Le dossier des retraites donne lieu aux commentaires les plus excessifs, mais la tribune du président du Front de Gauche dans Libération de vendredi est dans le domaine un magnifique exemple de mauvaise foi, de la part d’un ancien ministre et sénateur qui ne peut plaider l’ignorance.
Mélenchon fait feu de tous bois pour déconsidérer les travaux du COR dont les conclusions ont le mauvais goût de montrer qu’il y a un énorme problème de financement des retraites.
Impossibilité de prévoir à si long terme, remise en cause des hypothèses faites, tout y passe. Ce qui permet évidemment d’écrire des énormités ; par exemple, il aurait été impossible en 1970 de « prédire des événements tels que la disparition du camp socialiste, la réintégration dans l’économie de marché de 100% de la population humaine, la révolution informatique, le recours massif à l’énergie nucléaire, l’existence d’une industrie spatiale et des technologies de la communication » ?
On se demande bien sûr quel est le rapport entre la disparition du camp socialiste et le dossier des retraites mais bon…il faudra peut être aussi expliquer à Mr Mélenchon que l’informatique n’a pas été inventée en 1980 (mon père était responsable du service informatique de sa boite à partir de 1959 !) et que le plus gros du parc nucléaire français a justement été construit dans les années 70 ! Jean Luc, pour montrer que la prévision est impossible, il aurait mieux valu prendre d’autres exemples !
L’ancien
sénateur discute aussi les hypothèses prises. La tentation des conservateurs
comme lui est toujours de choisir les hypothèses qui les arrangent. C’est ainsi
que depuis dix ans le COR fonde certaines prévisions sur une hypothèse de 4.5%
de taux de chômage, taux que notre pays n’a malheureusement pas connu ni même
approché depuis plus de 30 ans !
Mais l’affirmation qui m’a fait le plus bondir par son
caractère volontairement mensonger est celle-ci : « Aujourd’hui, si la
population des plus de 60 ans représente 22,6% de la population
générale, la part de leurs retraites dans les richesses produites est
de 13,3 % : cela veut dire que la population concernée prélève
moins que sa part dans la population générale ».
Évidemment, comme d’habitude quand on veut faire un gros mensonge, le député européen part de chiffres justes (ou à peu près ) sur la part des + de 60 ans et des retraites Passons sur le fait que les liquidations de retraites se font à environ 61,5 ans : le gros du mensonge n’est pas là.
Mélenchon fait implicitement
croire à ses lecteurs que la part de la richesse produite qui ne va pas dans
les retraites est distribuée totalement aux autres générations. Évidemment il
n’en est rien.
Une partie des richesses
produites part en produits financiers, pour les actionnaires mais de façon très
importante pour ceux qui ont des placements en livrets et assurance vie divers.
Et on sait que la richesse moyenne augmentant avec l’âge, ce sont surtout les
personnes âgées qui bénéficient de ce genre de revenus.
Une autre partie de la richesse produite est utilisée pour des services collectifs : piscine, routes, police etc. Les retraités en bénéficient comme les autres.
Enfin, une partie non négligeable
de la richesse produite est consacrée aux dépenses de santé. On sait que ces
dépenses augmentent avec l’âge, et que ce sont donc les retraités qui en
bénéficient le plus.
Qu’en est il au final ? Sans
entrer dans la manière dont les générations bénéficient différemment des
services collectifs, y compris de
santé, le COR a donné récemment des éléments de comparaison du revenu des
actifs et des retraités. Et il a montré que si l’on prend les seuls retraites,
le ratio entre le revenu des retraités et celui des actifs est de 0 91 (le plus
élevé de tous les pays développés) et qu’il dépasse 1 si l’on prend en compte
les revenus du patrimoine
Ces données étant celles du
rapport du COR du début de l’année, il est plus que probable que le président
du Front de Gauche les connaît bien. Il fait donc preuve d’une grande
malhonnêteté intellectuelle, et il est malhonnête vis-à-vis de ses lecteurs,
qui tombent dans le panneau si l’on en croit les réactions des lecteurs. Mais il ne
s’arrête pas en si bon chemin, puisqu’il continue avec la phrase
suivante : « Trois points de plus ne modifieraient pas beaucoup ce
déséquilibre ! »
En réalité, il ne s’agit pas de faire passer de 13.3% à 16,3% la richesses attribuée aux 22,6% de retraités, comme le laisse ainsi supposer l’ancien sénateur. Le problème est que les plus de 60 ans seront nettement plus nombreux en 2050 qu’aujourd’hui. Un problème que Mélenchon ne veux surtout pas voir, pour pouvoir nier le besoin de réformes.
Particulièrement malhonnête et mensonger, donc.
Les commentaires récents