La Cour de Cassation a décidé que les gardes à vues réalisées sans avocat pouvaient être annulées. De nombreuses procédures datant d’avant le 15 avril (date à partir de laquelle la Cour de Cassation avait déjà imposé la norme de la présence de l’avocat) sont menacées et des personnes dont la preuve de la culpabilité reposait sur les aveux ou les déclarations obtenus pendant cette garde à vue devront être libérées.
Le Figaro du 1er juin se faisait l’écho de l’événement et listait les centaines de milliers d’auditions ayant fait chaque année l’objet d’une garde à vue, susceptible de conduire à l‘annulation de la procédure. Il est par contre beaucoup trop tôt pour estimer le nombre de cas de libération à attendre. L’ami Eolas, qui faisait systématiquement noter le fait que le gardé à vue n’avait pu avoir la présence d’un avocat sera content : il va sans doute gagner tous ses procès. Mais je crois que les étrangers qui faisaient appel à lui s’en sortaient déjà, la justice préférant consacrer son énergie à pourchasser ceux qui ne bénéficiaient pas d’avocat ou en avaient un moins efficace.
Les policiers sont furieux de voir qu’une partie de leur travail n’aura servi à rien. Il est possible que l’administration pénitentiaire se réjouisse discrètement : le nombre de détenus bat tous les records et l’administration ne sait pas vraiment comment faire face…
On ne peut que s’indigner d’apprendre que des personnes dont on est sûr de la culpabilité, parfois pour des faits graves, seront libérés pour des raisons de procédures non conformes, et non parce que les faits auront été jugés comme ne devant pas donner lieu à privation de liberté.
L’éditorialiste du Figaro s’indigne justement sous le titre « le pouvoir législatif en danger ». Il conclut que « l’on ne saurait préférer le gouvernement des juges non élus, à l’expression de la volonté générale incarnée par les représentants du peuple ».
Il note que la Cour de Cassation s’inspire de la jurisprudence et des avis de la Cour européenne des droits de l’homme, et que donc « le pouvoir des députés et des sénateurs se réduit comme peau de chagrin ». Il oublie évidemment de dire que la Cour européenne ne sort pas son pouvoir de son chapeau, qu’il lui a été accordé par le législateur de chacun de pays de l’Union, y compris donc le notre. En réalité, la Cour de Cassation oblige le législateur à être cohérent avec lui même…
Rappelons que si notre constitution et les démocraties en général donnent certains droits à la défense, ce n’est pas pour empêcher de punir les coupables comme on pourrait le croire à lire certaines déclarations, c’est d’une part pour protéger les innocents et d'autre part pour que chacun ait droit à un procès équitable. Il est vrai que de nombreuses séries policières américaines qui passent sur notre petit écran donnent souvent le sentiment que les délinquants, puisqu’ils sont délinquants, n’ont pas droit à un procès équitable…
Oui, il est scandaleux que des coupables échappent à une sanction méritée à cause de cette histoire de garde à vue. Mais contrairement à ce que sous entend l’éditorialiste du Figaro, la responsabilité de ce scandale ne repose pas sur la Cour de Cassation. Elle reposa sur le gouvernement et le législateur qui n’ont cessé de nier l’évidence, à savoir que la pratique française de la garde à vue était contraire aux principes de notre constitution comme de ceux qui sont à la base de l’Union Européenne. Il y a bien longtemps que les textes auraient dus être modifiés en ce sens, sans attendre qu’une question prioritaire de constitutionnalité donne l’occasion aux juges de dire officiellement l’évidence.
Le Figaro note que le texte à peine voté est déjà contesté par les avocats : le législateur a en effet essayé de tricher avec les principes constitutionnels que les juges lui avaient mis sous le nez, au risque de voir dans 6 mois ou dans deux ans d’autres prévenus libérés pour une procédure annulée. Si d’ici là la majorité a changé, la droite pourra toujours taxer le nouveau pouvoir de laxisme, mais ce sera simplement de la mauvaise foi !
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