Il n’y a pas besoin de vilains spéculateurs pour qu’un emprunteur se trouve au bord de la cessation de paiement, pour une raison finalement assez simple : comme le montre le cas de la Grèce aujourd’hui, la capacité d’emprunt d’un État comme d’un particulier ou d’une entreprise n’est pas illimitée.
La Grèce a une dette publique dont le montant est supérieur à son PIB annuel et son déficit budgétaire dépasse 10% de son PIB. Au-delà de ces chiffres, regardons ce que cela représente concrètement.
La dette
accumulée est évidemment le fruit des déficits précédents. Pour couvrir la
différence entre ses dépenses et ses recettes, la Grèce a fait appel à ceux qui
avaient de l’argent à prêter, en particulier des banques. Elle a donc émis des
emprunts, qui se caractérisaient généralement par le versement d’un intérêt annuel proportionnel au montant emprunté
et à un taux d’intérêt, et par une durée au-delà duquel le montant emprunté est
remboursé.
Comme ses dépenses restent supérieures à ses recettes, elle ne peut se servir des économies réalisées pour rembourser : en fait, elle réalise régulièrement de nouveaux emprunts pour rembourser les précédents. La France et les pays endettés font évidemment de même.
Dans le cas de la Grèce, le besoin d’emprunt dépend de la durée des prêts précédents à rembourser. Si ceux-ci sont en moyenne de 10 ans (ce qui est déjà beaucoup), un pays comme le Grèce se retrouve avec pratiquement 1% de son PIB à trouver tous mes mois pour rembourser les vieux emprunts. Son déficit actuel est tel qu’il lui faut trouver environ 1% mensuel supplémentaire pour financer son déficit. Ne plus trouver de nouveaux financeurs, (ou des anciens qui remettent au pot), c’est se trouver en situation de ne pas pouvoir assurer ses fins de mois !
Les prêteurs sont plutôt enclins à prêter à des États, dont la signature leur parait plus sure que celle d’entreprises ou de particuliers. Ils sont donc prêts à leur faire de bonnes conditions. Ils ne souhaitent cependant pas avoir une part trop importante dans leurs actifs pour chacun des emprunteurs.
Les prêteurs font payer plus
chers les Etats les moins solides et les plus endettés, mais sont à contrario
contents d’avoir ces prêts qui leurs rapportent un peu plus que ceux faits à
l’Allemagne par exemple
Le montant de la prime de risque
qui fait la différence entre un pays comme l’Allemagne et un autre comme la
Grèce varie normalement selon des critères objectifs mais des comportements
moutonniers peuvent la faire varier fortement
En cas de doute temporaire, les
prêteurs potentiels ne se précipitent pas, le plus simple pour eux étant
d’attendre quelque mois que les choses se décantent avant de prendre position
Dans ces périodes de doutes, il
suffit qu’aucun prêteur n’accepte un nouveau prêt pour que le pays qui a besoin
d’emprunter en permanence se trouve en difficulté
De quel doute parle t-on
ici ? Du doute sur la capacité du pays à rembourser. Si ce doute est
partagé par les préteurs, il devient auto réalisateur, puisque l’ensemble des
préteurs ne prêtant plus, le pays ne peut effectivement plus rembourser !
A défaut de trouver des prêteurs
normaux pour financer normalement ses besoins, la Grèce se trouve devant des
spéculateurs qui sont prêts à prendre le risque de lui avancer de l’argent en
contrepartie d’un taux très élevé.
Mais ce ne sont pas ces spéculateurs qui ont
créé le doute, c’est la conjonction d’une dette élevée, d’un déficit en train
d’augmenter et d’atteindre des niveaux très élevés et peut être le pire, d’une
pratique de mensonge sur les données financières.
L’intervention du FMI a pour
objectif de recréer la confiance des prêteurs normaux et d’assurer les fins de
mois le temps qu’ils reviennent. La confiance se recréée si le
plan concocté donne le sentiment que d’une part les besoins de financement vont
diminuer sérieusement, d’autre part qu’il existe un financeur prêt à prêter
suffisamment longtemps, la première condition permettant évidemment de rendre
crédible la seconde.
Si le financeur se montre de manière crédible capable de
financer les fins de mois pendant par exemple deux ans, il n’aura de fait pas à
le faire, les prêteurs habituels revenant au bout de quelques mois.
La France peut elle se retrouver
dans la même situation ?
Sa dette est nettement plus faible en % du PIB que celle de la Grèce (d’un coefficient 1.5 environ). Son déficit dépasse le maximum de Maastricht (3%) depuis trop d’années. Il a beaucoup augmenté avec la crise, mais le gouvernement peut mettre en avant une volonté de diminuer le déficit structurel avec la RGPP. Et bien sûr, notre pays n’a pas la réputation de truquer ses chiffres comme la Grèce.
L’augmentation récente du déficit public doit beaucoup à celle des comptes sociaux, santé et retraite : ce n’est pas un hasard si c’est ce dernier dossier qui est sur la table aujourd’hui, d’autant que c’est celui où il est le plus simple d’identifier les pistes de solution (mais plus dur de les mettre en œuvre !)
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