Sommets après sommets, les pays de la zone euro sont progressivement en train de prendre des mesures susceptibles d’assurer l’avenir de la monnaie commune. La Banque centrale européenne n’interviendra massivement sur les marchés que quand elle aura la certitude que les mécanismes nécessaires seront mis en place, en espérant que d’ici là les conséquences de la crise en cours n’auront pas été trop loin.
La création de l’euro a été une chance pour les pays les plus endettés de la zone (comme la Grèce et l’Italie par exemple). Ils ont en effet bénéficié, dès le passage à l’euro, de taux d’intérêts proches de ceux dont bénéficiait l’Allemagne, et donc largement inférieurs à ceux dont ils devaient s’acquitter précédemment, du fait de leur niveau d’endettement.
Ces pays avaient aussi fait un effort pour être admis au sein de la zone euro, effort qui avait réduit leur déficit et parfois leur endettement. Il n’était donc pas forcément facile de « vendre » à leur population la continuation d’efforts qui avaient été présentés comme nécessaire pour entrer dans l’euro, une fois que ce but était atteint.
Toujours est-il qu’ils n’ont pas profité de la baisse des taux pour continuer à se désendetter fortement. La France serait mal placée pour le leur reprocher, car elle a mené peu ou prou la même politique.
Au moment où est arrivé la très grave financière de 2008, moment où il a bien fallu maintenir les prestations sociales malgré la baisse des cotisations mais aussi accroître les dépenses de l’Etat pour limiter la crise, ces pays (la France y compris) partaient donc avec des niveaux de déficit et d’endettement déjà élevés, et qui se sont donc fortement aggravés.
Le niveau atteint a subitement inquiété les créanciers et tous les investisseurs susceptibles de souscrire aux emprunts incessants que ces pays devaient émettre pour faire face à leurs dépenses et à leurs remboursements. La méfiance des investisseurs s’est traduite par une hausse des taux d’intérêts, que la décision de ne rembourser que partiellement les dettes de la Grèce n’a fait bien sûr que renforcer.
Mais comme on l’a vu pour la Grèce, l’augmentation forte des taux d’intérêts débouche sur un effet boule de neige pour la dette.
La plupart des observateurs s’accordent pour dire qu’une intervention massive de la BCE, déclarant être prête à acheter les dettes sans limite, peut seule stopper la montée des taux et ramener le calme. Malheureusement, la BCE se refuse à agir de cette manière (et les Allemands ne souhaitent manifestement pas quelle le fasse, les actions qu’elle a déjà menées étant déjà jugées outre Rhin comme outrepassant ses prérogatives et dangereuses, au point que des membres allemands de la BCE en ont démissionné).
La BCE constate en effet que la crise en cours est en train de faire prendre conscience aux pays les moins sages de la nécessité de changer de politique, mais elle craint que cette sagesse ne soit que très provisoire et disparaisse avec la crise. Elle craint donc que si elle intervient massivement, elle n’encourage les gouvernements à continuer allégrement dans ces errements, et qu’elles doivent intervenir de nouveaux, et de plus en plus massivement dans 6 mois ou 1 an, avec comme conséquence à terme de faire payer, de manière indirecte, les dettes des moins sages par les plus vertueux.
Elle craint aussi que ce type d’intervention, comme les politiques budgétaires laxistes qui seraient encouragées, ne conduise à une augmentation massive de la masse monétaire, donc à de l’inflation, alors que les objectifs qui lui sont assignés par les traités consistent justement à l’imiter l’inflation.
Elle ne peut donc intervenir massivement que si les pays de la zone mettent en place des mécanismes qui empêcheront réellement les politiques budgétaires laxistes. Mais dans ce domaine, elle ne peut se contenter de promesses : les décisions lors des sommets ne peuvent suffire, il lui faut attendre les votes de ratification des Parlements.
Tout cela prendra forcément du temps. En attendant, la BCE essaiera de trouver un niveau d’intervention qui limite la casse mais qui permette de maintenir la pression. Alexandre Delaigue trouve que ce n’est pas normal. Je considère pour ma part qu’elle a raison de le faire, sans être sûr que les mécanismes en train d’être inventés suffiront : dans un système démocratique, le déficit fonctionne comme une drogue pour les élus, une drogue dont il est très difficile de se passer, malgré toutes les promesses d’ivrognes faites en ce sens.
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