60% de ceux qui prennent leur retraite sont au chômage peut on lire dans certains argumentaires opposés à la réforme qui vient- d’être votée. C’est manifestement faux, mais quel peut bien être le chiffre réel, et par quel mécanisme produit on tous ces chômeurs ?
Si l’on admet que les employés de la fonction publique ne passent pas par la case chômage avant de partir en retraite, le taux de 60% cité plus haut ne laisserait que 15% des effectifs totaux pour les salariés du privé toujours au travail au moment de faire valoir leurs droits à la retraite. C’est manifestement impossible.
D’où sort donc ce chiffre ? On le trouve dans un article de Médiapart, sous la plume de deux dirigeants de la CGT qui affirment que « Six salariés sur dix ne sont déjà plus au travail au moment de liquider leurs droits à la retraite. » Evidemment, ceux qui ont repris cette information n’ont pas lu la suite : La plupart sont au chômage, les autres en longue maladie ou en invalidité.
Mais même avec cette restriction, le chiffre annoncé parait toujours trop élevé. Dans le Monde daté de jeudi 28, Anne Marie Guillemard, sociologue qui étudie la question depuis longtemps, note que 40% de ceux qui font valoir leur droit à la retraite ne sont plus en activité. Cela parait plus raisonnable, ce qui ne prouve pas que cela soit vrai !
N’ayant pas trouvé le chiffre réel dans une source sure, je me suis mis en tête de le calculer ou du moins de l’estimer, ce que la DARES va nous fournir, à travers les résultats de l’enquête sur les mouvements de main d’œuvre.
On découvre ainsi qu’en 2008, le taux annuel d’entrée dans les entreprises de plus de 10 salariés pour les 50 ans et plus était de 19.6% et le taux de sorties de 29.0, soit une différence de 9.4% ce qui parait cohérent avec la dizaine d’année entre 50 ans et l’âge de fin de carrière (tous les actifs finissant par partir, les 10 années environ à 9.4% me donnent bien 100%).
Le taux de départ en retraite étant de 6.5% à comparer à ces 9.4%, il y a chaque année 2.9% des actifs de 50 ans et plus dont la fin de carrière se fait autrement que par le départ en retraite, soit rapporté à nos 9.4%, une proportion de 31% de personnes passés par la case chômage avant de faire valoir leurs droits à la retraite.
En 2007, la différence entre entrées et sorties était de 9% seulement les départs à la retraite de 6.9% soit un solde de 2.1% et un taux de 23%.
23 ou 31 %, ce sont en tous les cas des taux élevés au regard d’un taux de chômage de 6% en moyenne pour les seniors ! Comment l’expliquer ?
Il y a bien sur des chômeurs de longue durée, en proportion plus importante chez les seniors que chez les jeunes. Il y a aussi des personnes qui perdent leur emploi (par exemple par une fin de CDD) et qui se trouvant à quelques mois de l’âge de leur retraite, décident d’attendre celle-ci, ou ce qui revient au même, ne cherchent que modérément un nouveau travail, surtout quand tout les y incite, et en premier Pôle emploi avec sa dispense de recherche d’emploi.
Et puis il y a ceux qui dans le cadre d’un plan de volontariat ou d’une rupture conventionnelle, décident de quitter leur emploi en comptant sur l’UNEDIC pour financer le temps qui leur reste avant de pouvoir ouvrir leurs droits à la retraite, ce qui peut aller sans dommage pour eux à 36 mois.
Quel est la part de chacune de ces situations? Difficile à dire bien sur. Les licenciements représentent en 2008 un taux annuel de sortie de 3.4%, soit plus que les 2.9% d’actifs en fin de carrière avant la retraite. Certains licenciés retrouvent évidemment du travail. D’autres sont licenciés à un âge où le temps qui les sépare de l’âge où ils peuvent faire valoir leurs droits à la retraite est égal ou inférieur à la durée de 36 mois de couverture par les Assedic : ils ne sont pas très incités à chercher un travail, d’autant plus qu’ils pouvaient bénéficier de la DRE.
On pourrait en déduire qu’environ 30% (3 ans sur 10 ans) des licenciés de plus de 50 ans finissent leur carrière ainsi
C’est négliger les caractéristiques des plans sociaux (1200 par an au moins). Ceux-ci peuvent être liés à une fermeture de site ou une faillite. Dans ce cas, tous les salariés sont licenciés, quel que soit leur âge
Mais beaucoup de PSE ne concernent qu’une partie de l’effectif et se traduisent par un plan de volontariat. Les licenciés ont choisi de profiter des indemnités de licenciement pour partir, soit parce qu’ils ont trouvés un autre travail ailleurs, soit parce qu’ils ont « un projet personnel », par exemple celui d’attendre la retraite s’ils ont à moins de 3 ans de celle-ci. Dans l'entreprise concernée, des salariés de 30 ou 40 ans vont profiter de l'occasion pour aller rebondir ailleurs, ceux de 50 ans ne vont surtout pas bouger car le marché du travail ne leur est pas favorable, et ceux de 57 ans et plus (sauf des cadres ayant commencé à travaillé à plus de 20 ans) vont se précipiter. Les DRH estiment que dans les plans sociaux, au moins 95% des plus de 57 ans ayant droit à la retraite à 60 ans sont volontaires pour un "projet personnel".
Les licenciés qui vont attendre la retraite sont donc plus nombreux que les 30% évoqués ci-dessus. S’ils sont 50%, soit la moitié des 3.4% des effectifs licenciés en 2007, cela représente 1.7% des effectifs
Il nous resterait alors à en expliquer 2.9 – 1.7 soit 1.2%
Il y a aussi les ruptures conventionnelles, soit près de 20 000 par mois en 2010. Au premier semestre 2009, 13% des ruptures conventionnelles concernent des salariés de plus de 55 ans, ce qui ferait environ 30 000 salariés de plus de 55 ans ayant choisi de quitter son entreprise avec une couverture Assedic, et dont on s’imagine qu’une grande partie est en retraite déguisée. Ce serait donc le mode de fin de carrière d’environ 5% des seniors. Mais peut être cela diminue t-il d’autant les licenciements ;
De tous ces calculs ont peut déduire
Selon les années, c’est entre 23 et 31% des départs en retraite qui concernent des chômeurs
Une partie de ceux là ont choisi de devenir chômeurs en attendant la retraite, en échange d’indemnités de licenciement ou de rupture.
Le solde se situe sans doute entre 5 et 15%, probablement autour de 10%, une partie étant des chômeurs de longue durée. C’est trop, mais on est évidemment très loin des 60% souvent avancés
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