La difficulté à réformer le système des retraites depuis 20 ans va se traduire inéluctablement par une baisse du niveau des pensions, qui vont inciter ceux qui ont des moyens d’épargner à se lancer dans une logique de capitalisation, quel qu’en soit le support. Les opposants aux réformes nourrissent ainsi une tendance à laquelle ils prétendent s’opposer.
Peut on sauver le système de retraite par répartition ? En fait cette question est mal posée, l’existence du système de répartition n’est pas menacée, et il y a belle lurette qu’il existe des systèmes de capitalisation auxquels peuvent souscrire individus ou entreprises.
La vraie question est de savoir si les pensions assurées par le système de répartition sont suffisantes (c’est globalement le cas aujourd’hui avec des retraités qui ont un niveau de vie voisin de celui des actifs) et le seront encore demain, où s’il va falloir les compléter par de la capitalisation en raison d’un montant trop faible. Ce qui poise la question du taux de remplacement.
La notion de taux de remplacement peut connaître des acceptations variés. La toute récente réunion du conseil du COR, le 20 octobre a abordé longuement cette question, déjà examinée dans de nombreux rapports. Il s’agira ici du rapport entre la première pension et le dernier salaire, dans une optique individuelle.
On reprendra ici les deux cas types qu’avait envisagés le COR dans son premier rapport : celui d’un salarié dont le salaire est stable pendant toute sa carrière et celui d’un salarié dont le salaire augmente progressivement pour atteindre en fin de carrière le double de son salaire de départ.
Le montant de la pension de base dépend du salaire moyen tout le long de la carrière (en réalité des 25 meilleures années). Celui de la pension complémentaire également, par l’intermédiaire de l’attribution des points.
Dans le premier cas évoqué plus haut, le salaire de fin de carrière est égal au salaire moyen, alors que dans le dernier cas, il lui est supérieur d’environ 40%.
Admettons que la première pension soit égale à 84% du salaire moyen (c’est un bon ordre de grandeur pour un non cadre) ; dans notre premier cas, ce niveau de pension sera donc égal à 84% du salaire final (puisqu’il est égal au salaire moyen). Le taux de remplacement est donc de 84%
Dans le second cas, le salaire final étant égal à 1.4 fois le salaire moyen et la pension toujours égale à 84% du salaire moyen, le taux de remplacement est donc de 84%/1.4 soit 60%.
Les personnes qui sont dans le premier cas, si elles sont assurées de ce taux, le trouveront à peu près satisfaisant. C’est évidemment moins sûr pour celles qui sont dans le deuxième cas, alors même qu’ayant eu un salaire moyen supérieur aux premières, elles auront également une retraite plus importante. Mais elles se seront habituées à un niveau de vie plus élevé.
Le taux de remplacement peut il évoluer dans le temps ? Probablement si les recettes des caisses de retraite ne suffisent plus à payer les pensions au même niveau que précédemment. Dans le cas des retraites complémentaires, cela se fait quasi automatiquement à travers une évolution plus faible que l’inflation de la valeur du point. L’Agirc Arco peut également augmenter le taux d’appel ou le prix du point. Dans les deux cas, cela conduit à attribuer un nombre plus faible de points pour un même montant de cotisations. Jouer sur la valeur du point a un effet immédiat, jouer sur le taux d’appel ou le prix du point a un effet à long terme. On peut constater que l’Agirc Arcco joue sur les deux.
Si le rapport entre le nombre de pensionnés et le nombre de cotisants augmente et qu’on ne joue pas sur le taux de cotisation (déjà supérieur à 25%), les pensions versées vont être plus faibles, le taux de remplacement va baisser. C’est clairement ce qui se passe en l’absence de réforme des retraites. L’augmentation de la durée de vie a évidemment cet impact, mais celui-ci a été amoindri jusqu’en 2005 parce que les cohortes nées avant 1945 étaient peu nombreuses. Avec l’arrivée des enfants du baby boom, le nombre de plus de 60 ans augmente vite, le ratio pensionnés/ cotisant augmente plus vite qu’avant et le niveau des pensions diminue en l’absence de réforme.
En augmentant l’âge de départ à la retraite, on modifie à la baisse le ratio pensionnés/ cotisants. Avec une augmentation de 2 mois par an de cet âge, on compense à peu prés l’augmentation de l’espérance de vie, en période normale. Dans notre période de papy boom, il faut sans doute une augmentation plus rapide.
Les très vives réactions enregistrées depuis 15 ans chaque fois qu’on touche au système de retraite n’incitent pas les réformateurs à être ambitieux dans leurs réformes (et les opposants ont ensuite le front de reprocher que celles-ci ne règlent pas la situation après 2020).
En clair, les taux de remplacement de 84 et 60% évoqués plus haut pourraient très bien passer à 72 et 51% dans quelques lustres, la réforme qui vient d’être votée permettant de limiter la baisse à 78 et 55% (ces chiffres ne sont que des exemples).
L’incitation à trouver des solutions complémentaires pour ceux dont le taux de remplacement est bas (ceux dont le salaire progresse nettement durant leur carrière) pourrait donc être de plus en plus forte, non pas à cause de la réforme, mais malgré celle-ci.
Ceux qui prétendent que la présente réforme prépare la capitalisation sont donc de mauvaise foi, d’autant plus si en réalité ils sont opposés à toute réforme.
On en trouve cependant pour le faire, et pour donner comme preuve (comme chacun sait, pour les complotistes une coïncidence est une preuve) le fait que le propre frère du président de la république Guillaume Sarkozy soit en train de monter entre son groupe Malakoff Médéric et la Caisse des dépôts une filiale chargée de vendre des produits de capitalisation.
Ce type de produits existe depuis déjà longtemps ? Cela ne les gêne pas. Tous les groupes d’assurance en proposent ils ? Les mutuelles ont développés des produits remplissant les conditions du Perco bien avant la présente réforme ? Cela manifestement ne leur pose pas question.
Faire des deux entreprises concernées des symboles du capitalisme le plus débridé est assez comique finalement : la Caisse Des Dépôts est le bras armé de l’État pour intervenir dans l’économie et Malakoff Médéric est une mutuelle dont on lira ci-dessous la manière dont elle se présente sur son site :
Malakoff Médéric est un Groupe paritaire et mutualiste, non lucratif. Sa gouvernance est assurée par des représentants des employeurs et des 5 grandes confédérations syndicales de salariés (CGT, CGT-FO, CFE-CGC, CFDT et CFTC), avec pour objectif de garantir aux entreprises la meilleure protection pour leurs salariés et leurs familles.
Mais quand on a une grille de lecture complètement idéologique, on ne voit que ce qu’on a envie de voir !
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