A voir les titres des journaux ou à écouter la télévision ou le discours de certains hommes politiques, la violence ne cesse d’augmenter dans notre pays. Les statistiques montrent d’ailleurs une augmentation régulière des atteintes contre les personnes. Pourtant, des chercheurs tiennent un discours très différent.
Les dossiers de Sciences Humaines donnent la parole à un de ces contradicteurs, Laurent Mucchielli, directeur de recherche au CNRS et co auteur en 2009 d’un ouvrage sur la violence des jeunes. Le titre de l’article pose tout de suite le débat : « notre société est elle plus violente ? »
Le sociologue introduit son
article en faisant le constat que la violence est devenue un thème central du
débat public au début des années 90 mais que le discours porte sur des objets
extrêmement divers, du tag au terrorisme international. Il propose donc de
limiter dans son article le discours aux violences interpersonnelle, physiques
et verbales.
Il note ensuite que la définition de ce que sont les comportements violents illégitimes varie dans le temps. L’exemple le plus frappant concerne les violences faites aux femmes et aux enfants mais le phénomène est général. Bien entendu, il n’est pas possible de se poser la question de l’augmentation ou non de la violence si on ne tient pas compte de ces variations.
L’auteur peut alors continuer en
affirmant que les violences d’un type donné n’augmentent pas. Il donne en
exemple un graphique de l’évolution du résultat des enquêtes de victimisation
de 1994 à 2006.
Par contre, ce que Norbert Elias
appelle le processus de civilisation et qu’il propose d’appeler processus de
pacification, se traduit par « un recul lent, irrégulier mais continu de
l’usage de la violence interpersonnelle comme issue aux conflits ordinaires et
quotidiens de la vie sociale. Ce processus passe une dé légitimation de la
violence. »
Paradoxalement, peuvent alors
coexister un sentiment d’augmentation de la violence, et une diminution de
celle ci. La société ne supportant plus la violence, celle ci change de statut
et devient intolérable. Les violences conjugales ou les maltraitances sur
enfants ne sont plus tolérées, l’idée de harcèlement moral fait fortune. Dans
le même temps se développe l’empathie et la compassion vis à vis des victimes.
Cet article va à l’encontre des
idées reçues. On pourra le trouver intégralement sur le site.
Ce qu’il dit est
il juste ?
Une première affirmation ne fait
aucun doute : la société a criminalisé certains actes qui ne l’étaient pas
il y a 20 ou 40 ans, notamment dans le domaine sexuel et dans la sphère privée.
On sait que l’augmentation des déclarations pour certains délits, comme le viol
par exemple, correspond avant tout à une plus grande déclaration, les victimes
n’hésitant plus à porter plainte.
L’impact est loin d’âtre
négligeable. Pour éviter la chasse aux « pointeurs » par leurs
codétenus, l’administration pénitentiaire les concentre dans certains
établissements pour peine. Il y a en a 26 comme cela en France ! Une de
mes collègues qui a été juré d’assises me disait que 4 des 5 affaires jugées
étaient d’ordre sexuel.
On a le même phénomène en ce qui concerne le comportement au volant
Mais cela explique t-il la hausse
apparente de la criminalité, mesurée par la hausse du nombre de détenus ?
Laurent Mucchielli donne deux
éléments chiffrés pour essayer de sortir des effets de changement de
déclaration : sur les enquêtes de victimisation dont on pourra lire le tableau
en bas de l’article, sur le nombre d’homicides ensuite
C’est ce dernier point qui ma paru
le plus convaincant, ce chiffre étant peu sensible a priori aux phénomènes de
sous ou sur déclaration.
Dans l’article, le chercheur
compare le résultat de 1988, et celui de 2009 : dans l’intervalle, on est
passé de 1519 à 819 cas d’homicide.
A-t-il choisi ces années car elles allaient
au mieux avec sa thèse ? C’est sur ce critère de biais que je fais plus ou
moins confiance à un chercheur : je suis donc parti à la recherche de
données
Wikipédia donne des chiffres sur
une période assez courte, qui ne donne pas une tendance marquée, même si
celle-ci serait plutôt à la baisse
L’Inserm donne des chiffres
beaucoup plus faibles (moins de 600 par) mais sur durée longue ils diminuent
J’ai aussi trouvé une courbe dans un article du
même auteur, courbe qui montre une hausse après 1988 puis une baisse assez
nette au milieu des années 90. Ce qui est clair, c’est que l’auteur a choisi
les dates extrêmes et non les données extrêmes qui l’auraient arrangé, ce qui balaie le doute que j'aurais pu avoir
Pour finir, quelques données
issues de rencontres au sein de l’administration pénitentiaire
A la fin des années 90 a été
lancé un programme de construction de prisons pour les mineurs, à partir de
l’idée que le nombre des détenus mineurs allait augmenter fortement,ce qui ne
s’est pas produit.
Un syndicaliste me parlait de
l’utilisation de mesures autres que l’incarcération pour des délits comme le
non paiement des pensions alimentaires.
De cette brève analyse, il ressort
donc que la hausse du nombre de détenus ne s’explique que par la hausse de la
sévérité et la criminalisation de délits hier ignorés
A méditer pour finir : c’est la même montée du rejet de la violence qui explique la baisse de celle-ci et l’augmentation de sa répression. On l’a bien vu dans le cas des accidents de voiture : leur rejet massif en 2002 s’est produit alors que la mort au volant avait été divisée par 2 en 25 ans. Il a permis une nouvelle forte baisse
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