La crise de la dette qui a éclaté pendant l’été a révélé les différences au sein de la gauche, depuis ceux comme JL Mélenchon pour qui le sujet n’est qu’un moyen de justifier une austérité qui frappera les pauvres en priorité à ceux qui proposent comme Laurence Vichniewsky de remettre en cause les positions concernant la retraite pour éviter de creuser les déficits.
Quand on parle de la dette ou de la proposition de Nicolas Sarkozy de voter une règle d’or, les leaders de la gauche avancent d’une part que depuis 25 ans, c’est la droite au pouvoir qui a creusé les déficits, et d’autre part que le président en exercice est mal placé pour proposer une politique qui va à l’encontre de ses pratiques. En réalité, les déficits doivent souvent autant à la conjoncture qu’aux pratiques budgétaires, et il faut reconnaître que la conjoncture a été plus favorable à la gauche qu’à la droite depuis 25 ans. Certains à droite prétendront que la gauche a profité d’une bonne conjoncture grâce au travail fait par les gouvernements de droite : ce serait oublier que les aléas conjoncturels ont été essentiellement mondiaux ou tout le moins européens.
En réalité, il faudrait analyser comment chaque gouvernement, au-delà de la part conjoncturelle, a fait évoluer le déficit structurel. On verrait ainsi par exemple que les efforts de Juppé ont été freinés par les grandes grèves de 1995 ou que DSK a été raisonnable mais que son successeur Fabius a accru le déficit structurel (en dépensant plus et en baissant les impôts), il est vrai poussé par le discours de Chirac sur une prétendue cagnotte.
Il est vrai que la démocratie et le système électoral poussent à faire des promesses puis à dépenser sans compter, comme l’agenda des Guignols l’avait montré à propos de Chirac. Mais c’est justement à l’occasion d’une crise comme celle qui a éclaté cet été qu’il est possible de faire ouvrir les yeux à l’électeur, pour revenir à des pratiques plus saines avant de se trouver dans la situation de la Grèce. D’où l’intérêt de lire aujourd’hui les prises de position à gauche.
Dans une tribune publiée le 18 août par Libération, Laurence VICHNIEVSKY, porte paole de EELV et membre du comité exécutif de ce mouvement, se demandait « si nous devions revoir notre copie » et estime qu’il ne serait pas raisonnable de « continuer à creuser ces déficits, en sanctuarisant niches et exemptions fiscales «créatrices d’emplois», comme le propose la majorité, ou en augmentant la dépense publique par des «investissements d’avenir», comme le suggère l’opposition de gauche ». Elle en déduit que « le retour à l’âge légal de la retraite à 60 ans est une lubie, les créations d’emplois publics doivent être gagées par des suppressions de postes, les investissements publics doivent être financés, non par les économies à venir qu’ils sont censés générer ou par une affectation autoritaire sur l’épargne, mais par des recettes budgétaires concomitantes, les dépenses du système de santé et des collectivités locales doivent être maîtrisées. »
Ces remarques frappées du coin du bon sens ont fait hurler les 14 autres membres du comité exécutif de EELV. Ceux-là parlent de décroissance mais ne veulent toucher aux revenus que des plus riches (sans préciser bien sûr à partir de quel seuil), ils veulent augmenter les services publics tout en baissant encore la durée du travail (jusqu’à 32 heures) et en revenant sur les réformes des retraites. Il « suffit » de changer de logique, de faire payer les riches, de supprimer le chômage et de relocaliser la production industrielle : à les lire, on finirait par trouver Marine le Pen raisonnable ! Il est vrai que quand on parle de désordre climatique et qu’on donne la priorité à l’arrêt du nucléaire…
Pour Jean Luc Mélenchon, la dette n’est qu’un prétexte, l’objectif de 3% n’a pas de sens et le retour en deux ans à ce niveau serait synonyme de récession (toujours le raisonnement keynésien détourné). Le montant actuel de la dette n’a rien d’insoutenable : il le démontre en comparant le montant des intérêts versés au montant des impôts. Si on comprend bien, tant que les impôts ne vont pas dans leur ensemble au paiement des intérêts, tout va bien. S’il le faut, on pourra toujours augmenter les impôts des riches, ou faire comme les islandais, refuser de rembourser les créanciers : c’est sûr qu’avec une telle affirmation, on trouverait facilement des préteurs !
Avec de tels partenaires, le parti socialiste a bien du mérite de vouloir réduire les déficits à 3% dès 2013. Encore que les prétendants à l’investiture ne sont pas tous sur la même longueur d’onde, depuis Montebourg qui n’est pas si loin de Mélenchon jusqu’à Valls qui se positionne au contraire pour la rigueur.
Pour Ségolène Royal, « La meilleure façon de lutter contre la dette et le déficit c'est de relancer l'activité économique » (Merci Ségolène, voilà qui fait avancer le débat !) : « Accroître les prélèvements, comme le proposent d'autres candidats à la primaire, c'est une grave erreur économique, c'est envoyer un mauvais signal, c'est freiner la croissance qui est déjà au point mort, c'est alimenter la déprime ». Elle qui ne veut pas laisser la dette à ses enfants, estime que « La dette est venue aussi en partie de la spéculation financière et de la façon dont l'Etat a renfloué les banques pendant la grave crise de 2008 sans imposer aucune contrepartie ». Il aurait fallu entrer dans le capital des banques « pour arrêter d'imposer des tarifications bancaires excessives sur les gens qui en ont assez, et pour financer le développement économique des entreprises ». Malheureusement, la gauche a déjà essayé cette solution et cela a donné les résultats que l’on sait avec le Crédit Lyonnais. En fait, l’ancienne candidate préfère persister dans sa proposition de raccompagner les policières en taxi le soir et promettre de ne pas fermer les petites maternités, y compris quand la plus proche est à moins de 10 km comme à la Seyne sur mer. On l’aura compris, si elle était élue, le déficit serait demain encore plus abyssal qu’il ne l’est aujourd’hui.
Martine Aubry est par contre sur la même position que François Hollande, consistant à viser un retour du déficit à 3% dès 2013. Comme lui, elle veut passer par la solution fiscale, en tapant sur les niches fiscales quand son prédécesseur à la tête du PS préfère une réforme fiscale profonde.
Devant les militants socialistes, ceux qui sont en tête des sondages doivent équilibrer les discours sur les deux moyens que sont la croissance et l’augmentation des impôts (pour les riches, bien sûr). Il est plus difficile de se positionner sur la maîtrise de la dépense publique ou sur les retraites. Sur le premier point, les socialistes veulent remettre en cause la règle du non remplacement d’un fonctionnaire sur deux et le programme comporte des propositions de dépenses pour des emplois aidés. François Hollande ayant taclé en juillet Martine Aubry sur sa proposition d’augmenter le budget de la culture, la maire de Lille semble devenue plus prudente sur les propositions de dépenses nouvelles.
Reste que si on compare quelques dizaines de milliers de non remplacements annuels de fonctionnaires et les 500 000 retraités en plus ou en moins d’une augmentation d’un an de la durée de cotisations, on comprend que le sujet des retraites pèse en réalité très lourd dans l’équation des déficits publics. Sur ce point, rare sont les socialistes prêts à dire comme Laurence Vischniewsky que le retour à la retraite à 60 ans est une lubie. François Hollande a défendu comme juste l’idée que ceux qui ont commencé leur carrière très tôt pourrait partir avant 60 ans s’ils ont 41 ans de cotisation. Que ne l’a-t-il pas admis en 2003, quand la CFDT s’est faite agonir pour avoir fait passer cette idée dans la loi Fillon. Malheureusement pour le futur candidat(e) socialiste, sur ce sujet, les militants sont dans le déni total…
Sur ce sujet voir « Mon programme pour 2012 et la dépense publique »
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