Dans un article brillant, Aymeric se demande s’il est possible de faire partager ses opinions à d’autres électeurs et en conclut qu’il est plus facile de faire passer des idées simples et bien tournées que des programmes bien structurés. La question ne se pose pas qu’en politique. Elle renvoie à la manière dont chacun de nous veut rester maître de ses idées et à la question de la conduite du changement qui se pose à beaucoup de décideurs
A la relecture de l’article d’Aymeric, je me suis fait la réflexion que la différence essentielle de réaction à propos d’une information réside dans le fait qu’elle concerne un sujet que je connais bien ou mal, voire qui est nouveau pour moi. Car contrairement à ce que veulent nous faire croire les sondages d’opinions, il y a des tas de sujets que lesquels nous n’avons en fait pas d’avis.
Si l’information arrive sur un terrain vierge, elle va être accueillie avec peu ou sans préjugé et peut ainsi occuper tout l’espace du « dossier » que je vais créer dans ma tête sur le sujet.
Si elle arrive au contraire dans un domaine bien occupé, elle peut être rejetée ou acceptée selon qu’elle est ou non conforme à ce qu’il y avait avant, ce qui finalement peut être considéré comme assez rationnel.
Illustrons par un exemple.
Un de mes anciens collègues parti en retraite il y a un peu plus de 6 mois, me disait récemment qu’il ne réagissait plus du tout de la même manière aux informations économiques sur BFM. Ayant un rôle de dirigeant, il avait ces dernières années tendance à être d’accord avec une radio qui reflète le point de vue des milieux économiques. Redevenu simple citoyen et retournant à son passé de militant socialiste, il ne se trouve généralement plus d’accord avec ce qui est dit sur la radio.
Quand il travaillait, il recevait quotidiennement des informations sur la vie de son entreprise ou celle d’autres entreprises. Ce qu’il entendait ensuite sur BFM résonnait généralement avec ces informations et il avait donc tendance à l’approuver. Aujourd’hui qu’il s’interroge sur la manière dont son parti préféré pourrait atteindre ses objectifs une fois arrivé au pouvoir, il se retrouve dérangé par certaines informations qui vont à l’encontre des programmes qu’il imagine.
Présenté comme ci dessous, on peut avoir l’impression que depuis qu’il n’est plus confronté à la réalité économique, se sont ses préjugés et son idéologie qui ont pris le dessus.
En réalité, les informations qu’il recevait dans son travail était tout aussi bien les opinions des autres dirigeants que des faits bruts et indiscutables. Même quand il s’agissait de faits, ceux ci résultaient d’un choix, conscient ou inconscient, parmi diverses informations, que son rôle de dirigeant ou celui de ses interlocuteurs l’amenait à privilégier.
Pour prendre un autre exemple, l’article que j’ai écrit il y a peu sur la corruption et le journalisme a été lu par des commentateurs qui se sont fait depuis longtemps à l’idée que les journalistes sont loin d’être parfaits mais aussi qui se sont construits une défiance profonde vis à vis des politiques. Tous les arguments que je pouvais donner n’avaient guère d’impact face au fait que l’article incriminé résonnait fortement avec leur conviction sur les politiques.
Si j’avais voulu les convaincre que la fin ne peut justifier les moyens ou qu’il faut regarder avec prudence ce que nous disent les médias, idées qu’ils pourraient probablement bien admettre, j’aurais mieux fait de m’appuyer sur un sujet plus « vierge » pour eux !
S’il est plus facile d’imposer ses idées dans un domaine où les convictions sont faibles, la meilleure stratégie peut consister à imposer un nouveau dossier. D’une certaine manière, c’est ce qui explique le succès de Ségolène Royal en 2006, que ce soit avec les réseaux Désirs d’Avenir ou avec ses positions iconoclastes. C’est peut être aussi ce qui explique son incapacité aujourd’hui à remonter la pente, une part importante des français ayant un avis négatif sur celle qui voulait mener les socialistes à d’autres victoires.
Peut on en dire autant de Nicolas Sarkozy ? C’est probable mais pas complètement sûr. Etant au pouvoir, le président a des avantages sur son ancienne concurrente : une amélioration de la conjoncture économique peut lui être favorable, il a l’opportunité de se servir de l’actualité comme on l’a vu en Libye et il reste au cœur de l’actualité.
A suivre
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