre la voie à une polémique toute en humour, en indignation ou en analyse politique, mais dont les questions économiques sont singulièrement absentes. N’a-t-on pas pourtant une belle illustration de la loi de l’offre et de la demande ?
Il est assez comique de voir surgir une demande de rétribution de la création littéraire au sein d’un monde (mais on ne peut décemment pas appeler cela une communauté) qui a régulièrement réclamé la gratuité pour les œuvres que chacun téléchargeait plus ou moins illégalement (plutôt plus que moins, à vrai dire !) sur la Toile.
Cela n’empêche pas qu’il peut être totalement légitime pour un blogueur de souhaiter que le média en ligne qui le publie le rétribue pour cela. Hughes, de "commentaires et vaticinations", l’avait bien fait comprendre.
Seulement voilà, il se trouve que dans beaucoup de cas, cette publication se fait gratuitement, le média avançant, comme le fait le rédacteur en chef de l’expres.fr, qu’il apporte de la notoriété et de la visibilité au blogueur qu’il publie. En réalité, le média ne paie pas le blogueur parce qu’il en trouve suffisamment qui accepte de fournir gratuitement un article.
Cela n’a rien de nouveau. Pendant des décennies, Le Monde a reçu des papiers de la part de gens qui ne demandaient qu’une chose : être publié. Qu’ils soient présidents d’associations défendant une cause, chercheurs ou intellectuels, hommes politiques ou « experts » plus ou moins autoproclamés, ils voulaient profiter de la réputation et du lectorat du quotidien du soir, et était près à beaucoup pour cela.
Bien sûr, le Monde paye ses journalistes, mais pas seulement eux. Quand il veut s’attacher la plume de Daniel Cohen ou celle de Philippe Askenazy, personne ne doute qu’il les paye pour cela. Parce que dans ce cas là, la loi de l’offre et de la demande joue en leur faveur : il y a très peu d’économistes à la fois aussi réputés et aussi pédagogues que Daniel Cohen !
Il en est de même pour les médias en ligne. Le jour où l’un d’entre eux voudra publier Eolas, il faudra qu’il passe par ses conditions à lui pour l’avoir, et si ces conditions sont financières, il devra payer (je ne suis pas sûr que Eolas ait envie de toutes manières).
Evidemment, il est plus noble d’agiter des considérations hautement philosophiques pour défendre sa position ou agiter des étiquettes (gauche ! droite ! etc.) mais c’est la règle d’une bonne négociation que d’échanger ce type d’argument avant d’arriver aux questions financières.
L’ami Hughes, blogueur de Commentaires et vaticinations, quand il était passé de Rue 89 à Atlantico avait eu le mérite d’être beaucoup plus clair : il touchait une rétribution qu’il estimait insuffisante, il l’a fait savoir, on ne l’a pas écouté, il est parti à un endroit où la proposition financière était meilleure et les conditions de liberté éditoriale toujours présentes. Il est vrai que Hughes est journaliste professionnel !
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