La même semaine, on apprend que le PS bloquera les loyers s’il arrive au pouvoir et que le gouvernement n’acceptera plus de hausse du prix du gaz d’ici la présidentielle, en n’hésitant pas, mais c’est une habitude, à fouler au pied ses engagements antérieurs. Ce retour à l’administration des prix se veut une réponse aux demandes concernant le pouvoir d’achat. Mais l’Etat n’est pas le père Noël !
Après avoir longtemps cédé à la tentation d’administrer (en fait d’empêcher d’augmenter normalement) le prix du gaz et de l’électricité, du temps où EDF/ GDF en était le seul fournisseur, l’Etat avait fini par adopter des règles permettant aux intervenants sur le marché de gérer à peu près normalement leur entreprise.
Dans le cas du gaz, l’Etat, ayant incité GDF a négocier des contrats à long terme pour garantir la sécurité de l’approvisionnement du pays, avait accepté d’utilisé pour fixer les prix la règle figurant dans les dits contrats, en l’occurrence et pour 90%, l’indexation sur les prix du pétrole (et pour 10% l’indexation sur le prix spot du gaz), cette indexation poussant à son tour les intervenants français à négocier des contrats sur cette logique, une solution qui n’était pas forcément adaptée dans les années 2000 comme dans les années 1980
En refusant toute augmentation d’ici la présidentielle, le gouvernement décide de casser le thermomètre explicitement pour augmenter ces chances de gagner les élections, ce qui montre l’état d’affolement de la droite
Economiquement, la seule justification que l’on pourrait trouver à ce type de comportement serait de vouloir écrêter les excès de fluctuation des prix. Il est vrai que ces fluctuations sont très importantes et que les promesses libérales d’amélioration de la qualité des prix grâce à des marchés plus libres n’ont guère été suivie d’effets. Mais il semble à l’observateur surpris que l’écrêtage ne fonctionne que d’un coté, à la hausse. Une telle politique n’a à terme qu’un effet : affaiblir le producteur national par rapport à ses concurrents étrangers !
Dans les années 60/70, certains pays en développement producteurs de matières premières(par exemple le cuivre) avaient voulu se prémunir des fluctuations des prix, qui menaçaient tout effort de gestion des finances de leur pays. Ils avaient donc mis en place un système de régulation, basé sur la propriété de stock : quand les prix baissaient, ils achetaient pour limiter cette baisse, quand les prix montaient, ils vendaient pour limiter la hausse.
Ce système pourrait être efficace si on connaissait le prix moyen sur longue période et si l’intervenant à les reins assez solides pour garantir le non dépassement des marges de fluctuation qu’il autorise selon la conjoncture. Dans le cas contraire, le régulateur se retrouve avec un stock acheté plus cher que le prix où il peut l’écouler sur le marché, et le fait de la brader ne fait que faire baisser les prix encore plus. D’une certaine manière, les grandes banques centrales fonctionnent de cette manière, en attendant pour intervenir massivement sur les marchés que les cours se soient éloigné de manière excessive de leur moyenne de longue période.
Bloquer les prix, que ce soient celui des loyers ou celui de l’essence pose deux problèmes. Le premier est la question du financement du manque à gagner pour le vendeur. Le second est la suppression des mécanismes économiques qui poussent à économiser les produits chers, ce qui pousse leur prix à la baisse toutes choses égales par ailleurs.
Dans le cas de l’essence, Total et les autres groupes pétroliers sont suffisamment considérés comme des méchants pour qu’il soit considéré comme légitime de leur faire supporter les décisions gouvernementales. Dans le cas des loyers, il est probable que l’opinion publique a le même avis. Le problème est que bloquer les loyers est le meilleur moyen de diminuer l’effort de construction, alors que le déséquilibre entre l’offre et la demande est la raison principale de la hausse des loyers ! Nos amis économistes l’ont suffisamment expliqué.
Dans le cas du pétrole, on assiste à des contorsions politiques absolument incroyables. La gauche, et surtout les écologistes, a reproché au gouvernement d’avoir abandonné le projet de taxe carbone. A vrai dire, la hausse très forte des prix du pétrole depuis dix ans a le même effet qu’une taxe carbone de même niveau sur les comportements des consommateurs : à 120 dollars le baril, certains investissements d’économies d’énergie qui n’étaient pas rentables à 40 ou 60 dollars le deviennent largement, ce qui contribuera pour demain à diminuer la consommation, ce qui était le but de la taxe carbone.
Mais maintenant que les prix montent, la gauche commence à vouloir protéger de cette hausse le consommateur automobiliste. Il faut pourtant être clair, la consommation de produits pétroliers (ou d’énergie en général) n’augmente que dans le transport et dans le chauffage. Diminuer cette consommation demande donc un changement de comportement des ménages. On peut imaginer de les protéger en subventionnant les travaux permettant d’économiser l’énergie, mais subventionner les produits pétroliers, c’est aller à l’encontre des économies d’énergies affichées (à raison) comme souhaitables.
On se demande d’ailleurs pourquoi limiter la hausse des prix de l’essence et pas celle du fuel domestique, d’autant plus que la TIPP réduit l’effet de la hausse du baril : quand le baril double, le fuel fait de même mais l’essence n’augmente que de quelques dizaines de pour cent.
Mais que ne ferait on pas pour gagner des voix, en profitant de l’ignorance des français en économie ?
Les commentaires récents