Le Médiator aurait du être retiré du marché il y a longtemps, et les laboratoires Servier ont cherché à tricher sur ce qu’il est vraiment dès son introduction sur le marché en 1974. Le principe de précaution a en permanence joué en faveur de la firme et non du patient.
La commission d’enquête sur ce qu’il faut bien appeler l’affaire Médiator a rendu son rapport. Celui-ci est entièrement disponible sur le site de la documentation française. Il comprend 300 pages et 1000 pages d’annexes. On trouvera ci-dessous quelques extraites de la synthèse de 15 pages, laquelle se lit relativement facilement, même pour ceux qui ne sont ni médecins ni pharmaciens.
Pour ceux qui recherchent les responsabilités politiques, il ressort des décisions discutables en 1974, l’acceptation même du médicament (sous Pompidou), en 1995 « une première occasion manquée » est constatée sous Juppé, une non prise en compte d’un cas grave par la commission en 1999 et une nouvelle décision favorable en 2001 sous Jospin, et enfin, une non prise en compte permanente des alertes pendant la décennie 2000/2009 et notamment en 2005 (quand le médicament est interdit en Espagne), 2007 et 2009.
Pour faire simple, c’est essentiellement la droite qui est potentiellement visée, même si la gauche ne peut être complètement exonérée, du fait de son passage au pouvoir entre 1997 et 2002, au moment où la décision de retrait aurait du être prise.
Après avoir noté qu’aucun des directeurs généraux qui se sont succédés à la tête de l’Agence n’a été informé de manière correcte sur le sujet du MEDIATOR®, ni sur ses caractéristiques pharmacologiques, ni sur la réalité des effets indésirables et ce, jusqu’à la fin de l’année 2010 mais que cette situation ne saurait exonérer ces directeurs généraux de la responsabilité qui était la leur, les rapporteurs notent au sujet des politiques :
De même, il semble qu’aucune information sanitaire sur le risque du MEDIATOR® n’a été portée à la connaissance des ministres avant que la décision de suspension ne soit imminente. L’éclatement entre les différents acteurs publics de la chaîne du médicament et un système de commissions foisonnant, chronophagie et donnant l’illusion de la transparence des dossiers a contribué à la difficulté de cette information des ministres. Néanmoins, dûment avertis par les trois rapports d’audit externes précédemment cités sur les faiblesses de la pharmacovigilance, ces ministres successifs auraient du être attentifs à la nécessité de renforcer et de rendre plus efficace ce dispositif.
L’agence elle-même est évidemment visée puisqu’elle a failli. Elle a failli parce que trop bureaucratique, parce que trop attentive à la situation des industriels, parce que la commission fait la part belle à ces derniers mais pas aux praticiens de terrain ou aux représentants des malades. Les auteurs soulignent aussi les méfaits du fait que les membres de cette instance y fassent carrière :
"La sécurité sanitaire est un métier difficile et exigeant. La vigilance sanitaire est une responsabilité fatigante, usante, qui conduit à travailler chaque jour sous la pression….. C’est pourquoi la mobilité des personnes est indispensable dans ce domaine."
Il s’est cependant passé des choses graves à l’Agence, et notamment au sein des comités techniques de pharmacovigilance (CTPV). "Pendant 10 ans, de 1995 à 2005, ce point ne sera pas inscrit à l’ordre du jour de la CNPV, en dépit de 17 réunions du CTPV."
A la suite d’un cas de valvulopathie aortique en février 1999 et un cas d’HTAP en juin, cas signalés dans la base nationale, une note de l’unité pharmacovigilance aurait du aboutir à l’inscription à) l’ordre du jour de la CTPV en juillet 1999 et mission estime que c’est inexplicable : la mission estime que le retrait du Médiator aurait du être décidé des 1999, du fait des deux cas signalés plus haut.
Il semble que des personnes identifiées aient failli, en particulier deux médecins évoqués dans la synthèse
Les laboratoires Servier ont depuis le début, c'est-à-dire avant même l’autorisation du médicament, eu un comportement absolument inexcusable en cherchant à tricher sur le médicament et ses qualités et défauts ; quelques extraits :
« Les laboratoires Servier savent depuis la fin des années 60 que la fenfluramine provoque expérimentalement des hypertensions artérielles pulmonaires chez l’animal »
« Cet « aveu » de ce que le benfluorex ne serait qu’un précurseur, c’est-à-dire une molécule n’ayant en elle-même aucune activité pharmacologique, les laboratoires Servier ont cherché, après l’avoir reconnu, à le faire oublier en retirant une phrase évoquant cette caractéristique d’un document communiqué à l’AFSSAPS en 1999. »
« La mission a eu connaissance de pressions exercées par des personnes appartenant aux laboratoires Servier ou ayant des liens d’intérêt avec eux sur des acteurs ayant participé à l’établissement de la toxicité du MEDIATOR®. La mission ne qualifie pas les pressions ainsi relatées. Elle procèdera à un signalement de ces pratiques à l’autorité judiciaire en lui transmettant les pièces justificatives dont elle dispose »
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