Pire accident nucléaire de l’histoire ou non événement ? On peut commencer à évaluer l’importance de ce qui s’est passé à Fukushima et à cette occasion mesurer les impacts, surs ou potentiels, de la filière nucléaire sur notre environnement. Du moins avec les connaissances dont dispose le citoyen lambda
Si l’on en croit le point d’information de l’ASN vendredi premier avril, la situation sur le site nucléaire de Fukushima devrait être stable dans les prochains jours : le passage d’un refroidissement par eau selon un circuit ouvert à un refroidissement par circuit fermé est compliqué et devrait donc prendre du temps : plusieurs jours ou plusieurs semaines. « Les rejets de radioactivité dans l’atmosphère sont inférieurs à ceux observés les premiers jours de l’accident. Les débits de doses relevés sur le site de la centrale restent élevés mais sont à la baisse. » Dans la région de Tokyo, les taux demeurent faibles et sont en décroissance lente.
Situation stabilisée ne veut pas dire absence de fuite : l’eau utilisée pour le refroidissement est transformée en une vapeur qui sort à l’extérieur avec des produits contaminés, et une brèche de 20 cm a été trouvée dans une fosse reliée au réacteur n°2, par laquelle sort de l’eau contaminée, laquelle se retrouve dans le sol et dans la mer. Cependant, la quantité de chaleur émise par les combustibles nucléaires va en diminuant progressivement, le besoin d’eau de refroidissement et les dégagements de vapeur contaminée avec. Le fait d’avoir trouvé une brèche donne la possibilité de la colmater, même si cela semble assez difficile.
Peut on évaluer cet accident au niveau 5 dans l’échelle INES, le même qu’à Three Miles Island ? Pour atteindre le niveau 6, il faudrait que les rejets aient justifié l’application intégrale des contre mesures prévues, ce qui n’a pas été formellement le cas, par exemple en ce qui concerne l’absorption d’iode par les populations locales. Cependant, niveau 5 ou 6, cet accident a entraîné des mesures de protection plus importantes que TMI (comme le disent en abrégé les dirigeants de l’ASN) mais moins que Tchernobyl ; les rejets sont plus importants également qu’à TMI, mais évalués le 22 mars par l’IRSN à 10% des rejets de Tchernobyl.
Les déclarations de certains écologistes présentant l’accident comme une catastrophe sont donc très exagérées. Je ne suivrais cependant pas mon camarade Denys qui juge, pas seulement par provocation, qu’il ne s’est rien passé, puisque au final, on se trouve au même niveau qu’à TMI.
Quels sont donc les impacts de l’accident ?
D’abord, il a obligé les autorités japonaises à évacuer pour déjà plusieurs semaines les environs de la centrale dans un rayon de 20 km. Cette évacuation durera jusqu’à ce que les fuites soient vraiment maîtrisées et que par ailleurs, une cartographie précise de l’état des sols puissent être réalisée. On peut raisonnablement penser que la durée de l’évacuation se chiffrera en mois.
Il est assez probable qu’il s’agit là de l’impact humain le plus important. Imaginons un accident de même nature dans la centrale de Gravelines, et l’agglomération de Dunkerque, y compris son port, transformée en ville morte pour plusieurs mois !
Il coûtera ensuite des dizaines de milliards à l’exploitant, que l’Etat japonais risque de devoir nationaliser.
Il y a eu deux morts dans la centrale, mais leur mort était apparemment liée au séisme et au tsunami. Il y a également eu des travailleurs irradiés à forte dose (mis en observation, ils sont sortis assez rapidement de l’hôpital) et on parle de 19 travailleurs blessés par les radiations, sans compter ceux qui ont reçu des doses proches des maxima autorisés pour eux.
Reste la question de l’impact du rejet d’éléments radio actifs, à court et à long terme, dans l’environnement local et sur la planète
L’accident de Tchernobyl, classé au niveau 7 sur l’échelle de l’INES, a eu un impact mesurable sur la radio activité de la planète. Le tableau publié par le site la radioactivité.com (attention, l’échelle est logarithmique) montre que Tchernobyl a entraîné une radio activité d’environ 0.03 ou 0.04 mSV par an, soit 1 à 2% de la radio activité naturelle moyenne. Cette activité a rapidement décliné avec la disparition de l’iode 131 dont la demi vie est de 8 jours. Elle se situait donc un an plus tard autour de 0,004 mSV par an, et diminue pour l’instant au rythme de la désintégration du césium 137, dont la demi vie est de 29 ans.
Cet accident a aussi des traces locales au niveau du sol, autour du site de la centrale bien sur, mais aussi à d’autres endroits plus éloignés au hasard de la carte des vents après l’accident
Qu’en est il des conséquences de Fukushima ? Et qu’en serait il de conséquences d’autres accidents ?
Pour répondre correctement à cette question, il faudrait connaître d’une part le volume réel des rejets, d’autre part leur composition selon les différents radio éléments.
Pour Tchernobyl, "l'IRSN estime que 80 000 terabecquerels de césium-137 ont été rejetés dans l'environnement, soit 30 à 40 % de la quantité présente dans le cœur du réacteur accidenté. » Quel est la part rejetée à l’extérieur de ce qui était dans les réacteurs de Fukushima ? Comme indiqué plus haut, l’IRSN faisait le 22 mars l’évaluation d’un rejet d’environ 10% de celui de Tchernobyl et se décomposant ainsi (le + signifie ici « puissance »)
- Gaz rares : 2 10+18 Bq ;
- Iodes : 2 10+17 Bq ;
- Césiums : 3 10+16 Bq ;
- Tellures : 9 10+16 Bq.
A titre de comparaison, le site radioactivité.com évalue à 12 10+18 le dégagement total de Tchernobyl et à 8 10+16 la quantité de césium 137
Ici, les gaz rares sont les plus nombreux, et pourtant ils ne sont jamais cités dans la presse ; cela s’explique par leur très faible activité chimique qui ne les amène pas à être fixés par quelques éléments que ce soit. Ils restent dans l’atmosphère sans se déposer au sol). Parmi eux, le plus courant est le xénon 133 dont la période radioactive est de 5,3 jours. Il faut donc 53 jours pour qu’ils diminuent d’un facteur 1000 et donc 6 fois plus soit environ 10 mois pour être réduits d’un facteur 10 puissance 18.
Les autres éléments sont des éléments volatils, principalement des isotopes radioactifs de l’iode, du césium radioactif, du tellure radioactif. Ces éléments forment de fines particules en suspension dans l’air (aérosols) qui se déposent progressivement sur les surfaces au sol au fur et à mesure de leur dispersion dans l’air. Les résultats de mesure dans l’environnement dont dispose l’IRSN, venant du Japon, confirme la présence principalement :
- d’iode 131 (période radioactive de 8 jours), d’iode 132 (période radioactive de 2,3 heures) et d’iode 133 (période radioactive de 20,8 heures) ;
- de tellure 132 (période radioactive de 3,2 jours) dont la décroissance radioactive produit de l’iode 132, ainsi que du tellure 129m (période radioactive de 33,6 jours) associé à du tellure 129 de période plus courte (1,16 heures) ;
- de césium 137 (période radioactive de 30 ans) et de césium 134 (période de 2,1 ans).
En pratique, au bout de quelques mois, ne subsistera de la liste précédente que le césium 137, avec sa période de 30 ans.
La décomposition des rejets dépend beaucoup de l’âge de la centrale. En effet, les éléments à courte vie comme l’iode 131 ou le Xénon 133 disparaissent rapidement. Bien que produit en permanence par l’activité du réacteur, ils ne s’accumulent pas. Ce n’est pas le cas des éléments à vie plus longue comme le césium ou divers éléments à vie nettement plus longue comme l’uranium 234 dont la période est de 245 500 ans, le thorium 230 dont la période est de 75 380 ans et le radium 226 dont la périodicité est de 1600 ans. Ceux là s’accumulent et sont d’autant plus en nombre que la centrale fonctionne depuis longtemps.
D’après les données ci-dessus, l’impact sur l’atmosphère globale serait donc autour de 0.005 mSV et ils auront été diminué à moins de 0.001 d’ici un an.
Quelle conséquences sur la santé des humains ? Ce sera l’objet d’un futur article, celui-ci étant déjà trop long !
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