La jeunesse grecque rejoint l’espagnole et semble plus à même de contester la politique d’austérité imposée par ses créanciers au gouvernement grec que des syndicats jugés trop proches de la gauche au pouvoir. L’indignation est peut être vertueuse mais elle reflète aussi la réaction d’une génération qui se sent sacrifiée. Comme en France ?
50 % des jeunes espagnols seraient sans travail. On comprend qu’ils aient du mal à voir l’avenir en rose ! Mais leur réaction vise également une classe politique jugée très éloignée de leurs préoccupations. Le mode de scrutin, organisée si j’ai bien compris selon une proportionnelle au sein de circonscriptions de quelques élus (à l’image du système inventée en France pour les européennes de manière à écarter les petits partis) est jugé trop favorable aux deux grands partis de gouvernements et aux forces régionales, fortes sur leurs territoires.
On ne peut bien sûr s’empêcher de comparer cette situation à la notre, et un petit noyau de jeunes essaie de le montrer à la Bastille, sans succès pour l’instant.
Les lecteurs de Louis Chauvel ont bien compris que les évolutions sociales et économiques se sont fait en France au détriment des nouvelles générations : aux anciens les salaires les plus élevés, la sécurité de l’emploi, les retraites élevées et précoces, aux jeunes le chômage, la précarité, les bas salaires et la perspective d’une retraite sans cesse repoussée et de bas niveau. Bien sûr, la réalité est plus complexe, mais la caricature repose sur des faits solides.
Mais les publications de Louis Chauvel datent du début des années 90 : le phénomène n’est pas nouveau, l’ancien monde ne finit pas de se déliter.
Pour que la jeunesse se regroupe, pour s’indigner ou pour manifester, encore faut il qu’elle se retrouve dans une même logique d’intérêt et/ou dans une même pensée dominante. Il est difficile de comprendre ce qui fait qu’une pensée est dominante, mais il est possible de distinguer des différences de situation au sein de la jeunesse française.
On sait depuis longtemps que le taux de chômage des moins de 25 ans est trompeur. Par définition (nombre de chômeurs par rapport aux actifs), il n’intègre pas ceux qui font des études longues, donc les plus diplômés. Dans la population des actifs de moins de 25 ans, ceux qui sortent du système éducatif sans diplôme sont sur représentés : on sait que leur taux de chômage propre se situe entre 40 et 50 %, voire plus, en fonction de la conjoncture.
Parmi les autres, le taux de chômage dans les premières années dépend à la fois du niveau d’études et de la filière choisie, mais il est évidemment beaucoup plus bas. Du moins en général, la crise de 2008 ayant évidemment perturbé tout cela, avec une montée de chômage, qui a bien entendu touché en priorité les nouveaux entrants.
Cette fois ci, la crise a particulièrement affecté l’industrie. Les ingénieurs, souvent courtisés par les entreprises, ont vu cette fois les perspectives d’embauche se tarir, parfois pour l’ensemble d’une promotion.
Il se trouve qu’un de mes neveux est sorti au mauvais moment de son école d’ingénieur. Après avoir galéré et trouvé refuge provisoirement dans l’Education Nationale, il a trouvé un CDD puis vient- d’être embauché en CDI dans une grande entreprise. Une de mes nièces légèrement plus âgée et également diplômée de la même école avait un CDI mais voulait changer d’employeur pour se rapprocher de son compagnon. Trouver en plein crise un emploi dans une ville de province, certes industrielle et dynamique, ne s’est pas révélé possible, alors qu’elle était sur le papier particulièrement employable. Elle aussi vient enfin de trouver l’occasion qu’elle recherchait depuis plus d’un an.
Ces deux exemples illustrent ce que l’on sait : l’activité est nettement repartie dans l’industrie ! Il est peut être trop tard pour ceux qui voudraient lancer un mouvement de toute la jeunesse : les craintes pour l’emploi ne sont déjà plus partagées de la même manière par tous les jeunes. Et par ailleurs, les étudiants ont commencé les périodes d’examen, périodes peu propices à des activités politiques très consommatrices de temps !
Il reste que le rejet de la classe politique que semblent exprimer les indignés espagnols est partagé par beaucoup de français, en particulier les jeunes. Un autre de mes neveux (j’en ai un certain nombre…) se plaignait ainsi il y a peu devant moi du fait que le vote banc n’était pas reconnu. Il est vrai que le système électoral est conçu pour déboucher sur un ou des élus, pas pour faire le constat que aucun des candidats ne sied aux électeurs…
On peut élire des représentants et des responsables avec de moins en moins de suffrages exprimés, attendre que la contrainte économique incite les jeunes à rentrer dans le rang. Mais peut être est il plus avisé de s’interroger dès maintenant des limites de notre système pour en améliorer le fonctionnement ?
Quelques mots sur la démographie. Les événements de mai 68 correspondent à une arrivée massive de jeunes dans le monde universitaire et dans la société en général, conséquence directe du baby boom. Nul phénomène de ce type en France aujourd’hui, la réalité étant au contraire le papy boom qui grève les comptes des caisses de retraite plus qu’il ne provoque la pénurie de cadres et la fin du chômage annoncées par ceux qui n’ont pas compris le caractère systémique de l’économie.
En Espagne, la natalité est passé largement en dessous du seuil de renouvellement depuis le tout début des années 80 ; descendu jusqu’à 1.16 en 1998, le taux de fécondité est remonté récemment au dessus de 1.4. Le résultat est que la génération des 25/29 ans est moins nombreuse que celle qui la précède est plus nombreuse que celle qui l’a suit. Mais peut on y voir une explication à la révolte de cette génération ?
Dans les années 2001/2006, il y avait 600 000 entrées d'immigrés par an, du fait de la forte dynamique économique, soit plus que le nombre de naissances annuelles. On peut imaginer que parmi les jeunes espagnols, ceux qui étaient forts diplômés (bac +3 et plus) bénéficiaient d'une situation de l'emploi très favorable, situation qui s'est complètement retournée pour la génération suivante, provoquant chez les jeunes concernés une forte "indignation"..
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