Au-delà des raisons d’opportunité liées à la situation d’Eric Woerth, les initiatives estivales du Président et de son ministre à propos des Roms et des jeunes d’origine étrangère procèdent de deux convictions : une conviction d’efficacité concernant la lutte contre la délinquance, que je ne partage absolument pas et sur laquelle je reviendrais prochainement, et une conviction politique, que cela correspond à une attente de l’opinion, à droite bien sûr, mais pas seulement.
Il existe parmi les électeurs et
les militants de la droite
traditionnelle, de nombreuses personnes pour juger très sévèrement le
comportement des mendiant(e)s d’origine roumaines ou des loubards d’origine
maghrébine et pour généraliser ce jugement négatif à l’ensemble (ou presque)
des communautés correspondantes, ou au moins à penser que les membres de
celles-ci ont très souvent le même comportement.
Aller dans le sens de ce
sentiment à l’occasion de faits divers spectaculaires, à Grenoble et à Saint
Aignan, était donc non seulement tentant, mais presque difficile à ne pas faire
vis-à-vis de ces électeurs là, qui attendent du gouvernement un discours du genre
de celui qui a été tenu. Les sondages ont souvent montré que de telles opinions
étaient répandues largement au-delà des électeurs du Front National, y compris
par des gens qui n’imagineraient pas une seconde voter pour Jean Marie le Pen
ou pour sa fille.
Jusqu’à l’élection de Nicolas
Sarkozy, les gouvernements de droite avaient plus ou moins résisté à la
tentation (on se souvient des bruits et des odeurs de Jacques Chirac).
Probablement par conscience du risque d’entraînement d’une telle attitude,
pouvant légitimer toutes les dérives. Mais aussi à cause du poids dans
l’électorat, les militants et les élus de droite, de la composante chrétienne,
essentiellement catholique.
C’est certainement cette composante qui a été le principal blocage a toute éventualité d’alliance avec le Front National, quand la gauche a rarement hésité à faire appel aux suffrages de l’extrême gauche et à caresser celle-ci dans le sens du poil. Et les récentes réactions de l’Eglise montrent que celle-ci n’a pas changé d’avis.
Ce qui s’est passé cet été est
peut être révélateur de l’affaiblissement profond de cette composante de la
droite, ou au moins de l’évaluation qu’en fait le pouvoir (mais celui-ci n’est
pas si mal renseigné probablement).
A cela, me semble t-il deux
raisons.
La première tient aux effectifs
des catholiques. Si la baisse du nombre de pratiquants est peut être enrayée, à
un niveau bas mais avec des gens convaincus, ceux qui se déclarent chrétiens
mais non pratiquants sont probablement de plus en plus éloignés de l’Eglise,
dont ils ne savent finalement pas grand-chose.
Le deuxième tient à la
disparition de l’UDF. Quand celle-ci pesait presque autant que son partenaire
au sein de la droite (avant la création de l’UMP), quand ensuite l’UDF
réunissait 12 % des suffrages, il y avait une force organisée pour exprimer un point de
vue raisonnable, sans compter celui d’une partie des députés gaullistes.
Le choix de François Bayrou en
2007 de fonder le Modem et de ne pas renouveler l’accord électoral avec l’UMP
se paye sur ce point cher. S’il avait négocié avec le candidat de l’UMP entre
les deux tours de la présidentielle, nul doute qu’il aurait pu obtenir une
centaine d’élus et peser ensuite sur le discours sécuritaire et sur la gestion
du déficit, quand le Nouveau Centre semble inaudible. Il a fait un autre choix,
qui pour l’instant s’est révélé malheureux.Et lui aussi semble inaudible sur le sujet aujourd'hui.
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