Il se dit tant d’âneries sur la retraite de ceux qui ont été chômeurs que j’ai voulu en savoir plus sur un dossier qui se révèle à l’enquête effectivement compliqué, mais qui ne contient évidemment pas tous les ingrédients que les adversaires du projet de réforme des retraites voudraient lui faire porter.
En première analyse, les périodes de chômage indemnisé ouvrent les mêmes droits à la retraite que les périodes de travail. Il n’en est pas de même pour les périodes non indemnisées. Mais entrons un peu plus dans le détail.
La première chose indispensable à, faire quand on aborde le sujet, c’est de distinguer les deux principaux étages de la retraite que sont la retraite dite de base, gérée par la CNAV pour le régime général, et la retraite dite complémentaire, gérée pour l’essentiel dans le cadre de l’AGIRC ARCO. Comme on le voit, on parle ici des salariés du privé.
Le montant de la pension de base est le produit de la multiplication de trois données : le taux de liquidation, le nombre de trimestres validés et le salaire obtenu pendant les 25 meilleures années (dans la limite du plafond de la sécu).
Le montant de la ou des retraites complémentaires est le plus souvent le produit d’un nombre de points accumulés et du prix du point.
Le travail, mais aussi certaines périodes de chômage et de maladie conduisent à accumuler des trimestres dans le régime de base et des points dans les régimes complémentaires.
Deuxième distinction à faire, celle des périodes de chômage : celles avant le premier emploi, celles qui sont indemnisées, et celles qui ne le sont pas, pour ce qu’on appelle les « fins de droits ». Un statut particulier doit être donné aux périodes pendant lesquelles des personnes sont retirées du marché du travail, pour un congé parental par exemple : nous ne les aborderons pas ici.
Revenons donc au régime de base.
On a vu que son montant dépend de ce qu’on appelle le taux de liquidation. Ce taux est normalement de 50% pour ceux qui ont accumulé suffisamment de trimestres pour avoir droit à ce qui est appelé la retraite à taux plein. Il existe une décote pour ceux qui liquident leur retraite sans avoir les trimestres nécessaires, et une surcote pour ceux qui vont au-delà.
Ceux qui partent à 65 ans (ou 67 ans quand la réforme sera appliquée) bénéficient d’un taux plein, même s’ils n’ont pas suffisamment de trimestres. Cette disposition bénéficie pour part à des personnes qui sont entrées dans la vie active à un âge avancé pour cause d’études (et à qui il ne manque pas beaucoup de trimestres) et à ceux qui ont eu une carrière longuement interrompue, les femmes restées au foyer avant tout et toute une série de cas particuliers. A ceux et celles là, il peut manquer beaucoup de trimestres, et le passage de 65 ans à 67 ans sera implacable.
Pour ceux qui partent avant 65 ans, le manque de trimestres se traduit par un taux inférieur à 50% Cette décote de 1.25 point par trimestre pour les personnes nées avant 1944, sera ramenée progressivement à 0.625 pour un assuré né après 1952. Elle s’applique au maximum sur 25 trimestres.
Reprenons ce qu’explique le GIP Info retraite :
« Tous les trimestres durant lesquels vous avez été indemnisé par un régime d'assurance-chômage sont pris en compte pour le calcul de votre durée d'assurance. Ces périodes sont donc assimilées à des trimestres d'assurance pour la détermination de vos droits à retraite.
Ceci vaut pour l'assurance-chômage (allocations de chômage calculées sur la base de votre salaire d'activité), comme pour les prestations dites "de solidarité" (telle l'allocation spécifique de solidarité).
Dans le régime général, par exemple, il est validé un trimestre par période de 50 jours d'indemnisation chômage, dans la limite de 4 trimestres d'assurance par année civile.
En revanche, ces "trimestres assimilés" ne sont pas pris en compte pour le calcul d'un éventuel droit à un départ en retraite anticipé (avant l'âge légal de la retraite), sauf pour la condition de durée d'assurance validée (168 trimestres). »
Pour les périodes non indemnisées, la prise en compte existe aussi, mais elle est limitée à 4 trimestres dans le cas le plus courant. Par exception pour les chômeurs de plus de 55 ans ayant cotisé au moins pendant 20 ans, la période prise en compte va jusqu’à 20 trimestres.
Comme on le voit, le système est très protecteur. Peu de chômeurs vont passer de manière importante entre les mailles du filet. Dans les exceptions, on trouvera certainement des femmes qui seront restées longtemps au chômage sans qu’on sache très bien si cette réalité était subie ou non.
Si maintenant on aborde la question du régime complémentaire, on constate qu’il ne prévoit rien pour les périodes de chômage non indemnisées. Pour les périodes indemnisées, le GIP info retraite précise :
« Dans les régimes complémentaires (comme les caisses Arrco et Agirc), les périodes de chômage indemnisées donnent généralement lieu à l'attribution de points, sous réserve que vous ayez cotisé auprès d'une caisse complémentaire avant la rupture du contrat de travail. Les points ainsi attribués sont calculés sur la base d'un "salaire journalier de référence" (votre dernière année de salaire, divisée par 365). »
Pour ces périodes, mais pour ces périodes seulement, la couverture est donc excellente.
Au bout de cette analyse, il est donc faux de prétendre que la nouvelle loi sur les retraites va affecter en priorité les chômeurs ;
Il y a cependant à court terme plusieurs dizaines de milliers de victimes potentielles.
En effet, comme je l’ai déjà souvent écrit, il y a un nombre important de seniors qui acceptent un départ de leur entreprise (sous forme de rupture conventionnelle ou dans le cadre d’un PSE) avec la ferme intention de ne pas chercher de travail. S’ils partent à 57 ans, ils ont droit à 36 mois d’allocations chômage, avec tous les droit à la retraite correspondants. Et à 60 ans, ils font valoir leurs droits à la retraite Jusqu’il y a peu, ils comptaient sur la dispense de recherche d’emploi, et se comportait de fait comme des retraités.
Ceux qui ont fait ce choix il y a un ou deux ans vont se retrouver à devoir attendre 4 ou 8 mois de plus pour faire valoir leur droit à la retraite, et s’ils ont calculé trop juste, ils vont se retrouver pendant ces mois là chômeurs non indemnisés. Le fait qu’ils puissent être plus de 50 000 montre à quel point les choix de départ se font en fonction des calculs évoqués ci-dessus.
Les commentaires récents