Le débat sur le retraites a vu le retour des menteurs et des trompeurs, comme aux plus belles heures du débat constitutionnel. On ne sait pas ce qui est le plus étonnant, que des arguments d’une telle mauvaise foi puissent être mis en avant ou que des gens pourtant bien formés puissent les avaler.
Je ne reviendrais pas ici sur le bien fondé ou non du traité constitutionnel, mais on se souvient comment certains avaient pu développer les arguments les plus mensongers, du type « le traité constitutionnel, c’est la fin du SMIC ou de l’autorisation de l’avortement ». J’avais été frappé par une conversation dans un dîner en ville une semaine après le référendum (donc moins chargée d’enjeux) où j’avais découvert que mon interlocuteur, pourtant bac+5, était tombé des nues quand je lui avais fait remarqué que le budget de l’UE était d ’environ 1% du PIB, lui qui manifestement avait fini par croire que tout se gérait à ce niveau.
Du coté des opposants au projet des retraites, il y a certainement le sentiment que, comme pour le référendum constitutionnel, les élites au pouvoir veulent leur forcer la main en leur affirmant qu’il n’y a pas d’alternative à leur projet.
En réalité, les situations sur ce point sont différentes. Le traité constitutionnel était le résultat d’un très long processus de discussion entre les représentants des 25 (au niveau des Etats comme des parlementaires) et, une fois que ce processus avait fini par aboutir à un compromis accepté par les protagonistes, il n’était effectivement pas cohérent de faire autrement. En réalité, le gouvernement n’avait pas de bonnes raisons de soumettre ce texte à un référendum, sa motivation réelle était de produire de la dissension au sein du Parti Socialiste, ce qui a réussi au-delà de toutes ses espérances.
Dans le cas, de la loi sur les retraites, ce qui n’était guère discutable, c’était la nécessité d’agir, sur un sujet dont personne n’ignore depuis des lustres qu’il est sur la table, et dont les travaux du COR ont clairement précisé les données. Il y avait par contre matière à discussion sur les modalités et le rythme des réformes.
Cependant, il faut bien dire que dans ce débat là, la position unilatérale du gouvernement arrangeait bien les syndicats. L’exemple de la CFDT en 2003 était là pour montrer qu’une position raisonnable et privilégiant la justice sociale et l’intérêt des plus faibles n’était pas payante. Il y avait trop d’intérêts catégoriels en jeu. Il était bien préférable pour les organisations syndicales de canaliser les réactions militantes dans des grandes manifestations.
Cela n’a pas empêché la CFDT de défendre ses convictions, en particulier la proposition d’une convergence des systèmes avec les comptes notionnels comme en Suède. Mais soyons honnêtes : je partage complètement l’avis de la CFDT sur ce sujet, mais la convergence vers la moyenne, cela veut dire certes que ceux qui sont en dessous actuellement au sein du monde salarial vont gagner, mais dans un contexte où la moyenne ne peut qu’être tirée vers le bas, cela veut dire que ceux qui sont au dessus de la moyenne vont perdre. Or, il faut bien dire qu’il s’agit des catégories les plus syndiquées…
En marge du discours syndical, on a vu se développer, en particulier sur Internet (parfois à travers des sites comme Médiapart ou Rue 89 et y compris dans les commentaires sur ce blog) les arguments les plus divers. C’est parmi ceux là qu’on trouve la plus grande mauvaise foi, les plus grands mensonges.
Il est vrai que le discours politique n’a jamais manqué d’approximations, de demi vérités, d’arguments de mauvaise foi, dans tous les partis quels qu’ils soient. Et il est probable que les défenseurs de la réforme en ont produit leur lot. Mais il me semble qu’on est ici dans une autre dimension, celle où ce qui est affirmé devrait frapper comme étant contraire au bon sens toute personne qui a une formation un peu solide. Il n’en est pourtant rien, ce qui veut peut être dire que je me fais des illusions sur la solidité des formations !
Tentons d’en faire un inventaire, évidemment non exhaustif
Le premier argument contre la réforme, consiste à nier qu’il existe un problème de financement.
Par exemple en prétendant que l’espérance de vie ne va plus augmenter dans l’avenir, mais baisser. La preuve ? Pas besoin de preuve ! On sait !
Plus sophistiquée, l’affirmation que le problème de financement est lié à la crise. Ce raisonnement a pourtant pour base d’essayer de faire croire qu’un problème structurel (la diminution à long terme du ratio actifs/ retraités, pour des causes démographiques) a une explication conjoncturelle (on est passé d’un haut de cycle en 2006/ 2007 qui a permis de repousser de quelques années la dégradation inéluctable de la situation, au bas de cycle de 2008/2009 qui au contraire l’anticipe de quelques années) avec l’avantage que l’explication permet d’accuser les méchants que sont les financiers et les banquiers.
Du même genre, l’idée qu’il suffirait d’avoir le plein emploi pour régler le problème. Ce qui sur le court terme est sans doute toujours vrai : jusqu’à présent, les gouvernements n’ont pas laissé creuser les déficits au point qu’un calcul de la situation avec du plein emploi ne puisse déboucher sur des comptes équilibrés. Evidemment, cette situation ne joue une fois de plus que conjoncturellement. Il a donc fallu que le COR fasse ses simulations avec cette hypothèse et montre qu’elle ne suffit pas à compenser l’impact de la démographie. Qu’on n’ait pas réussi depuis maintenant plus de 30 ans à revenir à un chômage de moins de 7% n’est aucunement un frein pour ceux qui proposent de régler la question des retraites par le plein emploi !
Plus anodines (ou proche des demi mensonges les plus classiques) peut être les affirmations selon lesquelles le déficit annoncé en 2050 ne représente finalement pas grand-chose (qu’est ce que 40 milliards aprés tout, le montant total de l’impôt sur le revenu ?) Ce n’est rien quand on omet de dire que c’est avec 30% de baisse des pensions, ou qu’on est prêt à proposer de ne pas indexer les pensions sur la croissance, sans préciser que cela conduit à long terme à précipiter la plupart des retraités dans la pauvreté.
De la mauvaise foi caractérisée, la comparaison de JL Mélenchon entre la part des retraites dans le PIB et la part des retraités dans la population vaut son pesant d’or.
Mais c’est sans doute sur le lien entre retraites et emploi que les opposants les plus virulents ont fait le plus fort.
D’abord en expliquant que l’opération n’a qu’un seul but, baisser les pensions, puisque les futurs retraités sont déjà presque tous chômeurs, et qu’il ne faut surtout pas rappeler que les trimestres de chômage indemnisés sont validés et donnent des points comme les trimestres travaillés.
Mais le plus beau, c’est d’affirme en même temps que les seniors seront sans emploi et que l’opération met les jeunes au chômage en les privant de 1 million d’emplois ! Enfin, en même temps, pas tout à fait : on dit une chose aux seniors et l’autre aux jeunes !
Face à de telles affirmations, dire que l’opération sert uniquement à promouvoir la capitalisation, puisque le frère de Sarkozy a investi en ce sens dès mars 2009, est finalement anecdotique
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