Faut il présenter la question des retraites de manière très simple en insistant sur l’augmentation de l’espérance de vie et les trois leviers d’action possibles ? Ou analyser tous les aspects particuliers du dossier au risque de se noyer dans sa complexité? Ou tout simplement connaître les complexités pour revenir à la présentation simple ?
Le
raisonnement simplifié
Si on raisonne à grandes
mailles, le problème est simple et on peut le décrire en quelques idées clés
L’espérance de vie augmente
régulièrement. Avec le temps, cela représente une évolution très importante,
comme le montre ce tableau que j’ai déjà publié et qui concerne les hommes en
France métropolitaine/ il donne selon les années et à un âge donné, le nombre de survivants pour 100 naissances. Ainsi, en 1950, 61% des hommes atteignaient l'âge de 65 ans.
Années/ âge |
1900 |
1950 |
1970 |
1990 |
2010 |
2030 |
2050 |
Naissance |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
100 |
20 ans |
71.2 |
92.1 |
96.5 |
98.3 |
99.3 |
99.7 |
99.8 |
60 ans |
41.4 |
69.7 |
77.3 |
82.2 |
89.0 |
93.5 |
96.1 |
65 ans |
34.6 |
61.0 |
68.2 |
75.2 |
84.0 |
89.8 |
93.6 |
75 ans |
17.2 |
35.9 |
42.2 |
54.6 |
66.9 |
76.9 |
84.1 |
90 ans |
0.6 |
2.4 |
4.5 |
9.8 |
19.1 |
30.5 |
42.2 |
A âge de retraite donnée, il en résulte une diminution du ratio actifs / retraités. Là où un retraité était supporté par trois actifs, il fallait que ceux-ci lui cèdent un quart de leur revenus pour qu’il puisse avoir au final le même revenu qu’eux. Si le ratio passe à deux actifs pour un retraité, il faut qu’ils cèdent un tiers de leur revenu ou à cotisations égales, que le revenu du retraité ne soit que les 2/3 de celui des actifs.
Une autre solution consiste à
faire évoluer l’âge de départ de manière à garder constant le ratio actifs /
retraités
Par exemple, et toujours en
simplifiant la réalité, dans un système où la durée de cotisation initiale
serait de 40 ans, l’espérance de vie de retraité de 20 ans et le ratio de deux
actifs par retraité, on pourrait viser d’augmenter chaque année la durée de
cotisation des deux tiers de l’augmentation de l’espérance de vie.
C’est
l’esprit de la dernière loi sur les retraites, qui envisageait une augmentation
de l’espérance de vie de 3 mois par an et une augmentation de la durée de
cotisation de 2 mois par an.
Avec ce raisonnement simplifié et
à partir d’une durée de cotisation de 40 ans en 2003, il fallait la faire
passer à 41 ans en 2009, 42 ans en 2015 et à presque 48 ans en 2050.
En fait, le COR prévoit que le
rythme d’augmentation de l’espérance de vie pourrait ralentir (en particulier
pour les femmes à cause de leur consommation de tabac)
On notera ici que rein n’empêche
de jouer sur d’autres leviers : actuellement, le niveau des cotisations
parait élevé et personne n’ose parler de baisser les pensions, mais si on
arrive à une retraite à 70 ans, les avis pourraient changer
La prise en compte de la complexité
Si le raisonnement précédent peut
donner les éléments pour fixer une orientation générale, les décisions effectives
obligent à regarder de plus près la réalité et donc à aborder toute une série
de points particuliers :
Le baby boom puis le papy
boom se sont traduits par un ratio actifs/ retraités d’abord favorables, puis
devenant moins favorable à partir de 2005, indépendamment de l’impact de
l’espérance de vie
La multiplicité des régimes
a fait que certains sont plus favorables que d’autres ; ceux de secteurs
en forte décroissance avaient un ratio actifs / retraités défavorable et
ont donc bénéficier de la solidarité du régime général. Ceux qui avaient au
contraire une croissance forte, ont pu bénéficier d’un système plus favorable,
qu’ils se sont gardés de partager.
La proportion de jeunes faisant des études au-delà de la scolarité obligatoire, puis des études supérieures longues, n’a cessé d’augmenter depuis 1945. La conséquence en est que le début de carrière se fait de plus en plus tard. Le COR prévoit ainsi que à réglementation inchangée, l’âge de départ en retraite se décalera de deux ans d’ici 2050 (ce qui ne parait même pas beaucoup).
Plus généralement, les calculs du
COR à législation maintenue, aboutissent aussi à une baisse des pensions et une
hausse des cotisations.
Une partie importante des
français part aujourd’hui en retraite à 60 ans, indépendamment du nombre de
trimestres cotisés. C’est pour cela que le gouvernement veut modifier cet âge.
En théorie, le système de dé côte / sur côte devrait rendre ces choix neutres sur
l’équilibre des caisses, mais ce n’est pas le cas. Par contre, il pourrait
amener progressivement à des changements de comportements.
Plus généralement, seuls 60% des français sont en activité au moment de faire valoir leurs droits à la retraite ; les mesures récentes prises par le gouvernement (suppression progressive de la DRE notamment) visent à augmenter ce pourcentage. Le COR l’a gardé dans ses projections et il se demande même s’il pourrait baisser, par exemple par augmentations des cas d’inaptitude totale.
Le résultat de toutes ces spécificités(entre autres) se traduit dans les abaques du COR, pages 35, 37 et 40 puis annexe 2, qui montrent comment on peut jouer sur les 3 leviers des cotisations, des pensions et du report de l’âge de la retraite : elles donnent finalement l’application réelle du raisonnement simple évoqué au début. A une importance nuance près, les effets sur la croissance et l’emploi n’étant pas pris en compte.
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