En 5 ans, le prix de logements parisiens a augmenté de 48% en moyenne, alors qu’il avait déjà beaucoup monté dans les années précédentes. Les loyers ne sont pas en reste, qui ont grimpé de 50% en 10 ans. Faut-il bloquer les loyers ? Ou expulser ceux qui comme Chevènement habite des logements prévus pour des personnes aux revenus plus bas que les leurs ?
D’après la chambre des notaires, le prix moyen des logements au 3ème trimestre 2011 se situe dans la capitale à 8360 €/m2, l’arrondissement le meilleur marché étant le 19ème avec une moyenne de « seulement » 6350e/m2 et le plus cher le 6ème avec 12650 €/m2. On notera que sur 5 ans, la hausse est plutôt plus forte dans les arrondissements qui sont déjà les plus chers.
Pour acheter un logement de 91 m2 (surface moyenne des logements en France en 2006), il faut donc compter en moyenne à Paris 760760 € ! Avec un apport de 20% de cette somme et de quoi payer les frais de transaction, il reste environ 600 k€ à emprunter soit sur 20 ans, au moins 36k€ par an. Si la banque n’admet pas un remboursement supérieur au tiers du revenu, il faut que celui-ci soit au moins de 108 k€ net par an, ou 9 k€ net par mois ! Même avec deux salaires de cadres, c’est loin d’être gagné !
Heureusement, les loyers n’ont pas augmenté autant que les prix d’achat, ceux-ci sont plus raisonnables à l’extérieur de Paris, mais la hausse est partout suffisamment forte pour que ressurgisse régulièrement des propositions d’interventions de l’Etat pour bloquer les prix ou au moins les loyers.
Pourquoi une telle hausse ? Logiquement, parce qu’il y a un déséquilibre entre l’offre et la demande. Pourtant, de 2000 à 2011, le parc de logements a augmenté de 4 millions, soit 14%. J’avais noté que l’évolution conjuguée de la taille des ménages et de la population avait créé un besoin supplémentaire de 12 millions de logements entre 1968 et 2010, soit une période de plus de 40 ans : le rythme de construction actuel va dans le sens d’une baisse de la pénurie, mais on n’en voit pas encore le résultat sur les prix !
On notera avec le portrait social de la France que le parc s’améliore : la proportion des logements n’ayant pas le confort sanitaire (eau chaude+ WC+ installation sanitaire) n’est plus que de 1.3% en 2006 (contre 26.9% en 1978). Les 91 m2 représentent une surface nettement améliorée sur 30 ans (77m2 en 1978), alors que la taille des ménages a diminué. A l’échelle européenne, le nombre de pièces par personne place la France légèrement au-dessus de l’Allemagne et de la moyenne, mais assez loin derrière la Belgique ou l’Irlande.
Le marché peut-il résoudre ces difficultés ? Dans les années 90, les prix étaient trop bas pour que construire soit vraiment rentable, l’effort de construction a été insuffisant. La baisse des taux a donné aux ménages une plus grande capacité d’emprunt, ils se sont mis à acheter et les prix ont augmenté, suffisamment pour que le nombre de logements construits chaque année augmente nettement.
Pourtant, les prix ont continué a augmenté, ce qui fait supposer que le déficit d’offre n’a pas été résorbé. Il faut ajouter qu’il y a une situation particulière dans la région parisienne, où le manque de terrain disponible (les réserves foncières existent mais ne sont pas libérées) ne facilite pas la construction et où certaines zones (notamment Paris) sont beaucoup plus attrayantes que d’autres.
L’exemple des HLM montre une autre manière de gérer la pénurie que le marché : la file d’attente. L’attractivité de la capitale est telle qu’il y a dix fois plus de demandes de logements sociaux à Paris que de places libérées chaque année, et ce malgré un important volontarisme de la municipalité sur le sujet.
Une autre méthode est le favoritisme, qu’il passe ou non par la corruption. En écrivant assez systématiquement aux personnes à qui est attribué un logement social, les maires qui ont un office public municipal laisse accroitre qu’ils ont influencé la décision, alors que les choix se font normalement par une commission sur des critères rigoureux et officiels (en réalité, je pense que peu d’élus trichent sur ce point mais leurs courriers ne plaident pas en leur faveur !).
Une autre méthode envisageable est le tirage au sort, méthode non pratiquée (encore que le délai entre la parution d’une offre et la réalisation de la vente ou de la location est parfois tel qu’il semble donner une grande place au hasard !) directement. On peut considérer que le fait de gagner au loto est un moyen détourné d’accéder au logement !
Comme nous ne sommes pas dans un régime autoritaire, nous ne connaissons pas la méthode de l’attribution d’office, sans tenir compte de l’avis des habitants, mais cette méthode est théoriquement réalisable.
Que peuvent faire le législateur et l’exécutif ?
Le législateur a posé un certain nombre de contraintes au constructeur (loi SRU, normes thermiques ou autres), contraintes qui peuvent renchérir le coût du logement mais n’empêche pas de construire. D’autres contraintes limitent la construction : c’est en particulier le cas du POS. Faire sauter complètement ou en partie les limites du POS dans la petite couronne pourrait aider la construction et à terme faire baisser les prix.
L’exécutif de son côté a encouragé la construction en la subventionnant fiscalement. Le coût de ces subventions est très important, et il aurait probablement été plus utile de l’affecter au secteur HLM !
Le lecteur aura compris que le marché reste le moins mauvais des systèmes à l’exception de tous les autres, car il permet dans un délai plus ou moins long (c’est évidemment là le problème) de rétablir une offre suffisante face à la demande.
Cependant, le cas de Paris et de ses environs pose des problèmes spécifiques, puisque le nombre de logements dans la capitale est forcément limité pour une simple raison de place. La seule solution effective consiste à rendre les territoires avoisinants suffisamment attractifs (et d’en augmenter la densité par ailleurs à travers la révision des POS). C’est notamment une question d’accès (plus exactement de temps d’accès). Le prolongement de la ligne 14 vers le nord est ainsi susceptible d’augmenter la superficie des territoires réellement attractifs, ce qui augmentera les prix dans la zone rendue accessible et diminuera relativement ceux des zones actuelles (toutes choses égales par ailleurs évidemment).
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