La part de la consommation de soins et bien médicaux (CSBM) dans le PIB de notre pays ne cesse d’augmenter, ce qui explique la réapparition régulière du « trou de la Sécu ». Cela explique en partie les progrès considérables de l’espérance de vie mais cela pose un problème de financement redoutable, d’autant plus que la part payée par les ménages dans cette consommation est la plus faible d’Europe après les Pays Bas.
D’après le document sur les comptes nationaux de la santé en 2009, publié par la DREES en septembre 2010, la CSBM représentait 3.4% du PIB en 1960, 7.1% en 1985 et 9.2% en 2009. La dépense courante de santé (DCS) qui couvre un champ plus vaste, représentait 11.7% du PIB en 2009.
Cette croissance continue (mais assez irrégulière, notamment du fait de l’impact de la conjoncture sur le numérateur (les dépenses) et le dénominateur (le PIB)) est le double produit de progrès techniques permanents de la médecine et de la diffusion au bénéficie du plus grand nombre de ces progrès.
Elle se constate dans l’ensemble des pays développés. Aux nuances de définition près, les USA sont de loin les plus grands consommateurs de soins ( la DCS y représente 16% du PIB) en raison notamment des prix pratiqués par le corps médical. La France vient en deuxième, juste devant la Suisse et l’Allemagne. La croissance des dépenses est aussi un choix largement partagé : tous les sondages montrent que les Français veulent donner la priorité à ce domaine dans les dépenses, même s’ils souhaitent en même temps que ce soit la collectivité qui paye.
Si la part de la CSBM a doublé dans le montant du PIB entre 1960 et 1985, c’est à dire une période en grande partie de forte croissance économique et que cette progression s’est fortement ralentie ensuite, c’est que de nombreux efforts ont été faits pour limiter / maîtriser la dépense dans chacun de ses sous ensembles.
En 2009 les 175.7 milliards d’euros de la CSBM se répartissaient entre les soins hospitaliers (44% du total), les soins dits ambulatoires (médecins, dentistes, auxiliaires médicaux etc.) pour 27%, les médicaments pour 20% et un solde de 9% pour d’autres biens médicaux et le transport des malades. En 1995, les parts étaient respectivement de 49%, 27%, 19% et 6%
Les médicaments, dont l’augmentation de la consommation provient notamment de la découverte de nouvelles formules, voient leur part dans le total diminuer depuis 3 ans, du fait d’une croissance limitée de la dépense en valeur, alors qu’ils représentaient au contraire une part croissante depuis 1997 (avec de fortes husses entre 1998 et . Ces progrès ont été obtenus d’une part en mettant l’accent sur l’utilisation de générique, d’autre part en déremboursant les médicaments les moins utiles et enfin en incitant les ordonnateurs médicaux à limiter la prescription. Mais en pratique, la consommation de médicaments a continué à progresser à vive allure, ce mouvement étant compensé par une baisse des prix (baisse constatée depuis 10 ans).
La part des génériques dans les dépenses de médicaments est ainsi passée de 4.1% en 2002 à 12% en 2009 mais reste plus faible que dans certains autres pays. Les entreprises de pharmacie situées en France constatent ces dernières années qu’un produit tombé dans le domaine public voit son remplacement par un gén,érique se faire aujourd’hui en quelques mois. L’une des conséquences directes est la réduction forte du nombre de visiteurs médicaux (division par 2 en 5 ans environ).
La maîtrise des dépenses hospitalières s’est faite pendant longtemps par la politique dite du budget global, les autorités de tutelle s’efforçant de limiter la croissance de celui ci, avec deux effets pervers : les hôpitaux les mieux dotés comme les moins dotés le restaient, les déficits cumulés finissaient pas être effacés, surtout quand le maire, systématiquement président du conseil d’administration, avait un poids politique important.
Cette politique a cependant permis de limiter la hausse des dépenses. Les hôpitaux se sont adaptés en réduisant la durée moyenne de séjour (DMS), celle ci étant en moyenne divisée par deux entre les années 70 et les années 90. C’est ainsi qu’un accouchement qui se traduisait, sauf cas de césarienne, par un séjour de 7 ou 8 jours dans les années 70, se traduit aujourd’hui par une hospitalisation de 3 ou 4 jours, le cas échéant complétée par la visite d’une infirmière chez la mère de famille les jours suivants.
Depuis quelques années, le système a changé, pour laisser la place à la T2A ou tarification à l’activité. Le budget octroyé à un hôpital ne dépend plus de celui qu’il avait l’année d’avant mais des ctes pratiqués, ceux ci étant payés selon la moyenne constatées dans le pays. Un service qui est plus cher que la moyenne doit donc revoir son organisation. Si l’écart est important, la direction doit se poser la question du maintien de l’activité en lien avec les établissements voisins. Le premier effet de cette politique est de concentrer les activités dans des unités suffisamment importantes pour que le personnel y soit occuper de manière régulière.
On avait déjà vu à l’œuvre cette idée à travers la fermeture de petites maternités, c’est à dire de services pratiquant moins de 300 accouchements par an. La raison mise en avant était le risque sanitaire lié à une trop petite fréquence des problèmes pour que médecins, sages femmes et infirmières restent compétents.
Cet argument est juste, mais il cache aussi un réel motif économique : une maternité requiert quelque soit sa taille un minimum d’infirmières, puéricultrices, sages femmes, médecins gynécologues. Dit autrement, il y a un effet d’échelle certain, et les services plus grands coûtent moins cher à l’accouchement (par contre, on sait qu’au delà de 2000 accouchements par an, la qualité baisse). De la même manière, il semblerait que la taille économiquement optimale pour la plupart des services soit d’une trentaine de lits. Le mécanisme de la T2A va pousser aux regroupements qui généraliseront les services de cette taille.
Du coté de la médecine de ville, la maîtrise des dépenses s’est faite par deux mesures qui touchent aujourd’hui leur limites : le numerus clausus dans les facultés de médecine pour que le nombre de médecins n’augmente pas trop vite (toutes les études montrant que la dépense croit avec l’offre) et la tarification des actes, et en particulier de la consultation, au moins dans le secteur conventionné.
Le passage aux 35 heures dans les hôpitaux est venu accroître un certain manque de médecins, conséquence non seulement du numerus clausus, mais aussi de l’augmentation de la proportion de femmes, celles ci choisissent de limiter leur durée du travail à un volume raisonnable et compatible avec leur vie de famille. On observe donc dans les hôpitaux une présence importante de médecins venus de l’étranger (il y a même eu pendant un certain temps l’organisation de filières pour faire venir des infirmières espagnoles). Cette question ne se réglera pas vite, au regard du très long temps de formation du corps médical. Elle contribuera forcément à augmenter d’une manière ou d’une autre la rémunération de ceux qui sont en place.
Comme on le voit, la pression pour bien utiliser les sommes consacrés à la santé n’est pas récente. On observe d’ailleurs une augmentation de l’absentéisme en milieu hospitalier, ce qui pourrait traduire une dégradation des conditions de travail.
Cette pression sur l’utilisation des budgets permet d’en limiter la hausse, mais n’a pas empêché jusqu’à présent que cette hausse soit plus rapide que celle du PIB ; On ne voit pas les raisons qui feraient que cela changerait à l’avenir.
S’il est légitime de s’organiser pour bien dépenser, la hausse de la part des dépenses de santé dans le PIB semble à la fois inéluctable et conforme aux demandes de la population. Celle ci est prête à en faire une de ces toutes premières priorité, peut être avec les dépenses d’éducation.
La part de la santé dans les dépenses collectives étant déjà importante, la conclusion est assez claire : la santé risque d’absorber une grande partie des marges de manœuvre économiques, ce qui signifie que les autres secteurs de dépenses ne doivent pas augmenter, voire diminuer. C’est en particulier le cas des dépenses de retraites, qui représentent également une part importante des dépenses collectives.
Les commentaires récents