Les jeunes étudiants et lycéens sont dans la rue pour contester une réforme des retraites qui pourrait les concerner dans les années 2050 ou 2060, si tant est qu’on puisse prévoir ce qui se passera à cette époque là. Un rite initiatique, peut être mais aussi révélateur des évolutions de la jeunesse.
Pourquoi un jeune croirait il un politicien venu lui expliquer que lui promettre deux ans de travail de plus est pour son bien, alors que aucun politicien n’est réellement capable de prédire quelles seront les règles du départ en retraite dans 50 ans ?
Mieux vaut faire confiance aux militants qui vous expliquent que la réforme, c’est un million d’emplois en moins pour les jeunes (parce que cela fait un million de seniors en poste en plus, imagine t-on), après avoir raconté partout que la réforme n’a pour seul but que de baisser les pensions, puisque les seniors seront au chômage deux ans de plus, et perdront ainsi leurs droits.
Plutôt que de s’énerver face à la mauvaise foi, mieux vaut lire Denis Colombi expliquer ce que les jeunes cherchent dans les manifestations : « Aller battre le pavé, c'est un moyen pour les jeunes de "reprendre la main" sur leur propre vie, de s'extraire, quelques heures durant, d'une institution où leur pouvoir est extrêmement limité, pour faire preuve de leur indépendance, de leur liberté et de leur autonomie. »
Ma fille a eu la chance de fréquenter une école primaire où il était normal, quand on ne savait pas écrire un mot, de se lever de sa place pour aller consulter un dictionnaire. Si on se décidait un jour à enfin se poser des questions sur le fonctionnement de la relation scolaire en France, on pourrait peut être arriver à ce que la plupart des enfants français, se mettent enfin à imiter ceux des autres pays et à aimer l’école !
Les jeunes actuels partiront ils en retraite plus tard que ceux qui ont 55 ans aujourd’hui, certainement, surtout si la date de départ dépend du nombre de trimestres validés, puisque les jeunes font des études plus longues que leurs aînés, et qu’ils peinent à trouver du travail. Peut être même que l’INSEE peut nous informer sur le sujet.
Dans un numéro paru en 2004 mais qui portait sur une enquête menée en 2004, on trouve(page 19) un graphique qui donne l’âge moyen des jeunes en fin d’études selon les générations.
Une première surprise en regardant ce graphique qui distingue les hommes et les femmes : les secondes finissaient leur scolarité près d’un an plus tôt que les hommes il y a 60 ans, et les poussent au contraire près d’une demi année plus tard aujourd’hui, le croisement des deux courbes ayant eu lieu pour la génération née entre 1940 et 1949.
La courbe montre une augmentation constante de l’âge de fin d’étude, mais pas tout à fait régulière : l’accroissement se fait plus rapide pour les jeunes nés dans les années 35/45 et on comprend que le report à 16 ans de la fin de scolarité, décidé en 1959 pour les jeunes nés après 1953 n’a fait qu’entériner un état de fait. L’accroissement se fait en effet un peu plus lent pour les jeunes nés dans les années 50. On peut en dire autant du slogan des années 80 « 80% de la génération au niveau bac » puisqu’on note un nouveau ralentissement pour ceux qui sont nés à partir de 1965.
Sur l’ensemble de la période de 60 ans décrite, l’âge de fin d’étude des femmes sera passé de 14 à 19.8 ans, soit pratiquement un gain d’une année par décennie, le gain pour les hommes (de 14.9 à 19.4) étant un peu plus faible. Le rythme s’étant un peu ralenti avec le temps, on peut calculer que les jeunes actuellement en formation initiale finiront leurs études environ 2 à 3 ans plus tard que leurs aînés de 40 ans.
A cela, on est tenté de rajouter une période de précarité plus ou moins longue, parfois en oubliant au passage que les périodes de chômage sont validées si elles sont indemnisées ce qui n’est certes pas le cas si elles ont lieu avant même le premier travail. Et cela tombe bien, l’INSEE, bonne fille, nous donne des informations sur le taux d’emploi des jeunes de 15 à 24 ans par sexe, depuis 1975 !
En 1975, ce taux d’emploi est de 57.1% pour les hommes et de 45.7% pour les femmes. La différence entre sexe ne reflète pas de différence de durée d’études (d’autant plus que les hommes ont le service militaire), mais une sous activité des femmes qui restent au foyer : la même année, le taux d’emploi chez les 24/49 ans est de 95.5% chez les hommes et de 57.5% chez les femmes.
De 1975 à 1997, le taux d’emploi des jeunes diminue très régulièrement, pour atteindre un point bas à 28.7% pour les hommes et 21.5% pour les femmes. Comme on l’a vu plus haut, entre-temps la durée des études a augmenté et celle des femmes dépasse désormais celle des hommes.
A partir de 1979, le taux d’emploi des 15/24 ans se met à augmenter. Il atteint un maximum de 32.6% en 2001 pour les hommes, avant de re diminuer à 30.6% en 2006. Il est de 31.5% en 2008.
On est tenté de voir dans la suppression du service militaire une explication à ce changement, puisque ce changement est voté fin 1997. Mais il faut dire en réalité que le phénomène est identique pour les femmes, dont le taux d’emploi remonte à 29.2% en 2001, pour se retrouver à 26.8% en 2006 et 28.7% en 2008.
S’il est probable que l’augmentation de la durée d’étude s’est fortement ralentie, on voit ainsi l’impact de la reprise économique et de la diminution du taux de chômage qu’on a connu depuis 1997.
De 1997 à 2008, le gain est plus fort chez les hommes de 15/24 ans que pour ceux de 25/49 ans. Il est probable qu’il y ait un effet spécifique des mesures pour les non qualifiés, qui ont profité aux jeunes sans expérience. Par contre, chez les femmes, le gain de 1997 à 2008 est de +4.4% pour les 15/24 ans et de 7.2% de 25/49 ans. Faute d’autres explications, on peut supposer que les femmes continuent à faire des études de plus en plus longues.
Avec la crise actuelle, le taux d’emploi des jeunes est sans doute en baisse, comme entre 2001 et 2006. Cela inquiète certainement les jeunes, bien qu’il soit impossible de se projeter sur ce que sera la situation pour les lycéens actuels quand ils finiront leurs études (à des âges différents selon les cas) mais on peut comprendre que l’inquiétude soit plus marquée dans les lycées techniques que dans les autres.
D’autant plus que l’impact théorique du projet change selon l’âge de fin d’étude
Un jeune finissant ses études à 18 ans et 1 jour, devait travailler jusqu’à 60 ans avec le système actuel, soit près de 42 ans de cotisation. Il devra le faire deux ans de plus avec la nouvelle loi.
Un jeune finissant ses études à 21 ans, devait travailler jusqu’à 62 ans avec le système actuel, pour respecter les 164 trimestres de cotisation. Il pourra toujours le faire avec la nouvelle loi. La seule chose qu’il perd, c’est la possibilité de partir à 60 ans avec une décote.
Il est vrai qu’en 2009, on a fait passer la durée de cotisation nécessaire de 160 à 164 trimestres pour ceux nés à partir de 1952 et qu’il n’y a guère eu de réactions !
PS : comment faut il interpréter la page complète que fait le Monde sur un proviseur dont le lycée dans le IVème est bloqué, le journal mettant en exergue cette phrase « ceux qui bloquent, ce sont surtout lés élèves les plus nantis, qui n’ont pas grand-chose à perdre » (contrairement aux 40% de boursiers) ?
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