Depuis 2008, l’augmentation du taux d’activité des seniors s’est notablement accélérée sous l’effet des changements de politique publique, avec la fin programmée de la Dispense de recherche d’emploi et des conditions plus restrictives pour le dispositif de carrière longue. C’est ce que montre une publication très récente de la DARES.
Le graphique 1 de l’étude de la DARES montre comment, en France, le taux d’activité des hommes et des femmes diminue avec l’âge. Pour les hommes, on le voit décroitre doucement entre 50 et 55 ans. En fait, il passe de 95% à 45 ans à 90% à 54 ans, pour des raisons que l’étude n’explique pas, mais qui doivent mêler quelques métiers où le départ est précoce et des personnes qui sont devenus inaptes.
Après 55 ans, le taux baisse nettement : « De 55 à 59 ans, les taux d’activité masculins et féminins perdent respectivement 8 et 6 points en moyenne par année d’âge en 2010. De 59 à 60 ans, la baisse s’accélère (recul de 20 points en une seule année) avec les départs à la retraite. À 60 ans, seuls 30 % des hommes et 27 % des femmes sont encore actifs en 2010. Ensuite, de 61 à 65 ans, la baisse est de 4 points en moyenne par année d’âge. À 65 ans, on ne compte plus que 8 % des hommes et 5 % des femmes en activité, puis respectivement 2 % et 1 % à 70 ans. »
Mais cette courbe est en train de changer (lentement) sous l’impact de deux phénomènes différents
D’abord l’augmentation générale de l’activité des femmes. Alors que le passage à la retraite à 60 ans en 1982 a eu un impact très important sur le taux d’activité des hommes de 55 à 64 ans, passé de 64.7% en 1975 à 45.0% en 1985, il n’a touché que faiblement celui des femmes, passé dans le même temps de 33.8% à 27.7%, en raison de la tendance à l’augmentation de l’activité féminine. Si l’on considère la seule tranche d’âge des 55/59 ans, l’écart de taux d’activité entre les hommes et les femmes passe de 23.6% en 1985, à 16.4% en 1995, 8.6% en 2005 et 7.8% en 2010. On note que l’écart ne diminue plus beaucoup maintenant.
Le deuxième phénomène est lié à l’ensemble des mesures prises pour tenter d’augmenter le taux d’activité des seniors.
La plus connue est la disparition progressive de la DRE, l’âge requis pour en bénéficier étant progressivement augmenté. Ce dispositif qui conduisait de fait à faire financer des pré retraites sous forme d’indemnités chômage, concernait encore 265 000 personnes à fin 2010, soit une centaine de milliers de moins qu’il y a trois ans. Le graphique 6 montre bien comment les flux d’entrées sont en baisse : ils sont passés de 140/ 150 milliers par an à environ 60 000 en 2010, et certainement encore moins en 2011. Le tableau de bord trimestriel sur l’emploi des seniors de juin 2011, donne sur les trois premiers mois de 2011 un rythme divisé par deux par rapport à 2010. A ce train-là, le nombre de personnes bénéficiant de ce dispositif va diminuer assez rapidement, et devrait passer sous la barre des 100 000 au total en 2013. Même si la mesure disparait sur le principe, elle continuera de fait pour les salariés les plus âgés (plus de 62 ans) avec cette différence notable que les personnes concernées entreront dans le volume officiel du chômage !
La deuxième mesure a consisté à durcir les conditions d’entrée dans le dispositif de carrière longue, avec 4 trimestres supplémentaires. A cela se rajoutent les conséquences de l’augmentation de la durée d’études initiale : le passage à la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, décidé en 1957, concernait tous ceux qui sont nés en 1951 et ensuite. Là aussi, l’effet a été assez massif, le flux de sortie passant de 100 à 120 milliers par an en 2007/2008 à 30 à 40 milliers en 2009 et 2010, et probablement aussi en 2011
L’effet de ces mesures se voit assez nettement sur les taux d’activité des seniors, passés (une fois corrigé l’effet de structure démographique) de 37.0 au premier trimestre 2008 à 40.9 au quatrième trimestre 2009 puis à 42.6 fin 2010. Le gain est passé de 0.5 à 2 points ar an, entre les périodes 2003/2008 et 2008/2010
Comme le calcul se fait sur une tranche d’âge de 10 ans, une augmentation de 9 points correspond à peu près à un report d’un an de l’âge de la retraite. Le rythme actuel est donc celui d’une augmentation d’un an tous les 4 à 5 ans, ce qui permet de « grignoter » un peu le retard accumulé précédemment sur l’augmentation de l’espérance de vie (environ un an tous les 6 ans pour les personnes de 60 ans).
L’étude de la DARES permet d’observer l’impact de cette évolution sur le chômage des seniors : il semble très faible. Certes, la part (et non le taux) de chômage sous jacent des seniors est passé de 1.6% à 2.8% entre le T1 de 2008 et le T4 de 2009, mais ensuite il n’a pratiquement plus bougé et il est toujours à 2.8 fin 2010. Il est donc logique de penser que l’augmentation de 2008/2009 est due à la crise et non aux changements de règles. Il est d’ailleurs frappant de’ voir que l’augmentation de cette part entre T1 2008 et t4 2009, de 1.2%, est très inférieure à l’augmentation du taux d’activité, qui est de 3.6%, le taux d’emploi augmentant de 2.4%.
Ce résultat, qui va à l’encontre du discours de ceux qui affirmaient que le report de l’âge du départ à la retraite se traduirait automatiquement par une hausse du chômage des seniors, s’explique facilement : 94% des salariés seniors du privé sont en CDI, et 92% des agents du public seniors sont titulaires ou contractuels en CDI (ce qui montre que sur cette tranche d’âge, le public traite moins bien que le privé). Toutes tranches d’âge confondues, les taux sont de 87% pour le privé et de 85% dans le public.
Les derniers tableaux de l’étude montrent que le taux d’activité des seniors français est nettement plus faible que la moyenne européenne.
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