Dans un entretien avec Marc Landré du Figaro sur divers sujets sociaux, Pierre Méhaignerie propose de limiter les indemnisations chômage à un niveau nettement plus bas que le niveau maximal actuel (5650 € par mois) et avance, ce qui a provoqué l’ire des commentateurs sur les forums, qu’une indemnité élevée ne motive pas à rechercher un emploi.
En proposant de limiter à 2500 € mensuels le montant des indemnités chômage (comme dans la plupart des autres pays européens dit il) et d’utiliser les sommes ainsi récupérées au bénéfice des plus jeunes, le député de Vitré pouvait s’attendre aux réactions négatives de la CGC mais pensait peut être aller dans le sens de ceux qui veulent réduire les inégalités ; une proposition de gauche en somme !
Las, la presse a réagi négativement de manière assez unanime, et elle est largement suivie par la plupart des commentateurs sur les forums. Les reproches pleuvent sur le député,comparé à ses amis Copé et Jacob, à qui sont reprochés respectivement des propos sur les 35 heures et sur les fonctionnaires. Et beaucoup de commentateurs lui renvoient le montant de ses indemnités de député et le régime de chômage de ceux-ci.
Peut être la confiance dans cette majorité est elle tellement perdue que toute intervention, quelque elle soit, est reçue négativement. Si c’est le cas, on se demande ce que nous réservent les prochaines élections.
Peut être les intervenants, commentateurs et journalistes, ont-ils mieux compris la proposition qu’ils ne le laissent croire et réagissent ainsi parce qu’ils sont personnellement concernés. C’est possible, mais il n’y a pas que des gros salaires parmi les commentateurs, ni parmi les journalistes.
Il est probable que Pierre Méhaignerie pâtisse de deux remarques qui ont accompagné son observation (les indemnisations les plus élevées le sont plus qu’à l’étranger) et sa proposition (limitons donc à 2500 euros) : une indemnisation élevée pousse à ne pas rechercher de travail et nos dépenses de protection sont les plus élevées d’Europe.
L’indemnisation du chômage est elle un frein au retour à l’emploi ? Cela peut être vrai pour certains (clairement une minorité). Ceux là considèrent qu’ils peuvent profiter d’un droit qu’ils ont financé avec leurs cotisations,. Le problème est que cela les amène à repousser leur recherche de travail et qu’au final cela affaiblit celle-ci, les employeurs ne voyant pas d’un bon œil les trous dans les CV.
Mais les choses sont aussi un peu compliquées et je vais l’illustrer avec l’exemple d’un de mes proches. Celui-ci, travaillant aux confins entre l’informatique et la téléphonie, a été licencié après l’éclatement de la bulle Internet. Il a bénéficié d’un plan social très généreux et n’a retrouvé du travail que plus d’un an après son licenciement. Il a utilisé cette période pour passer un temps important à définir son projet avant de lancer réellement ses recherches et la personne qui l’accompagnait a jugé à un moment qu’il ne se bougeait pas assez. Il est vrai que la générosité du plan lui a permis de ne pas s’en faire financièrement pendant cette période, ce qui ne signifie pas qu’il n’était pas inquiet. Il n’a par contre pas bénéficié de la sur indemnité prévue pour ceux quoi se recasaient dans un délai de moins d’un an.
S’il est difficile de juger si ces recherches ont été suffisamment actives, il est nécessaire de rappeler quelques éléments de contexte : son âge, plus de 40 ans, ce qui est déjà beaucoup (aux yeux des employeurs du moins) dans une industrie très novatrice, et l’état de l’emploi dans son secteur à ce moment là, proprement désespérant.
C’est bien pour ces raisons qu’il existe un système d’assurance chômage !
On peut toujours discuter des modalités particulières. Notons que le taux de remplacement diminue de 75 à 57% avec l’augmentation du salaire de référence. C’est une réponse adaptée au caractère plus ou moins adaptable des dépenses de la personne concernée : s’il est toujours difficile de réduire des dépenses qui sont souvent marquées par des choix antérieurs (emprunts, taille du logement ou du véhicule etc.), on comprendra aisément que c’est d’autant plus difficile que le niveau de vie est bas.
Si les indemnités de chômage devaient être limitées à un niveau beaucoup plus bas qu’actuellement, les personnes potentiellement concernées (les cadres ou .. les journalistes !) seraient tentées de trouver une solution alternative, par exemple une assurance privée. Cela existe apparemment au Danemark, où elles seraient organisées par les syndicats.
La CGC a cependant beau jeu de noter que les cadres, qui cotisent au prorata de leur salaire, cotisent nettement plus au système qu’ils n’en retirent, d’une part en raison d’un taux de remplacement plus bas que les catégories dont les salaires sont plus faibles, d’autre part en raison d’un taux de chômage plus faible que la moyenne.
On retrouve ici une caractéristique qui était déjà présente dans les retraites : la logique de fonctionnement des caisses de chômage est une logique assurantielle et non une logique de redistribution.
Au final, le système actuel a sans doute des défauts, mais il n'existe pas de système idéal face à des conraintes et objectifs multiples, et les systèmes mis en place en Europe sont le rsultat d'ajustement successifs.
Pierre Méhaignerie souligne que les prestations sociales sont nombreuses et représente une part très importante du PIB : en effet, elles représentent 31% de celui-ci ! La France a dépassé la Suède sur ce critère et elle en est un champion toute catégorie. Contrairement à ce qu’assure le Monde, dont le journaliste prouve simplement qu’il ne sait pas lire un graphique, et qu’il ferait bien de faire attention à ce qu’il dit au lieu de reprocher au député ses approximations, ce taux n’est pas en baisse constante depuis 2003.(et il a probablement augmenté depuis 2007 en raison de la crise).
Ce taux est effectivement très important, mais pas si éloigné de celui de nos voisins, l’UE étant à 26.5% environ.
On peut par contre se demander si ces sommes sont bien utilisées. Le Monde note à la suite de l’IFRAP que les taux de gestion sont plus élevés que dans le reste de l’Europe (4% au lieu de 3%) mais cette question est en fait assez marginale. Par contre, deux problèmes contribuent à faire douter les français de leur système : le mélange peut transparent entre assurance et redistribution, le caractère corporatiste de certaines prestations.
Et de ce coté là, la proposition de Méhaignerie ne contribue pas à la clarté.
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