Les résultats collectifs dans le domaine scolaire seraient meilleurs sans les enfants d’immigrés a déclaré la nouvelle rectrice d’Orléans. Claude Géant a enfoncé le clou, avec un lecture très personnelle des statistiques. Dommage de traiter ainsi un sujet qui mériterait pourtant l’attention.
Le 16 juin, la rectrice d’Orléans Tour déclare que son académie manque d’ambition et en veut pour preuve que "les deux tiers des enseignants sont dans leur établissement depuis plus de 6 ans." Mais ce qui pourrait dans ses propos « sur la routine sans esprit d’innovation » être pris comme une attaque contre les professeurs est éclipsé par une remarque concernant l’influence supposé des enfants d’immigrés dans les résultats de l’académie :
"Si on enlève des statistiques les enfants issus de l'immigration, nos résultats ne sont pas si mauvais ni si différents de ceux des pays européens. Nous avons beaucoup d'enfants de l'immigration et devons reconnaître notre difficulté à les intégrer. Commençons par combattre l'illettrisme de leurs parents"
Apparemment prêt à montrer qu’il est plus ferme que le FN sur la question de l’immigration, le ministre de l’intérieur a affirmé d’abord que « les deux tiers des échecs scolaires, c’est l’échec d’enfants d’immigrés » puis, trois jours après, que « les deux tiers des enfants d’immigrés (sortaient) de l’appareil scolaire sans diplôme ». Comme il prétendait s’appuyer sur une étude de l’INSEE, qui ne dit rien de tout celà, les syndicats de l’organisme se sont indignés.
Bonne occasion pourtant de revenir sur une étude de 2005 qui analyse les questions « d’éducation et de maîtrise de la langue ». On y trouve des éléments sur l’utilisation par les enfants d’immigrés de leur langue maternelle et du français, ainsi que sur les moyens utilisés pour mettre à niveau les jeunes qui arrivent en France et dans son système scolaire sans connaître la langue (les 3/4 environ en bénéficient, voir page 8 et 9).
Le tableau page 7 donne le niveau d’études des immigrés d’après le recensement de 1999. Il diffère selon le pays d’origine (les turcs ont le plus bas). 21% des immigrés de 30 à 49 ans ont un diplôme du supérieur et 11% le bac. Par contre, 42% n’ont aucun diplôme contre 22% dans la population totale (je suppose d’âge comparable).
Page 11 se trouvent les résultats que le ministre aurait du citer : 6.1% des élèves de famille non immigrée sortent du système scolaire sans qualification, contre 10.7% des enfants d’immigrés (parmi eux, les enfants nés à l’étranger s’en sortent mieux). Le tableau montre que le taux d’échec est de 9.2% pour les enfants d’ouvriers non immigrés. Ces résultats justifient le discours politiquement correct consistant à expliquer les résultats des enfants d’immigrés par le milieu socio culturel.
Or les données publiées dans l’étude montrent que cette explication n’en est une que partiellement. D’abord parce que le taux d’échec des enfants d’immigrés est supérieur à celui des enfants d’ouvriers. Ensuite parce que, comme on l’a vu plus haut, une partie des immigrés a un niveau de formation élevé (même s’ils peuvent se retrouver dans des métiers peu valorisés).
Evidemment, on ne peut raisonner correctement si on considère les immigrés comme un tout. En réalité, les difficultés de formation se concentrent sur une partie seulement de cette population, la moins favorisée.
Le tableau 3 page 11 nous apprend que 62.6% des enfants d’immigrés entrés en 6ème en 1995 ont un père sans aucun diplôme et que seulement 44% d’entre eux ont une mère active. Le tableau 2 page 15 nous montre l’aide apportée par les parents dans leur travail à la maison ; dans les familles où les parents n’ont aucun diplôme, 58.6% des mères non immigrées aident leurs enfants mais seulement 14.2% des mères immigrées.
Dans une partie (sans doute minoritaire mais non négligeable) de la population immigrée, les parents parlent mal le français ; les mères non actives peuvent l’ignorer complètement. Or on sait que les résultats scolaires sont fortement corrélés au diplôme de la mère.
Les enfants concernés vont avoir une première difficulté au moment d’apprendre à écrire, au CP et en primaire : l’apprentissage est d’autant plus difficile que leur vocabulaire en français est très pauvre, puisqu’ils n’entendent pas parler français à la maison. La deuxième difficulté viendra du faible soutien des parents, parfois tout simplement parce qu’ils ne s’y autoriseront pas. Enfin, la troisième difficulté concernera l’orientation, dans un système complexe (mais en cela, ils se retrouvent au même niveau que les enfants d’ouvriers).
Le risque de l’échec en primaire est bien connu : c’est le rejet de l’institution qui va aggraver les difficultés dans toute la scolarité.
Dans certains cas, les défauts d’orientation peuvent être en partie rattrapés dans la vie professionnelle, comme je peux le voir dans mon entourage. Trois de mes collègues élues sur la même liste syndicale que moi sont d’origine maghrébine. J’ai découvert récemment que la plus âgée avait le plus faible niveau scolaire(un CAP) parmi les assistantes (qui sont en grande majorité bac+2). Pourtant elle a obtenu grâce à ses qualités un poste enviable. Les deux autres, qui ont la trentaine, entrées avec un bac +2 sont ensuite devenues cadres !
Reconnaître les difficultés spécifiques de certains enfants d’immigrés devraient inciter à leur donner un soutien spécifique plutôt qu’à lancer des âneries dans les médias. On notera toutefois que la politique consistant à inciter les immigrés (et les femmes en particulier) à apprendre la langue française est une bonne chose pour la réussite scolaire de leurs enfants
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