L’exemple des salaires montre la persistance de l’inégalité entre les sexes, qui se traduit par de nombreuses injustices envers les femmes. D’où viennent ces inégalités, de la culture uniquement ou y a-t-il une explication génétique ?
Que la culture (ou disons l’acquis) puisse jouer un rôle, au moins de renforcement, dans l’affaire, il est difficile de le nier. De là à estimer que l’inné ne joue aucun rôle, il y a un pas que je refuse de franchir : je crois au contraire que l’inné est important dans ce domaine, et surtout que ce n’est pas en le niant qu’on réduira ou supprimera les injustices évoquées plus haut.
Il est vrai que comme beaucoup de ceux qui étaient jeunes en 1968, j’ai été sensible aux arguments de ceux (une auteur en particulier dont je n’ai pu souvenir du nom de l’œuvre) qui pointaient le rôle de l’éducation, dans la réplication des rôles dans lesquels étaient enfermées les femmes. En offrant des poupées et des dînettes à leurs filles, des voitures et des ballons à leurs garçons, les parents orientaient fortement les goûts futurs de leurs enfants.
Fort de ces convictions, je me suis retrouvé père à mon tour, et j’ai pu observer mes enfants, les neveux et nièces et les enfants de mes amis. Et j’ai vite changé d’avis !
Bien sûr, l’éducation que l’on donne joue un rôle, mais les enfants ne sont pas une pâte à modeler dont on peut faire ce qu’on veut : ils ont leur propre personnalité, et il faut aussi faire avec !
Et dans cette personnalité, le fait est qu’il y a des traits plus masculins et d’autres plus féminins, ce n’est pas une invention culturelle, mais un caractère inné. Un caractère inné qui peut être accentué ou limité par l’éducation.
Ce que les réflexions sur le rôle de l’éducation ont apporté de plus intéressant, c’est d’abord le constat que chacun peut avoir des traits plus ou moins masculins ou féminins, et qu’il n’y a aucune raison de s’offusquer qu’une fille préfère jouer à la poupée qu’au ballon, ou qu’un garçon répugne aux armes à feu !
Ces réflexions ont aussi permis d’être plus attentifs aux comportements éducatifs qui peuvent accentuer ou réduire des tendances naturelles inégalitaires, comme le montre cette expérience suédoise dont j’ai déjà parlé. Car si l’inné garde une grande importance, l’homme est celui qui a la plus grande capacité d’apprentissage et d’adaptation dans le monde animal.
Reconnaître l’importance de l’inné, ce n’est pas une raison pour accepter l’inexcusable, c’est un moyen de regarder la réalité des risques pour justement mieux cibler ce qui peut être fait.
Pourquoi cependant, tant de gens, comme cette collègue qui a suscite la présente réflexion, refusent ils d’accepter le rôle de l’inné ?
Il me semble qu’il y a d’abord une réaction saine contre des théories racistes qui voulaient tout expliquer (et en particulier l’infériorité supposée d’un autre peuple) par la génétique. Autre point positif, l’importance donnée à l’éducation. Et bien sûr, au final, une réaction au scandale que constitue la domination masculine, et certaines de ses formes les plus odieuses.
Il est cependant curieux de voir que ce refus de caractères féminins et masculins innés est souvent associé à l’adhésion à la pensée de JJ Rousseau sur « l’homme est bon mais la société le pervertit », pensée dont j’ai écrit ici tout le mal qu’elle m’inspire. Bien sur il y a une certaine cohérence : même importance donnée à l’éducation, même refus de croire que la violence et le mal en général puissent être innés. Mais la lecture de l’œuvre de Rousseau montre un affreux misogyne, contrairement à ce que pouvait être un Voltaire par exemple.
Pour finir, rappelons quelques idées issues du livre de Pascal Picq, « l’homme, le sexe et l’évolution » dont j’ai parlé l’an dernier. Le paléo anthropologue constate qu’à la différence des grands singes, l’exogamie se fait chez les hommes par départ de la femme. Il constate aussi que la domination masculine est une spécificité humaine, que ne peut expliquer un dimorphisme sexuel plus important que chez le chimpanzé mais plus faible que chez le gorille. Malheureusement, il ne dit pas pourquoi cette caractéristique spécifique à l’espèce humaine a été associée à son évolution, ni même si elle a joué ou non un rôle dans la « réussite » de l’espèce. Comme quoi, il reste beaucoup à chercher !
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