Un cours d’économie dans un rapport public validé à l’unanimité, ce n’est pas banal. C’est pourtant bien ce qu’on trouve dans le rapport annuel du HCAAM qui présente trois hypothèses théorique pour la sortie de la crise économique dans un chapitre intitulé « détour théorique : déficit conjoncturel et déficit structurel, définition des concepts.
Comme je le notais dans l’article précédent, ce rapport a été approuvé à l’unanimité par une commission de soixante quatre personnes d’une composition proche du Conseil économique et Social. Que des représentants de l’UMP et du PS, du Médef et de la CGT, des professions de médecine et des représentants des caisses d’assurance maladie aient validé le même chapitre théorique montre qu’il est possible d’en certains conditions de produire un consensus sans qu’il soit forcément mou.
Ceux que cela intéresse pourront donc lire des explications très pédagogiques sur la différence entre les déficits conjoncturel et structurel. On se contentera ici de s’intéresser à la figure 12 page 23 qui illustre trois scénarios pour la sortie de la crise actuelle.
Le rapport passe au préalable par la définition du PIB potentiel dont il donne la définition suivante : le PIB potentiel se définit comme le niveau de la production qu’il est possible d’atteindre sans tension sur l’économie (sans inflation importante, sans difficultés de recrutement). La représentation de ce PIB potentiel sur la figure 12 montre qu’il correspond à un taux de croissance constant, qu’on appelle le taux de croissance à long terme. Si on présente les chiffres de PIB en échelle logarithmique, le PIB potentiel suit une droite.
En fonction de la conjoncture, le PIB réel va s’éloigner plus ou moins du PIB potentiel, et le taux de croissance réel osciller autour du taux de croissance à long terme. Cette idée peut paraître bizarre, mais Econoclaste avait publié il y a longtemps une figure où l’on voyait que les USA avaient un taux de croissance à long terme constant sur une période allant d’avant 1900 jusque 1929, le PIB réel étant assez proche du PIB potentiel. Avec la crise de 1929, le PIB réel avait décroché assez nettement du PIB potentiel mais en avait retrouvé le niveau en 1945 ! Les USA ont donc suivi à cette époque ce qui parait le scénario 2 sur le figure 12.
Que signifie ce scénario 2 ? Que le taux de croissance étant inférieur à sa tendance à long terme pendant la crise, il y a un effet de rattrapage ensuite, pour rejoindre le potentiel à long terme.
Le scénario 1 respecte la même alternance de taux de croissance faibles voir négatifs et de taux de croissance élevés. La distinction entre les deux n’a d’intérêt qu’en raison de l’objet du rapport : dans le scénario 1, le déficit conjoncturel est compensé par un excédent conjoncturel, ce qui n’est- pas le cas dans le scénario 2. Les deux scénarios différent sur les conséquence sur la dette !
En réalité, la distinction dépend de l’endroit où l’ion place la courbe théorique ; En pratique, le problème naît du fait que depuis quelques décennies, les politiques et les gestionnaires de caisse gèrent de telle manière qu’il n’y a pas d’excédent en haut de cycle. On se met donc de fait dans le scénario deux et chaque crise accroît le stock de dette, sans que la période de reprise ne permette de résorber au moins partiellement ce stock.
Le scénario 3 imagine l’absence d’un rattrapage total, la crise ayant conduit à une réduction du potentiel de croissance à long terme, par exemple en affectant l’innovation et donc le progrès technique.
L’exemple cité plus haut de la crise de 29 montre que même une crise très forte peut ne pas avoir d’incidence sur le potentiel de croissance à long terme. Il est vrai que la guerre a peut être accéléré l’innovation et donc compensé l’impact de la crise de 29 sur le progrès technique.
Une note en bas de page 23 donne un exemple de modification du taux de croissance à long terme : Pour donner une illustration historique de cet effet d’inflexion structurelle sur la croissance, on peut rappeler qu’avant la crise qui a débuté par le choc pétrolier de 1974, la croissance potentielle s’établissait autour de 5% et qu’elle a nettement décroché ensuite, pour se situer autour de 2% dans les années 1980 et 1990.
L’exemple est discutable. Le taux de croissance de 5% des trente glorieuses correspond à un rattrapage de la situation américaine et ne pouvait pas être tenu au même rythme une fois ce rattrapage effectué, crise ou pas crise. On a vu le même phénomène depuis en Allemagne, au Japon, à Taiwan, et on le verra un jour en Chine, qui ne pourra maintenir son taux de croissance de 10% par an quand elle aura rattrapé les USA. On peut observer par contre que le taux obtenu depuis 1980 correspond à une prise de retard progressive sur les USA, alors qu’une croissance un peu plus rapide (de 1% en plus par exemple) paraissait possible.
A observer la croissance française depuis 30 ans, on a le sentiment que le tauyx de croissance potentiel ne cesse de baisser. C’est évidemment un problème majeur pour notre pays, qui mérite donc un article à lui tout seul.
Aujourd’hui, on ne sait pas si l’économie française va connaître prochainement une phase de rattrapage comme illustrés par les scénarios 1 et 2 ; malgré l’augmentation de l’indice du climat des affaires, l’INSEE prévoit pour 2011 une croissance inférieure à son potentiel à long terme, alors qu’on devrait constater au contraire un niveau supérieur à celui-ci. Il est possible que l’INSEE se trompe, comme cela a été de nombreuses fois le cas ces dernières années. Mais il est aussi possible qu’on assiste au même phénomène qu’en 1994/1995, où la reprise avait avorté, avant de rebondir fortement en 97/99
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